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Archive for the ‘Je suis témoin’ Category

En dehors peut-être des moines joufflus des boites de Camembert et certainement des officiants bon chic bon genre, à la tonsure soignée et au froc impeccable de la très intégriste église parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet, il n’y a plus guère de monde pour traduire spontanément la citation titre de ce billet. En plus, on prétend que ce serait de l’araméen, une langue écrite qui fut pratiquée au Moyen Orient environ cinq siècles avant notre ère, mais dont on dit aussi qu’elle serait la langue de composition des Evangiles!

Bref, il n’y a rien de d’anormal à ignorer le sens de cet aphorisme venu du fond des âges et de notre inconscient! Et, pourtant, s’il y a une période de l’année, où il faudrait la comprendre, c’est bien en cette fin de carême chrétien et plus précisément en ce vendredi qui précède Pâques, qu’on appelle le Vendredi Saint, chez les catholiques romains et chez les ouailles du très ambigu patriarche Cyrille, chef de l’église orthodoxe russe d’obédience poutinienne.

Pour les mécréants dont je suis, qui ont été autrefois élevés dans la religion de leurs pères mais qui n’envisagent nullement une reconversion tardive et opportuniste face à une fin inéluctable, cette formule absconse parle malgré tout.

Elle parle comme un élément de langage patrimonial dont la musique aurait été oubliée dans un placard poussiéreux et qu’on retrouve en voulant alléger ses archives! D’une certaine manière, sans faire sens à nos yeux, car le néant est un non-sens, elle réveille cette mémoire ancienne que Marcel Proust (1871-1922) nommait « la réminiscence involontaire » dans sa « Recherche du temps perdu ». Non explicitement sollicitée, elle révèle un pan de notre histoire intime qu’on avait gommé, tel un détour sans issue, abandonné faute de raison d’être depuis des décennies!

Curieuse « Madeleine » cependant que cette phrase de détresse en araméen! Une Madeleine qu’on ne saurait porter à ses lèvres pour la savourer en la laissant  » s’amollir dans une cuillerée de thé.

« Eli, eli, lama, sabachtani » associée au cérémonial lugubre de la montée christique vers le Golgotha, elle ravive ce chemin macabre et virtuel de la crucifixion que l’enfant que j’étais il y a soixante ans et plus, parcourait, ces vendredis là de carême, en tenant la main de sa grand-mère maternelle, Adrienne Turbelier-Venault (1894-1973), de stations en stations au rythme de la lecture des évangiles, dans la nef de l’église paroissiale de la Madeleine d’Angers.

C’était aux alentours de trois heures de l’après-midi.

Force est de reconnaitre que le supplicié avait le sens de la formule choc pour crier son désespoir en rendant l’âme, avec des mots que l’on se répéta encore deux millénaires plus tard. Sans d’ailleurs les entendre: Des mots qui forcément suscitaient la compassion et l’effroi, et qui conservèrent, des siècles après avoir été proféré, tout leur potentiel tragique. Et traumatisant pour le gamin que j’étais, car j’étais persuadé qu’après cet ultime soupir, la terre allait trembler en ouvrant sous nos pieds d’immenses précipices prêts à engloutir le genre humain, que le ciel allait se déchirer et que la tempête nous emporterait à jamais dans les enfers enflammés des coupables « originels ».

Je me préparais alors au pire, convaincu de mériter ce sort, en ma qualité d’héritier d’Adam et d’Eve, responsables d’avoir déplu au Créateur pour avoir défié ses principes diététiques, et tenus pour coupables d’avoir laissé se perpétuer l’exécution indigne d’un gars de Palestine, innocent mais bavard, qui se prétendait le fils de Dieu.

D’ailleurs, je n’avais guère de choix, car ce qui se préparait était écrit dans les récits de l’apocalypse, repris et abondamment commentés dans la liturgie selon Saint Pie X, telle qu’elle était présentée à l’adresse des fidèles de nos belles provinces de l’Ouest, dans le « Paroissien Romain du Diocèse de Nantes » dans son édition de 1891, le seul exemplaire que je possède encore dans un coin peu visité de ma bibliothèque.

Heureusement, passés quinze heures, il ne se passait jamais rien à Angers.

Le ciel ne s’obscurcissait pas, le timide soleil printanier persistait à briller sur le parvis de l’église. Sur la place éponyme de la Madeleine, le bureau de tabac continuait de vendre ses Gitanes, ses journaux et ses billets de la Loterie nationale. En face la boulangerie ouvrait sa devanture. Le boucher et la charcuterie itou. Un peu plus loin, à l’embranchement de la rue Volney, de la rue de la Madeleine et de la rue Desmazières, la pâtisserie Terrien disposait ses gâteaux du soir en vitrine. Et le cordonnier Boursier déverrouillait son échoppe!

C’est probablement dans ces moments-là qu’un doute m’assaillit sur la réalité de ce que je venais de vivre dans la basilique du Sacré Cœur. Et sur la notion de « vérité révélée » en religion. Un doute méthodique qui m’a conduit à déserter la métaphysique pour la raison pure. Et ce doute ne m’a plus jamais quitté, jusqu’à ce jour. Un doute difficile à lever car chacun sait qu’en science comme en religion, on ne peut réfuter ce qui par essence est indémontrable, a fortiori lorsque c’est fantaisiste.

Je ne sus en revanche jamais à quoi songeait ma grand-mère! J’ignorais si elle croyait à ce quelle récitait. Si elle simulait la bigoterie pour ne pas s’exclure de la communauté des croyants par convenance identitaire, ou si elle avait été visitée par une divine révélation. Peu importe, j’aimais sa compagnie et je pense que c’était réciproque!

Il était généralement seize heures lorsqu’on gravissait l’escalier d’ardoises de son petit logement du premier étage du 20 de la rue Desmazières, juste en face l’entrée du Jardin Fruitier. Je m’installais à l’unique table de la pièce principale qui était à la fois sa chambre, son salon, sa salle de séjour et sa cuisine. Et elle râpait alors du chocolat noir dans un bol de lait chaud. La catastrophe biblique annoncée qui ne s’était pas produite, était désormais très loin!

Le temps a passé depuis ces années des premiers temps de la cinquième République. Un temps court d’abord, car deux jours plus tard, on fêtait Pâques, la fête dite de la résurrection. Mais surtout celle de ma famille. Un temps long ensuite puisque chaque année jusqu’à l’année où ils s’en allèrent vers celui qu’ils espéraient rencontrer dans l’au-delà, entouré de leurs chers disparus pavoisant dans une éternelle sérénité, mes parents nous réunissaient tous, le jour de Pâques, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, pour déguster l’incontournable gigot d’agneau mogettes à l’angevine, arrosé aux côteaux du Layon.

Et pour dessert, la tarte aux prunes confites.

La table prête à Massy. En 1995, on fêtait le même jour, Pâques et l’anniversaire de notre mère Adrienne Pasquier

La proximité sémantique de Pâques et de Pasquier y était évidemment pour quelque chose pour la plupart d’entre nous, autant en tout cas que le prétexte religieux. Sauf, pour mon père Maurice Pasquier (1926-2017) qui demeura fidèle jusqu’au bout à la foi du charbonnier de sa jeunesse. A la fin de sa vie, alors qu’il était presque aveugle, il ne manquait jamais la messe dominicale de la télé diffusée sur la chaine du service public. Pour lui, Jésus n’était pas un alibi sociétal ou culturel, mais « réellement » le fils de Dieu, sauveur d’une humanité dont il savait pourtant tous les travers et parfois le cynisme, comme militant chrétien, comme ouvrier et comme syndicaliste et militant politique de la justice et de l’égalité. Lucide, rationnel, critique mais résolument attaché au modèle de transcendance qu’on lui avait inculqué jadis, notre mécréance le chagrinait, voire l’indisposait! Tel était- t-il! Prier était pour lui un réconfort. Mais on l’aimait fort ainsi, sans que ni lui ni nous, n’ait jamais renoncé à se chamailler. J’ignore s’il est parti en faisant la part des choses.

Pour conclure, il est nécessaire de fournir enfin la traduction du titre de cet article, à savoir les dernières paroles de Jésus agonisant. Elles sont beaucoup moins célèbres que le fameux slogan « Allahu akba » qui gangrène de nos jours les banlieues des grandes métropoles françaises et dont se revendiquent les propagandistes du terrorisme islamiste.

« Eli, Eli, lama sabachthani ?  » signifie selon les exégètes: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Je suis certain qu’au nombre très restreint des traducteurs de ce cri évangélique de détresse, figure bien sûr l’actuel locataire souriant de la cité vaticane désormais médicalisée, par la force des choses. A noter qu’en période de carême, le port de la tiare et de la calotte devient lourde. Le job est contraignant car outre les obligations pontificales liées à l’allégresse de la résurrection pascale, le pape doit s’efforcer de faire face tant qu’il peut aux aléas fâcheux que lui oppose sadiquement et à répétition la Sainte Providence. Laquelle semble détester les vieux.

Plus sérieusement, lorsqu’on voit les menaces de guerres et de dérèglements de toutes natures qui pèsent sur notre planète et sur ceux qui y résident, on peut légitimement interpeler Dieu en le sommant de dire – à l’exemple de celui qui se disait son fils – pourquoi il tolère toute cette universelle souffrance, alors qu’en principe il en serait forcément la cause première! Et face à son impuissance, on peut même se demander s’il existe vraiment, et s’il existe, pourquoi il laisse faire!

Une autre hypothèse, que je privilégie, c’est que le ciel est vide. Et surtout vide de sens. Sans horloger pour remonter la pendule!

Joyeuses Pâques

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De la fenêtre de mon bureau, ce matin…Plus que de longs discours!

 » Quand nous chanterons le temps des cerises
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête.. »

Avec en prime, les mésanges bleues et charbonnières, la fauvette à tête noire, le bouvreuil pivoine, le chardonneret élégant, et évidemment le moineau domestique. Sûrement plein d’autres espèces aussi à défiler sans calicot ou banderole dans mon jardin…

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Le samedi 31 mars 1923, veille de Pâques, naissait à Angers, notre mère Adrienne Turbelier (épouse Pasquier). Il y a tout juste cent ans. Elle décéda à 94 ans passés en région parisienne.

Ce jour-là, le Petit Courrier, le quotidien républicain de l’Anjou, annonçait, parmi les nouvelles locales que le Vélodrome d’Angers rue de Montesquieu serait réouvert le lendemain pour la course cycliste « La Roue d’or ». Il signalait également qu’au Grand Théâtre de la Place du Ralliement, la location des places pour la pièce à grand spectacle, Michel Strogoff de Jules Verne (1828-1905) et du dramaturge Adolphe d’Ennecy (1811-1999) était ouverte.

Enfin, parmi les autres « brèves » et les petites annonces intéressant la population angevine, le journal publiait une liste d’emplois réservés aux anciens combattants de l’Anjou, notamment de facteurs auxiliaires des Postes, de gardiens de bureau des commissariats de police, de préposés aux douanes ainsi que d’hommes d’équipe aux chemins de fer et de « sémaphoristes » ..; Cinq après l’armistice de la 1918, les stigmates de la Grande Guerre avec ses blessés, ses mutilés et ses morts persistaient à coloniser les esprits. Au coin des rues, des « Gueules cassées » coincés dans leur minuscules échoppes vendaient des billets de la Loterie Nationale!

Ce 31 mars 1923, le bulletin météorologique de l’Anjou, qui se limitait à l’époque à reproduire ce que chacun possédant un thermomètre pouvait observer, notait une légère variation de température au cours de la journée, de 10° C° à 8 heures à 10° C° en soirée en passant par 14° à midi, la pression atmosphérique demeurant stable à 760 millimètres de mercure. Autrement dit, la météo plutôt clémente en ce début de printemps était dans la norme de celle attendue sous influence océanique en Anjou et dans le Val de Loire. Les cerisiers se couvraient de fleurs!

En revanche, des nuages d’une autre nature, plus menaçant, suscitaient quelque inquiétude en cette année d’après une guerre qui avait endeuillé presque toutes les familles françaises, dont celles d’Adrienne. En Allemagne, le chômage et la misère gagnaient chaque jour plus de terrain, favorisant la montée du nazisme et en Italie, le fascisme incarné par Mussolini était aux marches du pouvoir. En outre, la tension était maximale entre la France et la République de Weimar, depuis que le président Poincaré avait décidé en janvier 1923, d’envahir militairement le Bassin Minier de la Ruhr pour contraindre l’Allemagne à s’acquitter des dommages de guerre.

De nombreux incidents émaillèrent cette occupation comme en témoignait le Petit Courrier du 31 mars 1923 qui décrit une grave échauffourée survenue à Essen, la grande ville industrielle de la région, entre des ouvriers des usines Krupp et l’armée française qui venait réquisitionner des machines. Les affrontements parfois violents firent plusieurs victimes allemandes, que la propagande du parti nazi instrumentalisa immédiatement.

Enfin, au nombre des autres tristes nouvelles du jour, la presse locale et nationale consacrait quelques articles au décès, le 26 mars 1923 de l’actrice et tragédienne Sarah Bernhardt (1844-1923), et publiait de nombreux témoignages et hommages de ses amis et admirateurs, en particulier de la romancière Colette (1873-1954), de l’auteur dramatique Tristan Bernard (1866-1947) ou encore de l’écrivain et poète Henri de Régnier (1864-1936).

En somme, ce 31 mars 1923, fut une journée presque ordinaire d’après-guerre, dans un contexte national et international fragile.

Dans le quartier de la Madeleine, à Angers, Alexis Joseph Turbelier (1864-1942), l’organiste attitré de la basilique du Sacré-Cœur, l’église paroissiale, a probablement rendu visite à son ami, le chanoine Félix Fruchaud (1856-1954), curé de la paroisse pour faire le point des chants et des psaumes qui accompagneront les différentes célébrations pascales.

Il compte bien, au passage, s’attarder au clavier de l’orgue pour improviser à sa guise, une rengaine de sa composition. Ensuite, il ira, pipe au bec, taper la manille au cercle paroissial. Beau programme pour un samedi Saint, où la troupe de théâtre dont Alexis est une tête d’affiche en qualité de comédien comique amateur, fait relâche.

