Ce matin, en ouvrant ma messagerie électronique, j’ai découvert qu’un annonceur de pompes funèbres « low cost » me proposait un marché intéressant, dans le genre « Décédez et on se chargera du Reste (des restes) » !
Evidemment, comme rien n’est gratuit en ce bas monde en attendant, le cas échéant, un autre moins vénal, cette offre de service, en soi, alléchante, était assortie de quelques conditions financières. Ainsi, en cas d’acceptation de cette facilité mortuaire, je n’aurais plus à m’acquitter mensuellement que d’une modeste participation – presque une obole symbolique – prélevée automatiquement sur mon compte bancaire au profit de mon magnanime bienfaiteur! Et ce, durant le reste de mon âge, sans me prendre la tête ou me faire un sang d’encre! Simplement en achetant ma mort et mes obsèques à tempérament! Ou si l’on préfère en épargnant! Et pour jouir d’une telle aubaine, il me suffisait après avoir dûment complété le formulaire pré-rempli, de l’adresser accompagné d’un RIB, par la voie virtuelle des ondes, vers l’oeuvre de bienfaisance qui m’avait si gentiment sélectionné! …
Ensuite, je n’aurais plus eu qu’à expirer, de préférence pas immédiatement, de telle sorte que la société « philanthropique » à l’origine de cette louable initiative, ait le temps de collecter suffisamment de mes propres deniers pour se dédommager, des frais de dossier que, Grand Seigneur, elle m’offrait ! Un sacré cadeau au seuil de l’éternité ou du néant…C’est comme on veut.
Je me sens presque honteux de n’avoir pas donné suite à cette offre manifestement alléchante et certainement désintéressée, sans doute par méfiance devant une telle manifestation d’altruisme, à laquelle la modernité ne nous habitue plus guère, ou, plus prosaïquement, par peur de forcer mon destin en étant trop prévoyant ! Mais, à la réflexion, cette idée d’assurance-mort qui permet- en principe – de s’offrir à bon compte un Requiem de Mozart en orchestre symphonique, alors même qu’on n’est plus censé entendre une seule note de musique – ni rien du tout d’ailleurs – est vraiment réjouissante. D’autant plus qu’elle n’exige rien des ayant droit éplorés, dont le « travail de deuil » est ainsi facilité. Non contraints de courir les discothèques pour satisfaire les dernières volontés de cet emmerdeur qu’on aime tant, on peut se consacrer sans réserve aux choses sérieuses de la suite! Ces funérailles en grandes pompes par la volonté de son bénéficiaire et de ses virements bancaires interposés, semblent en outre jouir d’un autre atout: on dit qu’elles échapperaient à la curiosité inquisitoriale du contrôleur fiscal et à la comptabilité patrimoniale !
Cette initiative ne devrait donc faire que des heureux, et éviter toute forme d’état d’âme chez ceux – les vivants bien vivants – auxquels l’heureux futur défunt a confié ses directives dites « Léonetti ». Ils n’auraient plus à se préoccuper que de « l’avant » sans se soucier de « l’après »! Plutôt de « l’après immédiat ». Pour celui qui a rendu l’âme et qui disparaîtra à jamais des standards du temps commun, c’est gagnant-gagnant en gain de sérénité postulée, consciente ou inconsciente. Il en est de même pour le financier philanthrope!
J’en étais là de mes réflexions, de mes regrets (éternels) et de mes remords, lorsque le téléphone et les réseaux « sociaux » se mirent à crépiter pour me faire fête, et me souhaiter un bon anniversaire. Le banquier avait été le premier à sonner la charge, il ne fut pas le dernier… Tous, proches, famille et amis y mirent du leur – sans autre contrepartie, eux, que l’affection que mutuellement nous nous portons – et je dois dire que cette unanimité réchauffe un cœur, qui s’essouffle un peu …avec le temps qui passe et les tissus qui se distendent.
Je vieillis, c’est un fait. J’en suis d’ailleurs à ma troisième année « sphénique » depuis ma naissance ! Ma quatrième ne devant intervenir que dans quatre ans, puis ensuite dans douze ans et enfin si le marathon vital daigne se poursuivre encore un peu, la cinquième me permettra de parodier Victor Hugo : mon siècle aura deux ans (de plus) ! Mais à quoi bon lorgner l’exploit ou rechercher dans l’arithmétique quelque loi symbolique qui permettrait de se soustraire à l’érosion du temps. Belle jambe en réalité que de savoir que le chiffre de son âge en système décimal est divisible par trois nombres entiers, en l’occurrence, deux, trois et onze ! Ça pose juste un peu.