Pendant ce temps, au premier étage d’un modeste appartement de deux pièces, sans réel confort d’un petit immeuble du 20 rue Desmazières, à deux cents mètres environ de la place de la Madeleine, Adrienne Venault (1894-1973), l’épouse de Louis Turbelier (1899-1951) – fils d’Alexis-Joseph – ressent les premières contractions annonciatrices de l’accouchement de l’enfant qu’elle porte.

A vingt neuf ans, c’est son premier enfant. Moins de deux ans après son mariage à Angers le 29 octobre 1921. La guerre avait cruellement contrarié son désir d’une maternité plus précoce.

C’est ainsi qu’à vingt heures, au soir de ce 31 mars 1923, une petite fille voit le jour. Ses parents la prénommèrent Adrienne, Marie Louise Joséphine. Plus tard, elle aimait d’ailleurs souligner en souriant que ses second et troisième prénoms étaient ceux des épouses de Napoléon 1er. En réalité, il ne s’agissait que de pur hasard car aucun de ses parents ne se revendiquait du bonapartisme. Les deux prénoms étaient en fait ceux de sœurs de la jeune mère.

Adrienne dans les bras de sa maman – 1924

Outre la sage-femme et sûrement le mari, un peu à l’écart, une autre personne assistait à l’accouchement: Clémence Fradin épouse Venault (1961-1931), mère de la parturiente et grand-mère maternelle de la petite Adrienne. Depuis son veuvage en 1911, elle vivait chez sa fille et son gendre. En outre, deux ombres chères à la jeune mère hantaient également les lieux, deux Poilus « morts pour la France » au printemps 1918 lors de l’offensive Allemande dans la Somme; d’une part Albert Venault (1893-1918) le frère et compagnon de jeu de la nouvelle mère et d’autre part, Alexis Victor Turbelier (1897-1918) fils qui fut le premier « fiancé » d’Adrienne et frère ainé de son mari Louis et désormais père.

Cette naissance fut sans doute un moment de grand bonheur mais elle n’effaça pas le traumatisme que suscita la disparition au front des deux soldats, dont les portraits étaient accrochés aux murs de la chambre. Néanmoins, elle démontra qu’en dépit des drames, la vie reprend toujours le dessus. Ce crédo, Adrienne en fit sien jusqu’à la fin de ses jours!

La petite fille puis plus tard la femme y compris lorsqu’elle aura atteint le grand âge, réfutera toujours l’idée que la mort pourrait l’emporter!

Compte tenu des fêtes de Pâques, la naissance d’Adrienne ne sera déclarée à la mairie d’Angers que le mardi 3 avril 1923 en fin de matinée par Louis Turbelier le père – ferblantier – accompagné de deux témoins, Alexis Turbelier le grand-père et de Michel Gallard (1896-1962), employé de banque et oncle par alliance de la petite fille.

Autant qu’on le sache, la petite enfance et l’enfance, puis l’adolescence de la jeune Adrienne furent celles classique d’une petite provinciale heureuse de vivre. Aimée de ses parents. Et romantique comme en attestent certains des carnets intimes qu’elle a laissés. Une simple jeune fille dans un quartier périphérique d’Angers, la Madeleine, non loin des Ardoisières de Trélazé. Un quartier très influencé par l’Eglise catholique, ici dominante et omniprésente, dirigée par un chanoine bâtisseur et énergique, le curé Fruchaud qui régna sur la paroisse pendant plusieurs décennies comme un préfet napoléonien. Nostalgique des Guerres de Vendée de 1793, il contesta par conséquent, avec fougue, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, instaurée par la loi de 1905 et surtout à l’inventaire des biens du clergé, auquel d’ailleurs il tenta même de s’opposer fermement en s’enfermant dans son église avec quelques paroissiens, dont peut-être Alexis l’organiste.

En fait,  » à la Madeleine » (comme on disait), c’est le clergé qui donnait le ton de la vie collective. Non seulement, il présidait, conformément à sa mission, les offices religieux et les nombreuses fêtes votives mais il était le plus souvent le maître d’œuvre des festivités populaires qu’il encadrait au travers notamment d’un patronage paroissial où se rassemblait la jeunesse, d’un cercle de boules de fort, doté d’une buvette à vins d’Anjou, et enfin d’un théâtre amateur dont le grand-père d’Adrienne, Alexis Joseph, l’organiste était un sociétaire attitré et un acteur comique incontournable dans tout le Grand Ouest. Il y a moins de cinquante ans encore – dans les années 1970-1980, les vieux du quartier se souvenait de lui, alors qu’il était décédé depuis 1942.

En 1925 un second enfant naît au sein du couple Turbelier, un premier frère pour Adrienne, Albert Turbelier (1925-2023) puis un autre cadet en 1927, Georges Turbelier (1927-2009). L’affection au sein de cette fratrie ne se démentira jamais!

Quelques photographies témoignent de cette époque d’avant-guerre, plutôt heureuse pour Adrienne et ses frères mais plus rude pour ses parents en raison de la crise économique des années trente, qui contraignit Louis Turbelier à abandonner son métier de ferblantier à cause du chômage qui sévissait. Il intégra dès lors la police municipale.

Tout naturellement, la petite Adrienne suivit sa scolarité jusqu’à l’obtention de son certificat d’études primaires en juillet 1935 dans une école confessionnelle tenue par les religieuses à cornette de la Retraite, une des nombreuses communautés religieuses du quartier.

Dans le même temps, elle reçut une instruction religieuse qui se solda par ce qu’on appelait à l’époque, le certificat d’études primaires chrétiennes et par la communion solennelle. Cette dernière était d’ailleurs une occasion pour réunir la famille après la messe et d’organiser une traditionnelle fête, assortie d’un plantureux repas arrosé aux vins locaux des côteaux du Layon.

Y étaient présents, les grands parents, tous les oncles et les tantes, ainsi que les cousins et les cousines.

Mais, en 1935, il n’était pas question qu’une jeune fille, quels que soient sa vivacité d’esprit et son souhait, poursuive des études au-delà de la scolarité primaire obligatoire. C’est la raison pour laquelle elle entra en apprentissage chez un tailleur du quartier de la rue de la Madeleine, afin de devenir couturière. Un métier très souvent dévolu aux jeunes fille à l’époque, concurremment avec celui de cuisinière dans des maisons bourgeoises comme l’avait été sa mère jadis.

Non seulement elle s’accommoda sans difficulté de ce choix un peu orienté par d’autres, mais, sous la bienveillante direction de son maitre de stage, un patron tailleur dont l’atelier se situait non loin de chez elle, elle y prit goût. Elle aima ce métier qu’elle pratiqua ultérieurement, à des titres divers et privés, jusqu’à un âge avancé. En témoignent ses cahiers de couture qu’elle remplissait avec le plus grand soin.

Ayant obtenu son certificat d’aptitude professionnelle de couturière (CAP), assorti de la « mention Bien » en juin 1939, elle aurait même souhaité approfondir sa pratique en se spécialisant comme tailleur de costumes pour hommes et d’ensembles pour femme. Elle espérait même pouvoir poursuivre, là où s’était déroulé son apprentissage. Malheureusement, la guerre fut déclarée en septembre 1939 et son patron réquisitionné dut fermer sa boutique.

C’est dans ces conditions – alors qu’elle était alors âgée de dix-sept ans – qu’elle trouva un emploi de vendeuse retoucheuse « chez Joudon » un grand magasin de confection place du Ralliement dans le centre-ville d’Angers. Elle y travailla pendant l’Occupation d’Angers par les Allemands entre 1940 et 1944. Ce fut, à tous égards, un épisode marquant de la vie d’Adrienne.

En effet, en dépit de la présence oppressante de l’ennemi – peut-être même à cause d’elle – malgré les tracasseries et les privations que l’armée occupante imposait, elle y noua des amitiés solides et pérennes avec des jeunes gens de son âge ( Voir dans ce blog, un article du 28 mars 2013 titré: « De fil en aiguille ! Vendeuse en mercerie et retoucheuse chez Joudon (1940-1948)… »

C’est chez Joudon également qu’elle apprit la solidarité ouvrière et qu’elle s’engagea dans la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Ainsi, alors qu’elle était issue d’une famille plutôt conservatrice, c’est de cette période que datent ses convictions à « Gauche ». Convictions qu’elle revendiqua, sa vie durant, solidement campée sur des principes de justice sociale et sur une confiance jamais démentie dans le progrès humain et dans la recherche scientifique et médicale. A telle enseigne que le Parti Socialiste de la section locale de Massy où elle résidait depuis 1970 et dont elle était toujours adhérente, était représenté à ses obsèques en 2018.

Elle fut parfois déçue mais jamais elle ne renia les utopies de sa jeunesse. Pas plus d’ailleurs que ses rêves, son romantisme parfois naïf et son goût pour la création artistique, dont la peinture qu’elle pratiqua jusqu’à un âge avancé.

La guerre et l’implacable occupation allemande furent évidemment des épreuves douloureuses pour tous les angevins, mais pour les jeunes adultes à peine sortis de l’adolescence, ce fut en outre particulièrement frustrant. La jeunesse d’alors, qui comme toute jeunesse n’aspirait qu’à se découvrir et découvrir l’amour ne pouvait donner libre cours à sa légitime soif de rencontres et de fêtes. Elle ne pouvait voyager comme elle l’entendait ni même se nourrir convenablement. Bravant les différentes injonctions de circulation et les couvre-feux, elle n’avait d’autre moyen que la marche à pied pour se balader hors les murs de la ville. Elle en usa sans retenue, comme d’un acte de résistance passive à la bureaucratie nazie qui tenait la ville en coupe réglée. .

Qu’à cela ne tienne donc, elle marchait, bras dessus, bras dessous. Le dimanche, Adrienne et ses amis de chez Joudon battaient les campagnes environnantes et les bois aux alentours d’Angers, ainsi que le rappellent les photographies d’époque. Ses frères étaient de la partie et c’est probablement dans ces circonstances que Georges Turbelier fit la connaissance de Lucette Harné (1926-2023) , la sœur d’une collègue d’Adrienne, et qui devint la compagne de sa vie

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En décembre 1944, lors d’une manifestation de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) en faveur des nécessiteux, elle rencontra Maurice Pasquier. Ils s’aimèrent dans l’instant. Ne se quittèrent plus échangeant presque chaque jour une abondante correspondance. Et finalement, ils se marièrent à Angers le 8 décembre 1947 malgré certaines réticences des parents d’Adrienne, qui auraient sans doute privilégié pour leur fille un parti plus capé que celui d’un ouvrier ajusteur outilleur.

Chaque année dès lors, jusqu’au terme de leur existence commune que seule la mort pouvait suspendre, ils fêtèrent cette date, autour d’un repas auquel les enfants étaient conviés. Quatre enfants sont nés de cette union que l’on qualifierait aujourd’hui de fusionnelle. Outre moi-même, mes trois sœurs, Marie Brigitte, Louisette et Françoise.

Adrienne devenue « mère au foyer » devint le pilier de la famille, toujours présente, recueillant les confidences des uns, écoutant les difficultés des autres et faisant toujours face aux aléas ainsi qu’aux petits et grands chagrins du quotidien. Silencieuse sur ses propres états d’âme, elle aimait cepandant raconter et même ressasser les mêmes anecdotes drôles, où elle se mettait en scène à son avantage. .

Ainsi se déroulèrent les années soixante, où femme des Trente Glorieuses elle connut sans doute le bonheur, comblée en famille mais revendiquant pleinement un statut d’égalité avec les hommes.

Elle surmonta enfin de cruelles épreuves, dont la perte d’une de ses enfants. Mais elle tut sa souffrance qui appartenait à son intimité et qu’elle n’entendait partager avec quiconque, car la mort lui faisait horreur, refusant jusqu’à la fin de visionner les scènes de violence à la télévision. Jusqu’à la fin également, elle demeura l’artiste peintre, qu’elle aurait désiré être.

A la charnière des années 1970, ce fut un déchirement pour elle de devoir quitter Angers, sa ville de cœur, pour la région parisienne, où Maurice avait trouvé du travail. Elle s’y résigna malgré tout et s’investit comme elle put dans le milieu associatif à Massy mais son cœur demeura sur les bords de la Maine et de la Loire.

En décembre 2017, après le décès de Maurice, alors qu’elle avait à 94 ans et perdu une grande partie de son autonomie, elle décida de rejoindre une maison de retraite médicalisée à Massy (EHPAD Louise de Vilmorin).

Elle y décéda deux mois plus tard, de tristesse sans doute, mais aussi parce que le médecin coordonnateur de cet établissement, traitre au serment d’Hippocrate, trouva argument de son grand âge pour s’abstenir de prendre en charge médicalement, une affection pulmonaire initialement bénigne. Laquelle s’aggravant avec une rapidité effrayante, finit par l’emporter en l’asphyxiant.

Elle mourut le 6 février 2018 dans une clinique d’Athis-Mons où elle avait été transportée en urgence depuis Massy. Ainsi peut-on dire qu’elle partit d’un lieu où elle ne vécut que les dernières heures de sa vie et qu’elle ne connaissait pas!

Depuis ce jour, j’ai définitivement cessé de dire « Maman « . Elle a rejoint les étoiles et y a retrouvé Maurice!

L’ultime photo ensemble dans leur appart. de Massy, le 10 octobre 2017

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Lorsque, ce 8 mars 2023, Claudie et Jean-Philippe entonnèrent dans le chœur de l’église Notre-Dame des Victoires à Angers, « la Prière » de Brassens et de Francis Jammes, à quelques mètres du cercueil de leur mère, les ombres des deux poètes planaient sur l’assistance. Mais au-delà de l’émotion et du sentiment troublant de retrouver ici une musique qui a bercé notre enfance et notre adolescence dans les années soixante, c’est Lucette Turbelier dont on célébrait les obsèques, qui manifestait une dernière fois, sa présence parmi nous.

Alors, nos souvenirs se bousculèrent concurremment avec la nostalgie d’une époque dont on prenait conscience qu’elle s’achevait. Sans trop savoir pourquoi, on redécouvrait avec certitude, à travers les différents couplets de la mélodie adressée à Marie, la Lucette qu’on avait connue. On imaginait qu’elle avait jadis chanté ce magnifique salut à la Vierge de concert avec « l’amour de sa vie », son mari – mon oncle – Georges Turbelier (1927-2009), qu’elle fréquenta dès le début de la seconde guerre mondiale. Elle était alors encore adolescente..

Plus de soixante ans de vie et d’affection mutuelle et de chansons communes, ça compte! Et c’est la raison pour laquelle sa disparition en 2009 la désempara.

Ce sont ces pensées qui nous agitaient en écoutant ses enfants, chanter le « Je vous salue Marie » du mécréant Brassens!

Tant de souvenirs nous étreignaient: ceux d’une jeune mère de trois enfants – notre tante – toujours accueillante et joyeuse chez laquelle nous aimions nous rendre, à Angers dans un premier temps, puis à Orvault et enfin à Saint-Herblain en périphérie de Nantes. Ceux aussi des repas familiaux et des fêtes de Noël ensemble, des rires. Ceux aussi des vacances en VVF à Albé en 1961 et sur la Côte d’Azur… Et tant d’autres circonstances où nos familles appréciaient de se retrouver.

Par ce triste et pluvieux après-midi d’un hiver qui ressemblait, ce jour-là, à un automne, Lucette Turbelier née Harné a finalement rejoint dans une tombe du Cimetière de l’Est d’Angers, sa ville natale, trois des êtres qui lui furent chers, son père décédé en 1936 alors qu’elle n’était âgée que de dix ans; sa mère qui dut assurer seule l’éducation de ses trois filles et enfin Georges Turbelier son confident et mari bien-aimé.

Lucette s’était paisiblement éteinte quelques jours auparavant, entourée de ses enfants, dans une Maison de Retraite de Saint-Lô dans la Manche. Elle était âgée de quatre-vingt-seize ans et c’était la dernière représentante vivante de mes oncles et tantes dans ma branche maternelle. Georges était en effet l’un des deux frères cadets de ma mère Adrienne Pasquier née Turbelier (1923-2018).

En hommage à sa maman dont il dressa le portrait, son fils Jean-Philippe évoqua, tout en délicatesse, quelques épisodes de la vie de sa mère et rappela qu’elle dut surmonter plusieurs épreuves douloureuses. Douleurs , que d’ailleurs elle ne laissa que très rarement paraitre, en dehors du cercle de ses plus proches.

En fait, elle ne fit jamais tout à fait le deuil de son père Henri Harné (1898-1936) décédé prématurément. Jusqu’au stade ultime de son existence, elle conserva précieusement les écrits qu’il adressait à la petite fille qu’elle était encore.

Ces feuilles jaunies par le temps et gardées précieusement, la renvoyaient probablement à ce chagrin d’enfance qu’elle ne sut ni voulu étancher. Elles lui rappelaient une indicible fêlure, qui constituait peut-être aussi une sorte de jardin secret dans lequel elle se réfugiait les jours de déprime. Seule à seule dans le souvenir de son père!

Ce père qui était chimiste et qu’elle ne cessa d’admirer, l’emmenait toute jeune dans son laboratoire où elle pouvait manipuler les instruments de mesure. C’est de cette période lointaine et par amour filial que daterait son intérêt trop méconnu pour la science et sa confiance dans le progrès. Un intérêt que les circonstances de la guerre et du veuvage de sa mère ne lui ont pas permis de satisfaire complètement – en tout cas, comme elle l’aurait souhaité – en poursuivant des études dans cette voie. A l’exemple de son père. Dans une famille désormais monoparentale, la mère dut en effet trouver un emploi pour nourrir sa famille chez un médecin de la rue Chevreul à Angers. Et les trois filles – dont Lucette – durent travailler dès la fin de leur scolarité obligatoire.

Outre la disparition de son père en 1936 et de son époux en 2009, un autre traumatisme quasiment insurmontable assombrit la fin de sa vie: le décès de son second fils et dernier enfant, François Turbelier (1958-2011).  » C’est moi qui aurait du mourir » répétait-elle. « Ce n’était pas son tour ».

Avec Georges en 2000 à Massy chez Adrienne et Maurice Pasquier

Avec Lucette qui s’en va, c’est toute une génération qui aujourd’hui disparait. Celle des parents du « baby boom » d’après la seconde guerre mondiale. Celle de ces jeunes adolescents pris de court lorsque le conflit se déclara et qui leur vola une partie de leurs rêves. Celle qui a connu la défaite de l’armée française en 1940, puis l’occupation allemande à Angers jusqu’au mois d’août 1994 et les privations qui s’ensuivirent avec le couvre feu, les tickets de rationnement, et les bombardements.

Lucette résidait à l’époque rue Chevreul, dans le centre-ville d’Angers à quelques dizaines de mètres de la place du Ralliement – la place de la Concorde angevine – non loin du siège de la Kommandantur et du quartier général des troupes d’occupation allemande, qu’elle croisait régulièrement dans la rue.

Lucette appartint donc à cette classe d’âge qui a connu la liesse populaire du 10 aout 1944, le jour de la Libération d’Angers par les troupes américaines du Général Patton. Cette nuit du 10 août 1944  » une nuit où le sommeil aurait été une insulte au destin » comme le titrait une édition spéciale dédiée par le Courrier de l’Ouest à la Libération de l’Anjou, fut celle de la délivrance et resta gravée dans la mémoire de ces jeunes angevins devenus prématurément adultes sous le joug, pendant quatre ans, de la soldatesque allemande qui imposait impitoyablement sa dure loi d’airain. Une armée d’occupation pesante et sa police – la Gestapo – à laquelle collaborèrent d’ailleurs un certain nombre de traitres français.

Lucette et Georges son futur époux relevaient de cette tranche d’âge, avec Albert Turbelier le frère aîné (1925-2023) et bien sûr mes parents Adrienne Turbelier et Maurice Pasquier (1926-2017). Les uns comme les autres s’efforcèrent malgré tout de vivre leur jeunesse et de s’acquitter comme ils le pouvaient, des devoirs que leur imposait la tragique de la situation, notamment lors des bombardements où ils participèrent au secours des blessés et à l’évacuation des morts du quartier de la gare Saint-Laud.

En dépit des difficultés et des multiples tracasseries auxquelles ils étaient astreints, ils demeuraient de jeunes hommes et de jeunes femmes et j’ai souvent entendu Lucette évoquer cette époque comme la période de leur vie où s’ébauchèrent des relations affectives ou amicales qui perdurèrent jusqu’à leur disparition.

Comme pour conjurer les horreurs de cette guerre qui les privaient des distractions habituelles, les jeunes notamment les employés du magasin de confection Joudon – place du Ralliement – où travaillaient ma mère Adrienne comme vendeuse retoucheuse et la sœur ainée de Lucette, Jacqueline Harné (1924-1998) –  » aimaient se retrouver le dimanche avec leurs connaissances respectives pour de longues balades à pied dans la campagne angevine ou sur les bords de Loire, jusqu’au sanctuaire de Béhuard sur la Loire!

Le prétexte de ces sorties étaient parfois religieux et même expiatoire – conformément aux standards pétainistes et culpabilisants de l’époque – mais, dans la réalité, ce qui les motivait surtout c’était le plaisir d’être ensemble et d’oublier la guerre. Des relations intimes pouvaient naître de ces joyeuses promenades dominicales: c’est probablement dans ces circonstances qu’Albert et Georges, les frères cadets furent associés à la bande et que Georges rencontra Lucette. Jacqueline, elle-même devint la femme d’un collègue du rayon mercerie, Constant.  

Malgré les affres de la guerre et la peur, la jeunesse est éternelle. A toutes les époques, elle parie sur la victoire de la vie : ce fut naturellement le cas dans les années quarante en Anjou !

Bois de Molières à Beaucouzé (49) en février 1943 – Le Marillais juillet 1943. Angers 1945: ils sont tous là – même Maurice

Après guerre, ils se sont tous mariés et les fratries de ma génération se sont constituées. Chacun mena sa vie et sa carrière, au gré des opportunités et de ses espoirs. Lucette l’ancienne militante de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne mit au monde trois enfants, Claudie en 1950, Jean-Philippe en 1953 et François en 1958.

Par la suite, il n’y eut guère d’événements rassembleur de la famille jusqu’au début des années 2000, sans que les uns ou les autres n’évoquent à un moment donné cette période de la guerre. Bien que douloureuse, cette période fut aussi celle de l’espoir et de la détermination à survivre. Parfois leurs souvenirs divergeaient sur des points de détail ou des dates, mais sans que l’affection mutuelle qu’ils se portaient ne soit remise en cause. Les amitiés et les amours de jeunesse ne s’oublient pas. Dans le cas de mes oncles et tantes et de mes parents, elles se cultivèrent jusqu’au terme de leurs existences.

Solidaires et soudés pendant la guerre et ils demeurèrent complices. Ils firent avec ceux de leur âge, la prospérité de la France au cours de ce qui fut appelé par la suite: « les Trente Glorieuses ». Lucette y prit sa part et c’est celle dont nous nous souviendrons.

Son histoire aujourd’hui s’achève. Elle n’est plus physiquement des nôtres. Forte d’une nombreuse descendance elle fut une mamie aimante que ses petits-enfants remercièrent en jetant des sucettes sur sa sépulture encore ouverte. Elle a fait son boulot! Bien, discrètement et honnêtement. Elle a aimé, elle a travaillé, elle a pleuré mais elle a aussi consolé, réconforté, tenu bon, fait sourire aussi !

Bref, c’est une femme de bien à laquelle nous songieons en ce jour de deuil! Qu’elle repose désormais en paix avec les siens.

Georges et Lucette à un mariage à Angers en 1963.

PS1 : Pour la période 1940, voir: – https://6bisruedemessine.wordpress.com/2013/03/28/de-fil-en-aiguille-vendeuse-en-mercerie-et-retoucheuse-chez-joudon-1940-1947/

PS2: Lucette vécut une grande partie de son enfance après le décès de son père, rue Chevreul. Or, Michel-Eugène Chevreul, qui était né en 1786 à Angers et mort en 1889 à Paris, était un grand chimiste français et comme peut-être elle aurait aimé être. Comme son père: un clin d’œil du destin!


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Le moral est en baisse. La guerre menace et fait rage au sein de l’Europe. Les tyrannies prospèrent à travers le monde. Sur tous les continents, l’insécurité sévit. Aucune région, aucune contrée ne semblent épargnées.

En France, la drogue est distribuée jusqu’aux portes des écoles et pervertit la jeunesse. Les incivilités se multiplient. La violence impose sa loi, en l’occurrence celle du plus fort, celle du plus brutal dans un environnement où la vulgarité commerciale est généralisée, où l’inflation désormais croissante sinon galopante menace l’ordre social, et où la pauvreté augmente avec constance sur un bruit de fond d’inégalités accrues. Dans le même temps, les services publics les plus élémentaires, comme l’école ou la santé publique, « le patrimoine de ceux qui n’en ont pas » ne remplissent plus la mission que la Nation leur avait confiée au cours des décennies et des siècles précédents. La science elle-même perd pied face aux gourous de tous poils rendus crédibles par les réseaux sociaux.

Et la classe politique oublieuse des clauses et règles de la démocratie et tiraillée par les extrémismes de différentes obédiences, se chamaille sans réelle vision d’avenir, dans son médiocre pré carré en transformant le Parlement en un bruyant poulailler de braillards désorientés qui se contentent de tabler sur l’opportunisme des uns, sur la lassitude des autres ou sur la résignation de tous.

Face à ces événements qui sont, peu ou prou, présentés comme des fatalités épidémiques ou gangréneuses d’une société qui se fracture, une partie de la population, en particulier la plus jeune, parquée dans les banlieues urbaines en voie de décomposition sociale, est manipulée par d’habiles tartuffes enturbannés. Elle se réfugie alors massivement dans une forme d’irrationalité amalgamant religion et criminalité, qui dévaste les standards de la civilisation des Lumières, qui jusqu’à présent étaient la référence de notre contrat social depuis deux siècles.

Dans ce contexte un peu sombre, faut-il désespérer? Faut-il désespérer de Billancourt comme on disait jadis à la sortie des usines Renault disparues? Se trouve t-il encore des circonstances où les aléas de la vie offrent des occasions inattendues de se réjouir et de croire en une humanité dépourvue des expédients délétères qui l’embourbent dans la routine d’un quotidien devenu indéchiffrable? Il ne suffit plus en effet de défiler derrière des calicots préfabriqués des officines syndicales spécialisées et de ressasser notre fidélité aux utopies de notre jeunesse, pour attester de notre propre cohérence.

Mais quand frauduleusement la santé soudainement se dérobe, l’expérience de l’hôpital permet – a contrario de tous nos projets – de prendre un certain recul, de relativiser et peut être de s’accorder une seconde chance d’entrevoir le bout du tunnel au travers du bric-à-brac entartré, idéologique et étouffant qui l’encombre et dont nous nous accommodions jusqu’à maintenant, tant bien que mal! Paradoxalement, c’est en effet en ces lieux déconcertants que souffle la part d’humanité qui parfois nous faut défaut. Celle qui chemine en nous et se renforce lorsqu’on est confronté à de vraies épreuves. Celles que tous les bréviaires ou catéchismes font mine d’ignorer!

Cette part d’humanité aux accents trop souvent oubliés est celle d’un antique héritage, qui restaure la confiance comme un rai de lumière se glissant sous une porte. C’est celle qui émane, comme un air frais venu du fond des âges, des cavernes de nos lointains aïeux, où la condition de la survie de l’espèce exigeait qu’en premier lieu, on se reconnaisse mutuellement comme des hommes et des femmes à part entière, avant peut-être de s’étriper.

Cette singulière expérience, je l’ai vécue récemment et sans prétention, à l’hôpital Bichat- Claude Bernard au cœur de Paris. Sans prétention, car elle n’a nulle vocation à devenir une leçon de vie!

La réputation de ce grand hôpital de l’Assistance Publique, situé au nord de la capitale en limite de Saint-Ouen et à proximité immédiate du boulevard périphérique n’est certes plus à faire. Ses atouts sont nombreux et diversifiés. En tant que structure universitaire rattachée à l’Université Paris Cité, il accueille des milliers de malades chaque année mais il héberge aussi des unités de recherche INSERM. A ce titre, il joue un rôle important dans la formation des futurs médecins et dans l’évolution des connaissances médicales. Plusieurs de ses équipes figurent parmi les plus performantes du monde.