J’ai franchi désormais le cap des soixante six hivers, et presque autant de printemps, si j’arrive à résister à la rigueur glaciale du réchauffement climatique, comme le souhaite ardemment mon magnanime correspondant funèbre, qui estime que je suis suffisamment vieux pour penser posément au terme de mon existence, mais suffisamment éloigné des eaux les plus turbulentes du Styx pour générer encore quelque profit financier !
Sans forcément avoir à affronter les quarantièmes rugissant, les ans finissent tout de même par peser ! Surtout lorsque je prends conscience avoir parcouru, mine de rien, plus de 61 milliards de kilomètres dans l’espace galactique depuis cette fameuse nuit de ma naissance, le 8 février 1949 au rez-de-chaussée du 49 de l’avenue René Gasnier à Angers. Dont, 30 milliards environ, la clope ou la pipe au bec…
A peine sorti des starting-blocks matriciels, je me suis agrippé comme j’ai pu à l’orbite terrestre. J’en mesure aujourd’hui l’exploit rien qu’à la quantité d’adrénaline qu’il a fallu sécréter pour satisfaire les besoins d’un cœur qui s’est contracté près de trois milliards de fois dans ce laps de temps …Et ce, sans trop dysfonctionner.
Normal que le paysage ait changé depuis ce lointain passé et que parfois, je m’époumone un peu …Normal qu’on soit triste lorsqu’on se remémore ceux qu’on a laissé des milliards de kilomètres derrière nous.
Je pensais que tu étais le deuxième auquel je fêterai les 66 ans cette année, mais si j’ai bien souhaité un anniversaire le 21 janvier dernier, ce n’était pas celui de la mort de Louis XVI, c’était celui de ma filleule et elle t’avait devancé d’une année. Si je me souviens bien de l’avenue René Gasnier, je ne crois pas avoir vu tes premiers jours et les deux pièces devant accueillir par la suite tes trois soeurs devinrent exiguës au point de penser au 6bisruedemessine déjà ! Bon anniversaire donc et ménage ton coeur !
Merci et à bientôt pour la poursuite de nos historiettes…
Bon anniversaire! J’ai eu moi aussi 66 ans quinze jours avant toi, je peux donc témoigner qu’on s’en remet très bien et l’avenir nous appartient.
Au sujet des pompes funéraires me vient à l’esprit une pensée profonde de Pierre DAC (je crois) qui se demandait pourquoi il y avait des murs autour des cimetières car les vivants ne veulent pas y entrer et les morts ne peuvent pas en sortir !!
Ah Pierre Dac, il nous manque! Il n’y a plus guère que toi et le nouveau secrétaire général de la CGT pour ressusciter ses aphorismes! J’aime bien en particulier cette dernière récente dudit secrétaire qui n’hésite pas à affirmer que c’est en étant à « contre-courant » qu’on se donne des perspectives d’avenir! Pierre Dac ne l’aurait certainement pas désavoué, lui qui disait: « Monsieur a son avenir devant lui et il l’aura dans le dos à chaque fois qu’il se retournera ».
Ah bon ? et ta cousine ? !!! Il disait aussi « quand on ne travaillera plus le lendemain des jours de repos, on aura fait un grand pas dans la marche arrière du progrès social » ! Et avec la retraite qui, pour moi, diminue cette année à cause de la CSG qui va augmenter… je ne travaille plus que le lendemain des jours de repos… pour le 6bisruedemessine !
Bravo, pan sur le doigt et à juste titre! Plates excuses …
Ce jour, 40 ans que Pierre Dac est disparu. Vu ce matin à la télé, un livre relatif à sa bio mais dont les dessins ont été réalisés par ….Cabu.
Le temps passe!
Honte à moi ! le petit mot sur les cimetières que j’avais attribué (avec un petit doute) à Pierre Dac est en fait de Mark Twain.
La biographie de Pierre Dac, qui plus est illustrée par Cabu, doit être passionnante et je vais m’empresser de me la procurer. Merci à Rose l’angevine pour cette information.
J’espère Jean Luc que tu pourras me défendre pour avoir commis cette erreur car comme l’a dit Pierre Dac (cette fois-ci c’est bien lui) « on dit d’un accusé qu’il est cuit quand son avocat n’est pas cru »
Faute avouée, totalement pardonnée. Merci vieux frère!