Mais, un hôpital n’est pas seulement un centre de recherches. Ni a fortiori un lieu de loisir ou un parc d’attraction, même si tout n’y est pas aussi glauque qu’on l’imagine. Tout ne se résume pas en une compétition inégale entre la vie et la mort. Si vérité, il y a, elle se trouve dans la nuance.

Par son architecture massive dans la partie dédiée à Bichat et pavillonnaire dans sa partie Claude Bernard, l’hôpital affiche sans ambiguïté son identité. Sa vocation est de soigner et si possible de guérir. Et elle se devine dès le franchissement du tourniquet du hall d’accueil au rez-de-chaussée de l’imposant bâtiment de quatorze étages où sont basés les laboratoires médicaux, les multiples plateaux techniques dédiés aux examens diagnostiques et thérapeutiques, et où sont disposées à chaque étage, de part et d’autre de couloirs encombrés de caddies d’infirmerie ou de nettoyage, les chambres et les lits d’hospitalisation. Une ruche à toute heure du jour et de la nuit! Ou presque.

En effet, le hall grouille en permanence de monde, de visiteurs en quête de leur malade, de patients déambulant devant les ascenseurs et de « blouses blanches infirmières » qui se dirigent vers la cafétaria pour effectuer une pause. Un peu à l’écart sur des bancs, face au guichet d’accueil tenu par des hôtesses souriantes mais impassibles, des chauffeurs de taxi conventionné par la Sécu attendent le client en se disputant quand une course en lointaine banlieue, promet d’être juteuse!

Parvenu aux étages supérieurs après plusieurs arrêts inopinés des cabines en raison de surcharges répétitives des ascenseurs, on aperçoit en contrebas de l’immeuble et au travers de larges baies vitrées verrouillées pour dissuader les suicides, la circulation incessante des voitures et des camions sur le boulevard périphérique.

Au petit matin, le trafic semble plus dense vers le sud sur la chaussée extérieure, alors que dans l’après-midi et le soir, la circulation s’intensifie dans l’autre sens.

Ce ballet automobile ininterrompu et silencieux du fait de l’isolation acoustique des vitrages, constitue en fait une distraction pour les « patients » du service qui sortent de leurs chambres pour l’observer. C’est ici, dans cet espace clos qui domine la ville, que les malades qui peuvent se déplacer, viennent commenter le trafic, faute de le faire à propos d’une actualité qu’ils ne suivent que distraitement sur les TV payantes. Ils s’y rendent comme on va au spectacle de boulevard, pour oublier quelque minutes, les contraintes, les tracas et les suggestions thérapeutiques ou diagnostiques, que leur impose leur pathologie.

Badauds désœuvrés dans ce bout de couloir aménagé en minuscule forum dédié au bavardage, ils savent qu’ils sont tous pensionnaires du même service et que par conséquent, ils souffrent tous des mêmes maux et supportent tant bien que mal des symptômes comparables. Certains portent des vêtements de nuit. D’autres plus coquets se présentent en habits de ville. Ce salon de discussion probablement improvisé et entériné par la force des habitudes et des cheminements, est désormais leur domaine. Garni, sans ostentation, de sièges défraichis peu ou prou dépareillés disposés autour de guéridons, il devient progressivement la destination incontournable de tous ceux qui manifestent leur intention de rompre l’isolement dans lequel leur maladie les enferme, et ainsi d’évacuer ensemble leurs craintes et leurs angoisses. Ils viennent là pour voler un peu de temps d’insouciance.

Certains en pyjamas ou en peignoirs poussent, devant eux, un pied à roulettes, solidaire d’une potence sur laquelle est suspendue une poche de perfusion. Des patients plus affectés que d’autres mais non moins empressés à « souffler » un peu hors du lit médicalisé, notamment les insuffisants pulmonaires hospitalisés dans le service de pneumologie du huitième étage, véhiculent derrière eux un petit chariot, sur lequel ils transportent péniblement leur réserve d’oxygène en bouteille.

En ces instants précis – qui s’apparentent au calme et à la sérénité de l’œil d’un cyclone avant la tornade – cette collectivité de circonstance, qui n’est ni de travail, ni de loisir, ni discriminante de telle ou telle communauté, se réunit au gré du hasard mais aussi d’une urgente et tacite nécessité, de s’abstraire d’un quotidien moralement éprouvant. Ce petit monde devient, par enchantement, amnésique de sa propre affection. Chacun s’oublie et oublie ce qui présentement s’oppose à sa santé, à sa sortie, en privilégiant la parole avec ses compagnons du moment – fusse un discours futile et dérisoire – sur leur légitime révolte d’avoir été injustement stigmatisé par le mauvais sort et par la maladie. La trêve de la mémoire des épreuves du jour ou de la nuit agit alors comme une thérapie ou comme un antalgique, tel un facteur favorable à une éventuelle guérison ou rémission.

En tout cas, personne de ceux qui attendent de conserve en regardant circuler les voitures ne prête vraiment attention à ces matériels de survie ou de soins qui suivent ou précèdent leurs compagnons de misère. Tous appartiennent désormais à la même famille des blessés de la vie. Les plus valides, compassionnels à l’égard des plus handicapés s’efforcent de dérouter les chariots qui entravent le passage. L’espace regorge en effet d’appareils paramédicaux divers, entreposés là, faute de place ailleurs.

Ingénument chacun se limite à observer avec un peu de malice que l’hôpital est toujours trop exigu pour répondre à la détresse humaine.

Peu importe au demeurant, car ici le temps ne s’égrène pas au rythme des horloges. La lenteur devient vertu et l’impatience un handicap.

Seul compte en fait le plaisir de croiser un interlocuteur attentif qui parle la même « langue » et d’échanger avec lui sur la pluie et le beau temps.

La maladie elle-même est invitée à la discrétion et à patienter, le temps au moins de nouer des amitiés spontanées, éphémères mais solides! Elle le doit bien à chacun. Et d’ailleurs, tous se prêtent volontiers à cette posture rassurante, y compris les personnels de service et les soignants de tous grades. Professionnels compréhensifs, ils s’effacent de ces rencontres de voisinage où la médecine devient contingente. Où la douleur est congédiée pour respirer sans y songer.

Tous savent néanmoins sans qu’il soit besoin de le rappeler que la mort rôde dans les lieux où l’on soigne, car le combat n’est jamais tout à fait régulier avec l’indicible. On frémit parfois sans qu’il soit nécessaire d’épiloguer que des infortunés qu’on a croisés brancardés et inconscients dans les ascenseurs, sont peut-être déjà « pris en charge » par une des officines de pompes funèbres qui se font concurrence tout près d’ici, avenue de la Porte de Saint-Ouen.

On n’ignore pas enfin que la vie et la mort sont étroitement imbriqués. Pour autant, on passe outre en ces moments privilégiés où les regards se croisent sur le palier, le nez collé aux vitres surplombant le périphérique. Chacun se convainc que la peur de mourir n’évite pas le danger et qu’en tout état de cause, ce n’est pas un motif pour s’abstenir de vivre. Et même, de vivre comme des humains ordinaires, avides de projets bien que calés dans de vieux fauteuils d’un salon d’hôpital.

Même le brouillard des petits matins blafards peut, en ces lieux, être une source d’émerveillement, alors même qu’il floute le paysage, masquant les façades de la proche banlieue et dans le lointain, les pylônes porteurs de la toiture du Stade de France. Tout intéresse dès qu’on n’a rien d’autre à faire et qu’on se déclare disponible. C’est sûrement avec ce regard neuf d’un spectacle qui nous aurait désolés jadis, que l’hôpital nous libère de la rigueur de notre condition présente de malade pour retrouver durant quelques minutes, celle d’un être humain, spectateur momentanément figé d’un monde en mouvement perpétuel.

Mais le plus étonnant et certainement le plus émouvant ne réside pas seulement dans la contemplation extatique d’une nature parfois défigurée par la main de l’homme. Le plus remarquable se trouve au sein même de ce salon du bout du couloir. Un univers étrange et furtif qui s’est progressivement constitué et dans lequel chacun se rend pour échanger avec ses semblables. Personne n’ignore pas que la pathologie respiratoire ou cardiaque dont il est affligé, le ronge, mais bercé de nouvelles certitudes sur la nature humaine, il consent spontanément à se livrer nu au regard des autres. Il abandonne sans regret le statut social qui faisait hier sa fierté et qui attestait de sa différence. Il se dépouille de l’illusion d’une prétendue supériorité en pénétrant dans le cercle. Quelqu’un qui souffre dans sa chair ressemble comme un frère à un autre.

Et c’est précisément là que se produit le miracle. Le partage de la misère physique et morale place sur le même plan, l’officier de marine en retraite, le cadre supérieur de l’industrie, l’ouvrière affectée d’une fibrose pulmonaire pour avoir nettoyé des sanitaires avec de la silice, ou encore la mère de famille magrébine qui crache ses poumons sans trop savoir pourquoi!

Il n’y a finalement que des malades qui viennent causer de tout, sauf de la maladie. Ou si peu! Juste un peu quand il devient impossible d’échapper à l’évocation de leur destin commun et que les symptômes, la nostalgie d’un passé heureux ou simplement la douleur prennent le dessus. Hormis les moments où la souffrance surgit au milieu du cénacle, rompant brutalement le charme collectif d’une humanité qui se découvre avec bienveillance, l’unicité de la condition humaine s’impose à tous les présents.

Cette prise de conscience partagée et gratuite réconforte. Personne, au fond, ne l’ignorait, mais tous l’avaient oubliée de longue date, dans le brouhaha des multiples formes d’égoïsmes et d’inégalités auxquels on souscrivait auparavant en se les imaginant nécessaires pour survivre individuellement.

Par un étrange retour des choses, l’hôpital, nous rend plus attentif et tolérant, plus altruiste, et plus compréhensif de la souffrance des autres. Car la leur ou la nôtre sont de même nature. Et face aux enjeux essentiels de la vie et de la mort, les différences entre nous, sont infimes.

Les personnels soignants ne sont pas à la traine de ce souffle d’humanité. Ils en sont même pleinement partie prenante et les instigateurs.

Professionnels dans l’exercice de la médecine, ils font face à la vocation primordiale de l’hôpital, à savoir les soins! L’expérience montre qu’ils ont toujours été assurés, avec talent et compréhension par l’ensemble des personnels, du bas de l’échelle hiérarchique jusqu’au chefs de service. toujours attentifs au sort ou aux vagues à l’âme des malades en proie parfois au doute, mais jamais intrusifs.

Le malade demeure un humain à part entière. Il n’est pas que le patient anonyme de la chambre 12 souffrant d’une fibrose ou d’un emphysème. Et à cet égard, l’hôpital Bichat est exemplaire, nouant avec le malade, non une intimité surfaite, mais des relations de confiance et de respect réciproques, propres à faciliter la guérison.

Les exemples ne manquent pas, où un médecin par ailleurs surchargé, n’hésite pas à abandonner le stéthoscope pour entendre la détresse d’un malade, pour lui remonter le moral, voire « les bretelles » et pour combattre ainsi sa lassitude de survivre, diminué.

On comprend mieux, dans ce contexte, les applaudissements adressés aux personnels soignants chaque soir pendant la phase aigue de la COVID. A l’époque, on souscrivait sans réserve et même sans discussion à ces initiatives retransmises à la télévision. Mais on approuvait un peu comme on s’acquitte d’un solde de tout compte à l’égard d’un créancier. Sans s’y investir avec les tripes. L’analyse rationnelle – indispensable pour agir – ne laissait cependant que peu de place à l’émotion. Les deux doivent pourtant cohabiter. La solidarité active et formelle avec des travailleurs accablés de tâches est une exigence, mais une exigence insuffisante si elle ne s’accompagne d’un sentiment de reconnaissance validée par un frisson du cœur.

En les évaluant presque exclusivement à la hauteur de leur compétence et du respect de leurs obligations statutaires, les acteurs politiques commirent une faute. Surtout lorsqu’ils les réduisirent maladroitement au statut de « premiers de cordée » ou de combattants de première ou seconde ligne. Si bien sûr, on leur doit des contreparties d’ordre social, ils souhaitent plus globalement, qu’on les aime pour l’attention qu’ils portent à leurs patients, pour leur disponibilité et pour leur générosité.

Personne n’a en effet suspecté qu’à côté de leur engagement professionnel, leur vocation était d’abord humanitaire! C’est ce qui donne aussi un souffle d’humanité et de bienveillance à l’hôpital. C’est ce qui permet de vivre quand la santé fait défaut!

Et finalement! Comme ça va? Bien Merci... Surtout dans la tête en attendant la suite….

Sans cultiver une sorte d’angélisme béat hors de propos dans un contexte général plutôt sombre, un peu d’optimisme et de douceur dans les relations humaines, ça compte aussi pour le moral …

Le dévouement altruiste qui n’est pas la charité, ça existe aussi: je l’ai rencontré.

Vue du salon des pas perdus du service de pneumologie de l’hôpital Bichat

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A contrario de toutes les autres disciplines scientifiques, la climatologie moderne est passée du statut de théorie à celui de bréviaire où le doute n’est plus toléré et tout questionnement méthodique banni, sous peine d’encourir l’accusation suprême et infamante de « complotiste ». Pire! De climatosceptique!

Ainsi, le réchauffement de la Terre est désormais un dogme et tout événement météorologique, de quelque nature que ce soit et où qu’il se produise, doit être interprété à l’aune de cette théologie, comme une confirmation. Il n’y a guère que la tectonique des plaques à l’origine des séismes et le volcanisme qui échappent « encore » à cette « révélation unificatrice du Grand Tout de la Nature ».

De la sorte, s’il est admis que la théorie de la gravitation universelle d’Einstein puisse être remise en cause après la déroute épistémologique de celle de Newton, et qu’en outre, rien ne saurait demeurer figé dans le marbre d’intangibles connaissances universelles, le réchauffement climatique et surtout son imputation androgène ne sont en rien discutables.

Il en découle que le froid que l’on observe, ici et maintenant, n’est jamais qu’une preuve supplémentaire d’un réchauffement global. Seuls les ignorants y voient un soupçon de paradoxe. D’ailleurs, les commentateurs météo ne se privent pas de souligner, chaque fois qu’ils le peuvent, qu’une séquence climatique où on se les caille fait exception par rapport au reste du monde où le réchauffement grignote sans relâche, en multipliant les épisodes caniculaires beaucoup plus représentatifs de l’état climatique de notre planète. Et si cette mise en garde ne suffit pas, il est toujours possible de faire appel à la sécheresse qui transforme nos rivières en des oueds asséchés de contrées semi-désertiques et de brandir la menace d’une pénurie endémique d’eau au cours de l’été prochain, qui contraindrait les préfets à réglementer l’arrosage de nos potagers bio et l’usage des chasses d’eau dans les HLM ainsi qu’à surveiller les piscines privées avec des drones.

Les « vrais » hivers de nos enfances n’existeraient donc plus autrement que comme les supports virtuels de notre nostalgie d’un passé définitivement révolu.

Dans ce contexte, l’hiver de cette année 2023 qui apparait plus rigoureux que d’habitude sous nos latitudes, ne serait qu’une parenthèse froide et locale dans un environnement climatique global en danger imminent de surchauffe! Haro donc sur tous les frileux qui s’obstinent à faire confiance aux thermomètres pendus à leur fenêtre, car ce qui importe, ce ne serait pas tant ce qui nous fait frissonner mais ce que prévoient les modèles météorologiques et les algorithmes à ambition planétaire. Et que confirment d’ailleurs les cartes satellitaires aux allures de poumons fibrosés, que seuls les spécialistes savent décrypter et faire parler!

L’hiver « ressenti », surtout s’il nous apparait glacial au travers de nos moufles, ne serait en fait qu’une illusion trompeuse de nos sens, voire un épiphénomène isolé et non représentatif d’une tendance globale à l’échauffement! Tendance désormais élevée au rang de révélation évangélique par les éminents experts de la papauté climatique réunis au sein du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Leur infaillibilité n’est plus une hypothèse mais un fait avéré.

Pour cet aréopage de savants prophètes et putatifs sauveurs de la Terre, de l’humanité et même du « vivant » dans son ensemble, cette montée globale des températures irait de pair avec celle des eaux océaniques dont elle serait la cause. Elle serait d’ores et déjà inéluctable et dévastatrice. Sauf peut-être à battre collectivement et individuellement notre couple et à obéir sans broncher aux multiples injonctions liberticides dictées par notre inconduite passée, la descente aux enfers serait irréversible.

A l’appui de ce sombre pronostic, des cohortes de philanthropes académiques flanquées de jeunes ados hallucinées et probablement manipulées, exhibent des milliers d’études « scientifiques » qui enchainent les prévisions cataclysmiques, tantôt sur la fonte des neiges éternelles et des calottes glacières, tantôt sur la montée des eaux, tantôt encore sur la disparition de nombreuses espèces vivantes, prélude à une nouvelle et « sixième » extinction et même sur la multiplication des embrasements criminels des forêts. Seuls les virus et les bactéries tireraient leur épingle du jeu de ce bouleversement planétaire!

Après plus de quatre milliards d’années d’existence, la terre subirait donc un dérèglement quasi inéluctable et exceptionnel de ses subtils équilibres naturels, du fait des excès criminels d’une seule des espèces vivantes y ayant élu domicile, à savoir l’humanité. C’est tout juste si note insouciance condamnable d’émetteurs forcenés de gaz à effet de serre ne modifierait pas l’orbite de la Terre autour du soleil et n’inclinerait pas défavorablement son axe sur le plan de l’écliptique.

Bref, dorénavant on ne plaisante plus! Il faut se soumettre pour ne pas disparaitre! Tel est l’enjeu qu’on nous propose sous le vocable générique de transition écologique, voire énergétique et de recours systématique à la sobriété et à la tempérance. Bref, il nous faut renoncer, de gré ou de force, à ce qui caractérisait jadis une grande partie de notre qualité de vie et avec elle, notre joie de vivre. Une nouvelle fois, on nous chasse du Jardin d’Eden pour avoir croqué trop goulument une pomme génétiquement modifiée élevée aux pesticides.

Nous sommes donc fermement invités à accorder exclusivement notre confiance aux intelligences artificielles qui désormais prennent le relai de nos cerveaux embrumés pour prédire l’évolution de masses d’air, des températures et des précipitations. Et renoncer à nos propres sensations ou même aux mesures de nos antiques baromètres ou thermomètres.

Nos antiques instruments de mesure, à partir desquels nous basions depuis des siècles la métrologie du quotidien – celle de proximité – par l’observation de notre propre jardin ou du clocher de notre village, doivent non seulement être remisés et désormais regardés comme suspects, mais même carrément bannis ainsi que les dictons qui allaient de pair, du type  » Noël au tison, Pâques au balcon » ou encore « S’il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint-Barnabé ne lui coupe l’herbe sous le pied »!

A quoi bon en effet persister à honorer ces niaiseries à connotation identitaire, alors que l’heure est au métissage des cultures et à la délocalisation des sensations et des impressions, dans le temps comme dans l’espace? A quoi bon, alors que le passé, le présent et le futur, comme la réalité et le virtuel se confondent et s’amalgament dans l’univers numérique, conférant à ce qui se passe aux antipodes autant d’importance qu’aux événements survenant au seuil de notre maison? .

Face à ce dérèglement complet de nos sensations climatiques, il ne reste plus guère que nos souvenirs d’enfance pour représenter une réalité hivernale qui ne se limite pas au cartes météo de nos téléviseurs avant le Journal de Vingt Heures! Ces pauvres souvenirs d’une époque où l’on s’apitoyait du sort des animaux errants par les nuits glaciales et que pour se chauffer, il fallait bourrer la cuisinière de la cuisine, de boulets de charbon entreposés en tas au fond du jardin.

Ainsi ce n’est pas sans une certaine mélancolie de ce monde disparu – vérité prosaïque de jadis – qu’on se remémore cet hiver 1962-1963 – il y a soixante ans – où en Anjou comme un peu partout en France, un froid quasi polaire survint, dès le début janvier. La Maine à Angers puis la Loire dans sa traversée de l’Anjou charrièrent des blocs de glace puis se figèrent. Les vieux, la génération de nos grands-parents, celle des poilus de 14-18 disaient n’avoir jamais vécu auparavant d’hiver aussi rigoureux, même dans les tranchées.

Le froid était arrivé dès la mi-novembre 1962 et s’était prolongé jusqu’au début mars 1963. Sur les côtes atlantiques proches de l’estuaire de la Loire, on notait des températures inférieures à -10 °C.

De surcroît, après une première vague, le froid s’était amplifié en janvier atteignant une intensité hors norme avec des températures ambiantes de vingt degrés en dessous de zéro.

Le dimanche, on partait en famille sur les bords de Maine ou de la Loire Angevine pour se régaler de ce spectacle polaire. Et on traversait le fleuve à « pieds secs » très en amont de Saint-Mathurin jusqu’aux Ponts-de-Cé et au-delà!

Sur le pont franchissant la Loire à Saint-Mathurin

La Maine à Angers

Du haut de leur chaire, les « experts » dirent par la suite que cet hiver fut probablement le plus froid jamais connu auparavant. On le savait d’instinct, comme les animaux sauvages qui moururent en grand nombre faute de nourriture sur les terres gelées.

On respirait alors à pleins poumons l’air glacial venu d’Europe centrale, sans prendre conscience alors de notre bonheur de vivre! Mais les temps ont changé. On ne reconnait plus l’hiver qui n’est plus l’hiver mais est devenu le prélude virtuel à la canicule.

D’Europe Centrale, ce sont désormais les bruits de la guerre qui nous glacent le sang et non le froid! Quant à nos poumons, ils s’époumonent! Et notre inspiration s’épuise.

Quelle chance nous avons eue de connaitre l’hiver dépouillé d’algorithme!

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Le 7 novembre 2017, mon père Maurice Pasquier (1926-2017) s’éteignait, emporté par un cancer du pancréas, dans une unité de soins palliatifs de l’hôpital de Bligny en région parisienne.

Cinq ans se sont écoulés depuis ce jour! La sidération que provoque toujours la mort des siens, même lorsqu’on la sait inéluctable, s’est progressivement estompée. Le travail de deuil a fait son œuvre et la douleur de cette disparition est désormais assimilée et intégrée au cycle normal de la vie!

« Avec le temps…
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie le visage et l’on oublie la voix »

Nous percevons aujourd’hui avec acuité, la quasi-justesse de cette chanson de Léo Ferré (1916-1993). Tout ou presque effectivement s’érode et en principe disparait dans la durée, A commencer par les sensations ressenties auprès de l’agonisant ou du disparu, les saveurs de l’existence et peut-être aussi les émotions qui vont avec.

A quatre-vingt-onze ans, mon père est ainsi parti, précédant ma mère Adrienne Turbelier (1923-2018) d’un trimestre. Depuis 1945 il ne s’étaient pas quittés. La mort qui les avait momentanément séparés, a mis moins de cent jours pour remettre leurs pendules synchrones et les réunir. A quatre-vingt-onze et quatre-vingt-quatorze ans respectivement, chacun en général parvient à se convaincre que ces âges sont honorables pour mourir!

On finirait même par admettre que la mort des siens, qui se présente comme une des frontières énigmatiques de notre propre vie, procède d’un enchainement salutaire des générations, presque libérateur pour ceux qui survivent. La réalité est radicalement autre. En effet, ceux qui s’en vont emportent avec eux des pans entiers de notre histoire intime. Ils sont notre mémoire, celle de notre Anjou, celle de l’enfance, celle d’une fratrie composée d’un frère et de trois sœurs. Celle des balades dans les forêts angevines à l’automne pour ramasser les marrons, celle des repas de Noël rue de Messine à Angers, celle enfin de la Deux Chevaux Citroën dans laquelle quatre enfants se serraient « comme des sardines » sur la banquette arrière. Celle des copains du syndicat de Maurice, celle de la Chèvre Blanche, la boutique où ma mère était vendeuse, celle des ménages qu’elle faisait pour « mettre du beurre dans les épinards », celle de la couturière qui confectionnait nos vêtements et tant d’autres souvenirs vieux de trop de décennies accumulées et que je partage avec mes sœurs.

Rien ne saurait s’effacer de ces épisodes fondateurs de notre jeunesse, dans laquelle notre père et notre mère étaient les principaux acteurs!

Malgré tout, comme le prétend Léo Ferré, le temps qui passe après la disparition d’un être cher, engendre un oubli nécessaire et réparateur. Mais il n’efface rien de notre affection pour ceux qui nous ont accompagnés dès nos premiers balbutiements et qui nous ont tout appris et constamment pardonné. Qui étaient présents lorsque nos premiers regards se sont posés avec ingénuité sur le monde et qui étaient toujours à nos côtés des décennies plus tard au seuil de notre propre « troisième âge » où nos rôles respectifs se sont parfois inversés.

Ainsi, il ne se passe guère de journée depuis cette date singulière de leur décès, celle où le temps s’est arrêté pour eux en abord d’une insondable infinitude, sans que nos pensées ne se télescopent avec celles que nous aimons leur prêter en narguant la grande faucheuse.

Certes, nous n’entendons plus le son de leurs voix, nous ne voyons plus les rides de leurs visages et même nous avons oublié les stigmates de leur souffrance dans les derniers instants, mais nous continuons à nous référer sans forcément en prendre conscience, aux valeurs ainsi qu’aux manières d’être et de penser qu’ils nous ont légués.

Notre privilège d’être encore vivants alors qu’il ne sont plus, se manifeste dans cet héritage que nous avons mission de fructifier. Ils sont à la fois notre patrimoine et nos racines; ils sont les principaux artisans et metteurs en scène de ce que nous sommes devenus. Et, à ce titre, nous leur devons la reconnaissance sans pour autant biffer ce qui parfois nous opposait. Mais surtout sans renier le message de liberté et de responsabilité qu’ils se sont évertués à nous transmettre, et sans s’excuser de l’amour que pudiquement nous nous portions réciproquement.

Nos controverses d’antan n’apparaissent plus désormais que comme des anecdotes plus ou moins dérisoires et, en tout cas, toujours datées. Nous devons donc, sans les ignorer, les regarder comme des voix d’un passé toujours présent, riche d’approches dialectiques et complémentaires de l’existence, forcément différentes du fait de leur temporalité mais riches de réflexions fécondes que nous avons vocation à prolonger.

De la sorte, sans qu’il soit besoin de recourir à une quelconque immanence ou transcendance, Papa et Maman demeurent parmi nous, en nous, devrais-je écrire! Ils demeurent notre boussole mais nous laissent, comme jadis, la liberté d’opter pour d’autres chemins que ceux qu’ils auraient peut-être empruntés.

Honorer leur mémoire ne relève donc plus d’un devoir ou d’une obligation de piété filiale, mais de la préservation d’un référentiel qu’il nous appartient d’enrichir de nos propres expériences pour nous hisser vers l’avenir.

Jardin du Mail à Angers

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A l’approche d’un hiver qu’on n’espère pas trop rigoureux grâce au réchauffement climatique mais dont on redoute malgré tout la rigueur, les pouvoirs publics ne se contentent plus d’administrer le pays et de légiférer, ils nous font la morale, au cas où il nous viendrait à l’idée – idée saugrenue – de nous chauffer déraisonnablement, c’est-à-dire au-delà de 19°C à l’électricité.

C’est ainsi que la « sobriété énergétique » est devenue le nouveau mot d’ordre gouvernemental. Notre graal désormais c’est la « tempérance » électrique. La tempérance et la repentance généralisées figurent d’ailleurs au premier rang de nos obligations morales en guise de pénitence pour tous les péchés d’insouciance coupable commis dans le passé par nos pères contre le climat et contre les ressources de notre planète. Un « plan » spécifique de réduction de nos consommations d’énergie » a été concocté à cet effet. Et, on serait bien avisé de le respecter, sauf à être taxé – c’est bien le mot – de mauvais citoyens, voire de traitres de  » la cinquième colonne  » qui sapent les efforts de tous. On nous convie donc en cet automne pluvieux et de manière insistante à la « bataille de Valmy » de l’électricité.

Faute de quoi, le risque serait de subir des « pannes de courant » au cours de l’hiver. Et le gestionnaire de distribution d’électricité qui nous a imposé (pour notre bien comme d’habitude) un compteur connecté (Linky) vérifiera notre respect scrupuleux des lessives la nuit et le fonctionnement fortement conseillé de nos rôtissoires après vingt-deux heures. Sinon il pourrait interrompre d’autorité notre approvisionnement pendant une durée laissée à son initiative.

Autrement dit, on ne nous considère plus « en haut lieu » comme des citoyens responsables mais comme des variables d’ajustement du réseau de distribution. On demeure juste « client » lorsqu’il s’agit d’honorer les factures dont on nous annonce qu’elles vont croitre significativement mais pas trop, nous assure-t-on, grâce au « bouclier tarifaire » du gouvernement.

Un gouvernement qui ne cesse par ailleurs de s’autocongratuler pour son sens de l’anticipation en rendant, selon lui, supportable un coût croissant de l’électricité fixé en application de règles devenues aberrantes du marché européen de l’énergie. Pour autant, ledit gouvernement se contente de susurrer sa demande auprès de la Commission européenne de modification de ces règles aujourd’hui inadaptées.

En attendant, on est tous invités à se satisfaire de la situation, parce que ça aurait pu être pire sans la lucidité de ceux qui nous gouvernent !  

On a, cependant, quelques bonnes raisons d’être inquiets, lorsque qu’on observe rétroactivement que leur clairvoyance revendiquée, a été de nombreuses fois prise en défaut, et que leurs grandes envolées stratégiques sur notre avenir énergétique ont surtout été dictées par de l’opportunisme et du clientélisme électoraux, par de l’incompétence aussi et plus grave encore, par de la lâcheté. Sans oublier une pratique outrancière de l’euphémisme qui consiste à proclamer que tout va presque bien quand tout va presque mal. La crise actuelle de l’approvisionnement des stations-services en carburant est à cet égard symptomatique de ce travers de gouvernance. Prétendre qu’il n’y a pas de pénurie d’essence alors qu’il suffit de sortir de chez soi pour se rendre compte que c’est faux, est en effet tout simplement ridicule.

En ce qui concerne l’électricité, force est de constater que la France qui, il y a quelques années, était souveraine et même exportatrice grâce à ses centrales nucléaires, est désormais contrainte, pour éviter la disette, d’acheter de l’électricité à l’Allemagne. Laquelle est produite, ironie du sort, à partir de centrales à charbon, dispendieuses en émissions de gaz à effet de serre, que précisément l’on cherche drastiquement à réduire pour « sauver la planète » ! Il y a évidemment là une contradiction propre à rendre schizophrène, un major de l’Ecole Nationale d’Administration ou de Polytechnique, pourtant accoutumés à naviguer dans les eaux troubles des univers aux dimensions paradoxales!  

Comment en est-on arrivé là ?

Telle est la question qu’il est légitime de se poser, alors qu’après le premier choc pétrolier de 1973, la France s’était dotée d’un ambitieux programme de construction de centrales nucléaires productrices d’électricité, propre à satisfaire ses besoins énergétiques électriques à hauteur d’environ 75% à 80%!  

A l’époque, ceux qui étaient au pouvoir avaient fait le choix judicieux – sans trop s’embarrasser, il est vrai, de procédures démocratiques – d’abandonner la filière nucléaire  » graphite-gaz » qui avait fait les beaux jours du CEA après la seconde guerre mondiale, et de décider de la construction de réacteurs nucléaires de puissance, refroidis à l’eau sous pression, destinés à la production d’électricité. Leur nombre et leur dimensionnement ainsi que leur puissance étaient variables selon les sites et selon la capacité de prélèvements d’eau et de rejets d’effluents dans le milieu environnant.

C’est ainsi qu’entre 1977 et 1997, la France s’est dotée de cinquante-huit réacteurs – respectivement de 900, 1300 et 1450 MWe – répartis sur dix-neuf sites sur la base d’une licence américaine Westinghouse.

Ces « installations nucléaires de base » productrices d’électricité firent pendant longtemps la fierté du pays, d’autant qu’aucun accident ou incident vraiment significatifs ne mit en péril à un quelconque moment, la sécurité globale du pays, ni d’ailleurs celle des travailleurs intervenant dans ces centrales et encore moins la santé des populations alentour. Et ce, en dépit des contestations antinucléaires naissantes.

Les quelques dysfonctionnements ou incidents déplorés ne dérogeaient pas, en nombre ou en gravité, aux événements que connait toute entreprise industrielle soumise à des risques potentiellement majeurs. La radioactivité détectable dans l’environnement en France, qu’évaluaient en permanence les organismes de surveillance et de contrôle, était pour l’essentiel imputable à la radioactivité naturelle des roches contenant de l’uranium à l’état natif, et à la radioactivité artificielle due aux retombées des essais nucléaires militaires pratiqués par les américains et les russes dans l’hémisphère nord au cours de années soixante.

Ponctuellement, d’anciens sites industriels datant du début du siècle dernier, impliqués dans le raffinage et le conditionnement du radium présentaient des pollutions radioactives persistantes et parfois pénalisantes en résidus radifères, mais sans rapport avec l’exploitation des centrales nucléaires.

Il n’est pas exagéré de prétendre que le nucléaire industriel producteur d’électricité faisait alors globalement consensus, y compris en tenant compte des questions non complètement résolues comme celle des déchets de fission ou d’activation liés à la réaction nucléaire. Néanmoins, les risques induits par les rayonnements ionisants et la radioactivité n’étaient nullement ignorés ou sous-estimés. Mais à cette époque, on considérait que les agents physiques et chimiques nocifs n’étaient dangereux qu’à hauteur des doses accumulées lors des expositions. Par conséquent à très faible exposition, le risque encouru – déterministe ou stochastique – était admis comme « acceptable », dès lors qu’il n’entrainait pas « collectivement » de dommage excédant celui, domestique, que chacun tolère dans sa vie quotidienne. Les limites réglementaires étant fixées sur la base de ces considérations.

Ce paradigme du risque « socialement acceptable » a prévalu pendant plus d’un siècle pour tous les produits ou agents dangereux. Il prévaut encore pour la plupart d’entre eux – dont les rayonnements – dans une formulation équivalente, mais plus cosmétique. Plutôt que de définir les « seuils de l’acceptable » on préfère parler des limites de « l’inacceptable ».

Moyennant quoi, l’industrie nucléaire civile, héritée dans son principe du Général de Gaulle fondateur du CEA à la Libération, apparaissait comme un secteur beaucoup moins dangereux pour la santé et beaucoup moins polluant pour l’environnement que les industries traditionnelles dépendant des ressources fossiles ( charbon, pétrole).

A la condition évidemment que les règles de sécurité, de sûreté et de radioprotection soient rigoureusement appliquées. Et globalement, elles le furent, même si, comme dans toute activité industrielle, plusieurs accidents survinrent ayant entrainé des irradiations ou des contaminations humaines excessives et fautives!

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl des 25 et 26 avril 1986 a profondément modifié cette perception, en accréditant l’idée que les stigmates sanitaires et environnementaux d’un accident nucléaire civil pouvaient se manifester indéfiniment et concerner la totalité des territoires d’un continent.

L’apocalypse nucléaire qu’on pensait jusqu’alors « réservée » aux bombes « atomiques » comme à Hiroshima ou Nagasaki en 1945 semblait pouvoir se produire accidentellement dans des centrales civiles productrices d’électricité.

De là, sont nés les débuts militants d’une contestation organisée et parfois radicale de l’industrie nucléaire! Originellement soutenue par le mouvement associatif, elle a progressivement développé une expression politique radicale. Laquelle, au nom des menaces redoutées, a fini par instiller l’idée que le nucléaire était par nature mortifère pour toutes les espèces vivantes, quelles que soient les circonstances et quelles que soient les modalités de son exploitation, et qu’il ne pouvait y avoir de parade efficace pour se prémunir totalement des effets délétères de la radioactivité, à court, à moyen et surtout à très long terme.

Dans ces conditions, une partie de l’opinion publique – malgré tout minoritaire – alertée de manière incessante sur les risques et les méfaits de la radioactivité, s’est rangée à l’idée que la seule solution raisonnable était de « sortir du nucléaire »… Sans d’ailleurs prendre conscience que « la radioactivité naturelle » était présente depuis toujours et qu’à divers titre, elle avait joué un rôle important dans le développement de notre biosphère et accessoirement de notre propres espèce.

Ce point de vue abolitionniste influa sur tous les gouvernements en place, indépendamment de leurs options politiques partisanes,. Sans remettre en cause officiellement le programme nucléaire de 1974, il n’osèrent plus guère concevoir de projets ambitieux sur l’avenir de ce secteur industriel, de peur de mécontenter un électorat inquiet et sensible aux arguments dramaturgiques des mouvements militants se réclamant de l’écologie politique. Il est singulier d’observer que pratiquement aucun financement ne fut dès lors alloué, pour des recherches de filières nucléaires innovantes et plus sécures, reposant sur le principe de la fission.

A l’inverse, le 19 juin 1997, Lionel Jospin, Premier ministre de la République française annonce que l’installation « Superphénix » sera abandonnée, à la fin de l’année 1998.

Cette décision d’arrêt du premier prototype d’un réacteur de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidi au sodium, a été jugée par l’ensemble des experts, non seulement comme techniquement infondée, mais encore comme aberrante. En outre, elle réduisait à néant un investissement de recherches nucléaires et technologiques de plusieurs centaines de millions d’euros (actuels) conduites depuis plus de dix ans par des dizaines d’équipes de chercheurs.

La motivation de cette décision n’était donc que politique. Plus précisément idéologique. Elle visait simplement à consolider la majorité parlementaire de la gauche plurielle et à honorer une promesse faite aux écologistes antinucléaires qui « voulaient la peau » de la centrale de Creys-Malville. Sa destruction faisait suite à de multiples manifestations et était une condition de la participation des écologistes au gouvernement de cohabitation issu des élections législatives du printemps 1997.

Ce fut évidemment une erreur stratégique grave pour l’avenir du nucléaire car Superphénix aurait développé à terme une puissance comparable à celle d’une tranche nucléaire classique en présentant surtout l’avantage de « brûler » un combustible mixte issu du retraitement sur support d’uranium appauvri, du combustible usé contenant du plutonium (239). Lequel non spontanément fissible était considéré jusqu’alors comme un déchet de fission des réacteurs classiques.

La mise au point de Superphénix avait été délicate en raison notamment des propriétés incendiaires brutales de son fluide caloporteur, le sodium liquide. Cependant en 1997 le procédé était au point et le prototype était prêt à fonctionner. Il préfigurait donc une nouvelle filière française de réacteurs nucléaires, aussi sûrs que les précédents mais présentant l’insigne supériorité de pouvoir convertir en électricité, donc de recycler, des combustibles usés issus du retraitement!

Une occasion ratée de Jospin de voir loin!

Ce ne fut pas la seule en ces domaines. Une autre consista à confier en 1998 à un obscur parlementaire probablement acquis à la cause antinucléaire, une réflexion visant à réorganiser les services de l’Etat en charge de la surveillance et du contrôle des activités nucléaires, accusés à tort d’avoir caché des informations sur la contamination du territoire français lors du passage radioactif provenant de Tchernobyl en 1986.

Plus préoccupé de mettre au pas son administration pour acquérir la bienveillance des écolos antinucléaires, le Premier ministre n’avait pas songé un instant qu’il serait plus conforme à l’intérêt général de faire plancher le Parlement sur l’avenir de l’énergie nucléaire dans notre pays. Il a préféré , conformément à l’air du temps et peut-être aussi pour satisfaire innocemment les appétits « impérialistes » de certains grands corps d’ingénieurs de l’Etat, instruire un procès à charge à l’encontre de services dont il fut montré bien plus tard qu’ils n’avaient en rien failli. Il a choisi Clochemerle par le biais de ce député falot en lieu et place d’une ambition gaullienne.

Le titre du rapport remis au Premier ministre à la fin de l’année 1998 était d’emblée évocateur de la teneur accusatrice de sa conclusion: Il était ainsi intitulé : « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : « la longue marche vers l’indépendance et la transparence ».

En fait, sur le moment, ce rapport, partial en diable, délibérément injuste et flirtant parfois avec des approximations calomnieuses, ne produisit guère d’effets dévastateurs, autre que celui de justifier la disparation de l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants dépendant du ministère de la santé, qui avait succédé en 1994 au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants du Professeur Pellerin et de confier la gestion administrative de la radioprotection à une direction du ministère de l’industrie, rebaptisée pour la circonstance, direction générale de la sûreté et de la radioprotection.

Ses conséquences les plus discutables se manifestèrent quelques années après, lors de l’adoption sous le gouvernement de Dominique de Villepin de la loi du 13 juin 2006 « relative à la transparence et à la sécurité nucléaire ». Laquelle consacra la démission presque totale du gouvernement en matière nucléaire. De manière incompréhensible, le Parlement vota une loi qui l’excluait du débat dans la même charrette que l’exécutif, pour créer une sorte « chimère administrative indépendante » l’Autorité de Sureté Nucléaire. Cette dernière, irresponsable par conception devant la représentation nationale et non soumise à la tutelle gouvernementale était dirigée par des commissaires non destituables. Etrangement, elle s’est vu confier la mission de contrôle, au nom de l’Etat, de la sûreté et la radioprotection dans tous les secteurs mettant en œuvre des rayonnements. Disposant d’inspecteurs, elle a en outre développé dès sa création, probablement pour faire taire toute éventuelle critique de laxisme ou pour fragiliser l’image de sûreté irréprochable dont jouissait l’industrie nucléaire française, un ensemble pléthorique et labyrinthique de règles spécifiques et de concepts exorbitants du droit commun comme la notion « d’écart  » à ses injonctions ou le placement en « vigilance renforcée » d’une installation rétive à ses mises en demeure.

Ainsi, à partir de 2006, à l’expertise technique intelligente que les promoteurs du nucléaire en France s’étaient efforcés de développer jadis en se fondant sur de vrais enjeux de sûreté et de radioprotection, s’est substituée une bureaucratie tatillonne, hors sol, confondant l’essentiel et l’accessoire et criant au loup en permanence. Le résultat c’est que la sureté et la radioprotection opérationnelles s’est retrouvée noyée sous de avalanches de détails non signifiants mais contraignants.

C’est en tout cas, ces métarègles que le premier président de cette Autorité féodale, qui aimait qu’on le qualifie de « gendarme du nucléaire, appelait « la culture de sûreté ». On s’interroge encore aujourd’hui sur les objectifs réels de cette profusion de normes, qui n’ont eu l’heur que de freiner toute réalisation nouvelle en matière d’électricité nucléaire, sans pour autant améliorer la sûreté et la radioprotection d’ores et déjà satisfaisantes. L’avenir dira si le retard pris par le réacteur EPR de Flamanville n’est pas en grande partie imputable à cette inflation normative, peu justifiée et édictée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.

Dans ces conditions il est évident que la motivation des acteurs ou des futurs acteurs du nucléaire s’est fortement émoussée. Beaucoup y perdirent la foi du charbonnier qui faisaient autrefois leur force. Et il est probable que nombre des difficultés actuelles relatives à la maintenance des centrales nucléaires trouvent également leur origine dans cette bureaucratie du contrôle et de la surveillance, installée par peur ou par conviction antinucléaire implicite et honteuse.

L’urgence pour un gouvernement qui voudrait, sincèrement faire de l’énergie nucléaire un élément moteur d’une souveraineté énergétique retrouvée et respectueuse des enjeux environnementaux et écologiques, serait de restaurer l’état d’esprit volontariste des pionniers de l’atome et, pour ce faire, de supprimer cette Autorité Indépendante en rétablissant une administration classique placée sous la responsabilité du gouvernement.

Il n’y a en effet aucun motif de penser que des ingénieurs de l’Etat soumis aux règles de déontologie des fonctionnaires puissent être moins compétents et moins impartiaux lorsqu’ils œuvrent au sein d’une administration centrale, plutôt que dans une structure indépendante.

Bien sûr, d’autres errements stratégiques devraient être corrigés. Il conviendrait en particulier d’abroger les dispositions de la loi du 18 août 2015 sur la transition énergétique et pour la croissance verte, votée sous le mandat présidentiel de François Hollande, qui se fixe pour objectif paradoxal s’agissant d’un secteur peu émetteur de gaz à effet de serre et peu ou pas accidentogène en France, de réduire drastiquement la part de l’énergie nucléaire dans le « mix » énergétique électrique de 75% à 50% à l’horizon 2025.

Sans parler de la décision idiote de l’arrêt de la Centrale de Fessenheim décidée par François Hollande et exécutée par Emmanuel Macron en juin 2020 en invoquant des arguments démentis en temps réel par toutes les expertises comme le coût exorbitant de sa maintenance…

Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que l’énergie nucléaire productrice d’électricité vive une crise de confiance et d’angoisse du lendemain dans la population mais également parmi ses ingénieurs, techniciens ou ouvriers qui n’entrevoient plus d’autre perspective de carrière que la déconstruction ou le démantèlement de leurs outils de travail. Ou la gestion des déchets!

Ces sombres augures font en outre l’impasse sur les obligations pesant sur l’opérateur historique français, en l’occurrence EDF, qui dans le cadre de l’ouverture du marché européen de l’énergie, est tenu de fournir à bas prix une partie de sa production électrique à ses concurrents non exploitants qui la revendent ensuite sans avoir subi les charges de la production.

Cette concurrence artificielle et truquée creuse davantage le déficit déjà colossal de l’industriel français, alors que les gouvernements successifs veulent dans le même temps privilégier un « tout électrique » vertueux dans la plupart de nos activités en particulier dans nos déplacements.

Sous réserve de corriger d’urgence les trajectoires stratégiques incarnant le renoncement au progrès, sous réserve aussi de débarrasser l’énergie nucléaire des injonctions contradictoires qui la bâillonnent, toutes édictées avec l’aval des présidents de la République et chefs de gouvernement successifs depuis presque quarante ans et sous réserve enfin de l’élaboration d’un vrai projet politique pour le nucléaire incluant à la fois la construction de nouveaux réacteurs, la maintenance des anciens et la prolongation de leur fonctionnement dans le cadre d’un « grand carénage » effectivement financé, le tout assorti d’un programme volontariste de recherches de nouvelles filières, les perspectives dressées par le président Macron en début d’année de relance du nucléaire civil, seront ou non crédibles!

Pour l’heure, la question de la crédibilité des engagements présidentiels se pose toujours avec acuité, d’autant qu’on s’apprête à passer l’hiver à la bougie en pédalant sur des vélos électriques dont on ne pourra probablement plus recharger les batteries!

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Le mardi 29 août 1922, le bulletin météorologique publié dans le Petit Courrier, le quotidien républicain de l’Anjou annonçait un temps chaud et nuageux, ponctué d’éclaircies et de quelques ondées, avec une température oscillant entre 16° C au petit matin, 26° à midi et 21° à vingt-et-une heures. En un mot, c’était l’été. Un été, légèrement plus chaud que les années précédentes mais globalement assez classique en régime océanique.

Ce jour-là que rien ne distinguait des autres jours depuis la fin de la guerre, le journal des angevins, qui se revendiquait à la fois d’un ancrage local alimenté par les faits divers de la région, et d’une ligne éditoriale à vocation généraliste et nationale, évoquait en « une », des grèves sur les chantiers navals du Havre. Le journaliste y déplorait qu’elles se soient soldées par des affrontements meurtriers avec les forces de gendarmerie.

La première page revenait par ailleurs sur une nouvelle de la veille : le naufrage d’un cuirassé de la Royale au large de Quiberon à quelques encablures du phare de la Teignouse. Les premiers éléments de l’enquête venaient en effet de montrer que cet infortuné navire de la marine nationale, baptisé « France » s’était éventré sur des récifs à la suite d’une mauvaise indication d’une sonde bathymétrique. On comptait plusieurs disparus., probablement prisonniers de la coque sous quelques dizaines de mètres de fond. .

En première page également, figuraient, parmi les événements importants, des incendies de forêt dans le Var.

Sous forme de « brèves » le lecteur était par ailleurs informé d’opérations militaires conduites au Maroc dans le Moyen Atlas contre des tribus autochtones qualifiées d »insoumises ». Il est peu probable que cette dernière info à propos de combats lointains, ait ému beaucoup d’angevins, sauf sans doute mon grand-père Marcel Pasquier (1892-1956) qui avait servi comme cavalier de première classe dans les chasseurs d’Afrique entre 1910 et 1919. Mais ce jour-là, il avait aussi d’autres motifs d’intérêt au sein même de sa propre famille!

Enfin l’édition du 29 août 1922, comme celle des jours précédents, rappelait les difficiles et lancinantes négociations avec l’Allemagne pour fixer le montant des dommages de guerre et les conditions de réparations, pourtant prévues dans le traité de paix signé avec l’Allemagne en 1919 à Versailles.

D’ailleurs, alors que quatre ans s’étaient écoulés depuis l’armistice du 11 novembre 1918, presque chaque numéro de la presse locale ou nationale, consacrait quelques lignes aux hommages aux soldats, aux commémorations des batailles de la Grande Guerre ainsi qu’aux activités mémorielles des associations d’anciens combattants. Les décorations octroyées à titre posthume aux poilus morts en héros sur le front étaient systématiquement mentionnées. Chaque rapatriement de leurs dépouilles en terre natale à la demande des familles faisait également l’objet d’un court article. A titre d’exemple, le 27 août 1922, le journal informait du retour des cendres d’un soldat tué à Verdun en 1916 et originaire de Beaucouzé (49). Les restes d’un cousin germain de ma grand-mère et de mon grand-père paternels, tué en 1915 à Neuville Saint-Vaast avaient été ramenés au Lion d’Angers dans des conditions similaires, peu de temps auparavant.

En tout état de cause, ce qui frappe à la lecture du Petit Courrier, c’est l’omniprésence rédactionnelle du conflit mondial récent. Manifestement le traumatisme de la Guerre de 14-18 était loin d’être cicatrisé et a fortiori assumé. Chaque numéro s’attardant, d’une manière ou d’une autre, sur la souffrance encore vive de la population qui continuait de pleurer ses « martyrs » dont les noms étaient désormais inscrits sur les monuments aux morts, érigés en leur mémoire dans chaque village. La saignée infligée par la guerre avait été d’autant plus rude que la classe d’âge sacrifiée en grand nombre était précisément constituée de jeunes adultes. Ceux-là même qui auraient dû être, dans ces années d’après-guerre, les forces vives de la Nation, dans les champs comme dans les usines, et d’abord dans les familles.

Heureusement, le journal dont une grande partie de la population prenait connaissance dès l’aube grâce à une distribution de portes à portes, comportait d’autres informations que celles, peu réjouissantes, liées aux conséquences douloureuses de la tragédie passée.

Parmi ces actualités réconfortantes, il y avait d’une part les naissances dont la liste était publiée chaque jour pour celles de la veille et, bien sûr, les manifestations festives, ludiques, voire économiques comme les comices agricoles qui attestaient, chacune à leur manière, de la capacité de résilience collective du pays malgré le deuil qui l’affligeait.

Parmi les « bonnes nouvelles » il y avait les fêtes votives et villageoises, comme le feu d’artifice du Lion d’Angers du 27 août 1922 et la retraite aux flambeaux qui s’ensuivit portée par « une assistance nombreuse et enthousiaste ».

Dans l’édition du 28 août 1922 et les suivantes, un article était également dédié aux courses du Lion d’Angers, bourg d’origine de la plupart de mes aïeux paternels, à l’hippodrome de Durval sur la route de Vern d’Anjou qui avait été rénové pour la circonstance et où furent accueillis des parieurs en grand nombre mais surtout des foules d’amoureux de la race chevaline. Etaient présents lors de l’inauguration tous les notables aristocratiques et les élus de la région, dont le quotidien publia scrupuleusement une liste exhaustive. On se serait cru aux temps heureux de la Belle Epoque, où les toilettes de la comtesse de Tredern et de la duchesses de Brissac rivalisaient avec celles de la baronne de Candé.

Petit Courrier daté du 29 août 1922

S’agissant de l’état civil « heureux », le Petit Courrier publiait le mardi 29 août 1922 la liste des naissances de la veille à Angers. Et parmi celles-ci, était mentionnée celle de Renée Pasquier, le lundi 28 août 1922 au domicile de ses parents. En fait, le couple Pasquier louait depuis quelques semaines seulement un petit appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble du 65 de le rue de la Madeleine. Au regard des standards actuels, il serait même considéré comme  » très » modeste car il ne comportait (à ce moment-là) que deux vraies pièces, à savoir une cuisine assez vaste mais sombre, dotée de l’eau courante, ainsi qu’une grande chambre avec fenêtre sur cour, communiquant avec un « bow window » vitré assimilable « avec un peu d’imagination  » à un jardin d’hiver ou à un cabinet de toilettes fictif. Les « commodités » étaient extérieures et collectives, et un jardinet fermé au fond par un puits était mis à la disposition des locataires, charge à eux d’en faire un potager.

C’est en ce lieu que Renée Pasquier qui nous a quittés le 23 octobre 2016, passa son enfance et sa jeunesse en compagnie de ses trois frères et de leurs parents.

Nul ne sait d’ailleurs quand elle décéda, si à 94 ans elle avait gardé le goût de vivre et si cette mort qui l’arrachait à l’affection des siens ne correspondait pas à un souhait qu’elle avait parfois exprimé devant moi à plusieurs reprises, de rejoindre Marcel Pilet (1919-1996) son amour et le père de ses sept enfants. L’âge venu, l’absence de son époux lui pesait et elle s’indignait de ne plus jouir de la liberté de se déplacer comme elle l’entendait. Cette liberté d’être et de se mouvoir qu’elle élevait devant moi au rang de vertu cardinale, qu’incarnaient à ses yeux « Le temps de cerises » de Jean-Baptiste Clément, et son vélo qu’elle enfourchait avec vivacité pour parcourir jadis « la rue Saint-Léonard jusqu’à la Madeleine ».

Mariage de Renée et Marcel – Angers le <6 juin 1943 – les deux familles

Elle avait épousé Marcel Pilet, un gars du quartier de la Madeleine, le 6 juin 1943 à Angers, un beau gaillard de trois ans son ainé, une personnalité chaleureuse, attachante et vif d’esprit, un cheminot aussi doublé d’un talent de jardinier hors pair. Et ils ne se quittèrent plus jusqu’à son décès à l’automne 1996, terrassé par une crise cardiaque en voulant arracher un « putain » de noisetier sauvage qui parasitait le mur de sa maison. Sans rire, Marcel m’a appris deux choses fondamentales dont j’use encore septuagénaire: nouer une cravate et me convaincre que le sécateur était l’outil principal de quiconque souhaite cultiver un jardin!

Depuis la disparition de Marcel, Renée avait, en tout cas, perdu une partie d’elle même et de sa joie de vivre . Mais, ne communiquant que rarement ses peines, ses regrets intimes ou ses secrètes fêlures, elle s’accrocha sans maudire, manifestant au contraire un certain optimisme qu’elle puisait probablement dans l’amour inconditionnel de tous les enfants qu’elle avait mis au monde. De la sorte, sa gaité, sa confiance dans l’avenir et son volontarisme rendaient sa compagnie agréable. Recherchée même par ceux qui l’entouraient. Ses voisins de la rue Charles Péguy!

En tout cas, elle ne confiait pas ses tracas au neveu que j’étais et qui ne la rencontrait qu’épisodiquement lors de mes rares passages à Angers. Elle se contentait de m’accueillir les bras ouverts, le sourire aux lèvres. Et si, malgré tout, elle faisait part de sa lassitude, c’était sur un ton badin ou implicitement au détour d’une remarque générale sur la dureté de la vie. Le plus souvent pour évoquer les difficultés notamment de santé, de tel ou tel des siens, et au premier chef, de ses enfants.

Ce dont je peux attester sans forcer le trait, c’est que ce n’était pas par devoir qu’on se rendait chez elle, dans le quartier de Saint-Léonard, mais par plaisir d’échanger avec elle et d’entendre des nouvelles de la famille. Elle était, à cet égard, l’incontournable référence, la mieux informée et même fréquemment l’ultime recours, en particulier pour les rameaux les plus éloignés dans notre arbre généalogique commun, comme ceux du Lion d’Angers des années trente ou quarante du siècle dernier.

Sœur ainée de mon père Maurice Pasquier (1926-2017) elle lui portait une affection profonde et protectrice. Et ce, depuis toujours. Lui-même lui téléphonait régulièrement de Massy où il résidait depuis de nombreuses décennies, et ses derniers voyages à Angers, malgré les handicaps de la vieillesse lui étaient en grande partie consacrés. Cette affection réciproque, fondée sur une complicité jamais démentie et une grande connivence depuis l’enfance, se prolongea jusque dans les dernières étapes de leur vie.

Le 28 aout 2022 elle aurait eu cent ans.

Elle était le deuxième enfant et la seule fille d’une fratrie qui en comprendra quatre. Sa mère Marguerite Cailletreau (1897-1986), native du Lion d’Angers était couturière et son père Marcel Pasquier (1892-1956), cheminot à la gare Saint-Laud d’Angers. Bien que né à Vervins dans l’Aisne, ce dernier était lui-même issu d’une famille implantée de très longue date sur les rives de l’Oudon, au Lion d’Angers et dans ses environs. Engagé dans un régiment de chasseur d’Afrique en 1910, il avait été affecté sur le front français durant la Grande Guerre, et c’est à l’occasion d’une permission en décembre 1917 au Lion d’Angers chez un de ses oncles, qu’il rencontra Marguerite.

Tout indique que ce fut le coup de foudre puisqu’ils se marièrent au Lion d’Angers le 21 octobre 1918 moins de trois semaines avant l’armistice. Après avoir participé aux derniers combats en Alsace et en Lorraine, et à l’occupation de la Rhénanie et du duché de Bade, Marcel fut démobilisé au cours de l’été 1919 non sans avoir contracté entre temps la redoutable « grippe espagnole » qui lui valut plusieurs semaines d’hospitalisation à Strasbourg et en région parisienne.

De cette union naquit en août 1920 à Saint-Pierre-Corps, un premier fils, Marcel Pasquier (1920-1999)…

Tel était l’environnement affectif de Renée lorsqu’elle vit le jour, il y a cent ans.

Renée à 19 ans en 1941

Son existence par la suite ne fut pas toujours un long fleuve tranquille et son moral fut à plusieurs reprises mis à l’épreuve, car elle fut confrontée au malheur, notamment en 1955 lorsqu’elle perdit un enfant quelques jours après l’accouchement. Elle sut surmonter ces épreuves avec courage et fut pour tous, en exemple.

C’est la raison pour laquelle, il m’apparait juste de lui rendre hommage et d’évoquer sa mémoire au moment où la fuite du temps lui fait virtuellement franchir le cap des cent ans. Échéance que la providence qui est rarement « sainte », lui a refusé.

Il y a évidemment bien plus légitime et plus qualifié que moi pour marquer ce passage virtuel qui ne peut plus se matérialiser. J’espère qu’aucun de ses cinq enfants encore de ce monde – enfants dont elle ne cessait de se déclarer fière – ne me feront pas grief, de cette libre évocation mais très subjective de leur maman.

Je sais que ça ne se fait pas de « sabrer » le champagne dans les cimetières en parlant des défunts sans qu’ils puissent répliquer. Ou de parier sur une occurrence fictive qui ne se concrétisera pas. J’ai le sentiment que je le devais à ma chère marraine.

Bon anniversaire, malgré tout, « Tante Renée » confidente proustienne de notre « recherche du temps perdu »! Témoin d’une époque si lointaine et pourtant si proche. Si comparable par les balbutiements de l’Histoire qu’elle charrie sans relâche.

Dans sa cuisine dans les années 2000

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Depuis quelque temps, notamment depuis deux ans, nous avons pris conscience de l’importance de la biodiversité et de la préservation légitime de nos écosystèmes. Tout le monde y a d’ailleurs mis du sien pour nous le faire comprendre! Ainsi nous sommes parvenus à assimiler, bon gré, mal gré que la biodiversité était consubstantielle à nos existences. Et que ce postulat ne souffrait d’aucune nuance ni discussion. A ce titre, le foisonnement débridé des espèces végétales ou animales ne doit plus être artificiellement entravé.

D’ailleurs, honte à ceux qui, insensibles à l’ambiance générale, douteraient de l’universalité de cette vérité même s’il est incontestable que la biodiversité en péril ici peut se porter à merveille ailleurs. Tout dépend du contexte et de la dimension des organismes attestant du monde vivant!

Exception faite de la diversité d’opinion qui n’est plus guère tolérée hors la pensée dominante, il est impératif pour son confort personnel, de se déclarer en toutes circonstances, militant intransigeant de la préservation de la biodiversité. Pour ceux qui sollicitent en outre le suffrage populaire, c’est même devenu électoralement payant!

Biodiversité militante ; herbes folles masquant une rivière – les insectes batifolent

S’il est manifeste que certaines espèces animales ou végétales sont indûment menacées, victimes des activités humaines, d’autres formes microscopiques de vie relevant aussi de la grande famille du « vivant », prolifèrent. Insigne paradoxe rarement souligné, car ces formes le plus souvent invisibles et indétectables nous sont sans doute moins familières, sauf lorsque nous les redoutons parce qu’elles nous agressent et portent atteinte à la santé humaine à l’échelle mondiale.

Ainsi, dans le même temps où nombre de grands mammifères des forêts ou des savanes tropicales ou subtropicales ne survivent plus que dans des réserves animalières ou des parcs zoologiques sévèrement gardés, des microorganismes, peu ou prou pathogènes se jouent allègrement des obstacles médicaux ou vaccinaux qu’on leur oppose.

Devenant mutants pour contrer nos défenses, ils affichent parfois une insolente biodiversité dont nous sommes les proies et eux, les prédateurs.

La pandémie virale que nous venons péniblement d’affronter et qui – dit-on – persisterait à nous menacer, constitue à cet égard un bel exemple de cette ambivalence du vivant. Au point qu’on est parfaitement en droit de s’interroger sur la fragilité des équilibres des espèces vivantes et sur les conséquences favorables ou défavorables à terme, des modifications qui se déploient sous nos yeux. Nul en réalité ne sait répondre à ces interrogations autrement qu’au travers d’extrapolations hasardeuses ou de spéculations peu ou prou fondées.

On sait cependant avec certitude que cette pandémie virale n’est qu’une parmi d’autres tout aussi inquiétantes et qu’elle est imputable à un coronavirus d’autant plus vicieux que son génome se modifie au fur et à mesure que des parades vaccinales et médicamenteuses sont développées pour contrer son expansion, sa transmission interhumaine et sa viralité. En tout état de cause, cette COVID 19 – tel est son nom – incarne de manière éclatante la complexité et l’ambiguïté de la notion de biodiversité. Ce faisant, elle disqualifie tout discours ou doctrine manichéenne sur ce sujet.

Pour peu que nous adoptions la seule attitude qui vaille, celle socratique et raisonnable du « sachant » qui ne sait pas grand chose, nous pouvons postuler qu’au sein de l’arbre multiséculaire du vivant ou de « l’odyssée des gènes » ( ouvrage d’Evelyne Heyer ») , il faudra s’accommoder de l’idée selon laquelle nous n’occupons probablement pas une place privilégiée dans l’univers de la vie. Il n’y a en effet aucun motif autre qu’irrationnel et religieux, de penser que nous ayons vocation, plus que tous les autres organismes vivants, microscopiques ou non, à prospérer sous le soleil…

Nous ne sommes pas l’aboutissement de « l’évolution ». Juste un instant dans l’histoire du monde.

Evidemment, appartenant à l’espèce humaine, nous hésitons à faire la promotion d’une révolution copernicienne appliquée à la biologie. De tout temps, pour donner du sens à son existence, l’humanité a eu effectivement tendance à se penser comme le centre de la « création ». Et pour se doter d’un statut spécifique de l’humain, certains ont même prétendu que nous étions « créés » à l’image de « Dieu ».

Les mythes ayant la vie dure, au-delà même des liturgies désuètes qui les ont inventés, on comprend que nous éprouvions, encore aujourd’hui, beaucoup de difficultés à nous cantonner à la modeste place de « partie prenante » dans un univers du vivant en permanence remanié, sous l’effet du hasard et de la nécessité. Et comble de disgrâce, concurremment avec tous les autres êtres vivants, quelles que soient leurs natures. Et même au-delà, concurremment avec l’ensemble des représentations mouvantes et insaisissables du réel!

Ignorant tout de la finalité de ce chambardement incessant – si tant est qu’il y en ait une – et de la quintessence de cet inexplicable assemblage, nous nous bornons, par commodité et paresse intellectuelle, à circonscrire le périmètre de ce que nous dénommons la « biodiversité » aux espèces qui nous ressemblent et avec lesquelles nous aspirons cohabiter harmonieusement en conformité avec la théorie darwinienne de l’évolution. Ou plus exactement, en conformité avec la vision mécanistique de cette évolution réinterprétée à notre convenance!

Cette biodiversité revendiquée mais amputée d’une partie d’elle-même, considérée comme pathogène, invisible et sournoise, ne retient donc que les espèces « qui nous parlent », c’est-à-dire celles avec lesquelles on pense entretenir quelque connivence et défendre des intérêts communs et réciproques.

L’autre biodiversité – la sombre, celle souterraine des micro-organismes, celle de certains germes, de certaines bactéries n’appartenant pas notre biotope ou celle des virus qui colonisent l’ADN de nos cellules – est exclue de facto de ce schéma bien qu’elle procède fondamentalement des mêmes processus vitaux et de la même chimie. D’ailleurs, cette biodiversité obscure se porte plutôt bien. Présumée nous être intrinsèquement défavorable, elle est, par hypothèse, étrangère à notre solidarité d’êtres vivants et ne saurait donc entrer de plein droit dans la définition « politique » des espèces à préserver au nom de l’écologie. A détruire ou à neutraliser, elle relève alors de la médecine, curative ou préventive et non plus du projet ou planification écologiques des bateleurs d’estrades électorales. Avec elle on fait la guerre, on ne transige pas.

Pourtant, qu’on le veuille ou non, de part et d’autre de cette frontière artificielle entre la préservation de la biodiversité et la lutte contre la multiplication des mutations infectieuses, tous les organismes vivants ont pour seul objectif de pérenniser la vie en puisant, sans état d’âme, l’énergie et les ressources nécessaires, voire les machineries de leur reproduction là où elles se trouvent. Et il en est ainsi depuis la nuit des temps!

Bien entendu, il arrive que cette lutte pour la vie se conduise à notre détriment et que nous soyons temporairement démunis face aux stratégies parasitaires développées par certains microorganismes « en toute innocence ».

Dans ce contexte d’incertitudes multiples, l’espèce humaine n’a nulle raison d’abandonner le combat, de se laisser aller à la fatalité et de sacrifier sa position au profit d’une nature livrée à elle-même, considérée sans doute à tort comme la régulatrice ultime des intérêts communs de l’ensemble du vivant! Sa mission n’est pas non plus de dicter sa loi à l’ensemble des espèces, sauf à s’exposer à de cruelles désillusions ou déconvenues.

Au fond, notre raison d’être est simplement celle, universelle, de vivre au mieux. Elle n’est pas de postuler à partir de schémas utopiques, un avenir pavé de repentances et de privations castratrices et se priver du plaisir de vivre. D’ailleurs, faut-il vraiment croire que tous les dérèglements observés à notre échelle ne soient imputables qu’à l’insouciance coupable de notre seule espèce, en faisant abstraction du « mouvement » et des forces qui agitent agitent en permanence l’univers dans son ensemble.

Ce type de contresens est fréquent. C’est en particulier celui de l’idéologie de l’écologie politique, qui prend en otage la science, en transformant les savants en experts, en assimilant les lois de la nature en prescriptions d’ordre public opposables à la seule espèce humaine, et en défigurant des paysages à la française en jungle équatoriale nauséeuse, foyer de fermentations infectieuses.

Cette écologie politique fait en effet fi – croyant de surcroît, bien faire – de l’unité du vivant et de l’attitude d’humilité à adopter face à des phénomènes dont la logique n’est pas nécessairement la notre. Sans chercher à comprendre au-delà d’équations simplistes et en faisant l’impasse sur ce qui ne colle pas avec ses thèses, elle édicte des règles souvent liberticides qui consiste d’abord à confesser nos fautes à l’égard de la Nature et à faire pénitence pour notre négligence et insouciance « condamnables ».

Sous les ronces était une rivière qui chantait dans la vallée

Cette idéologie politique – désormais leitmotiv incontournable de toute propagande électorale – a pour principale conséquence, de remettre en cause les succès technologiques de jadis, de justifier une certaine inaction bienfaitrice et d’alimenter la méfiance à l’encontre du progrès. Bref de nous pourrir la vie.

Faute de procéder à une analyse globale des écosystèmes et de leurs constantes évolutions, elle n’ouvre enfin aucune perspective crédible vers l’avenir. Sauf à enjoindre à chacun d’adopter des comportements « vertueux » autrement dit conformes à la religiosité répressive de notre temps, sans espérer en escompter un quelconque bénéfice collectif mesurable.

Pour conclure et illustrer mon propos, je ne citerai qu’un exemple, celui d’une petite rivière qui serpentait jadis au fond de la vallée de la petite commune où je réside depuis plus d’un quart de siècle.

Il y a quelques années un chemin la longeait, régulièrement entretenu et débarrassé des herbes folles qui au printemps cherchaient à conquérir ses berges. Des canards ou des poules d’eau s’y posaient en quête d’insectes ou de vers de vase, voire pour chercher fortune. Ce tableau que n’aurait pas désavoué un Jean-Jacques Rousseau solitaire, a désormais disparu sous le prétexte de préserver la biodiversité des rives et de favoriser la nidation des colonies d’insectes qui sont censés s’y implanter. On ne fauche plus de crainte d’importuner la nature. Et désormais, les ronciers masquent le cours d’eau dont on ne perçoit la présence que par le biais des moustiques tigres en résidence d’été, qui s’en donnent à cœur joie pour nous piquer en complément des tiques, si, d’aventure, on pénètre cette nouvelle jungle. Mais les canards sauvages de passage ou les hérons ne savent plus se poser!

Fauchage tardif – très tardif – et biodiversité sélective obligent! Et en plus c’est moche et incommode de sa balader avec sa moustiquaire et en tenue de safari au cœur de l’Ile de France!

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