Au premier janvier, la tradition veut que l’on formule des vœux pour l’année nouvelle. Lesquels sont parfois assortis de bonnes résolutions qu’on oublie généralement dès le lendemain, sauf lorsqu’il s’agit de « bonnes intentions » assimilables à des pétitions de principes, répétées inlassablement chaque année et systématiquement reportées aux calendes grecques. C’est le cas en particulier des mesures à prendre pour « sauver une planète » qui d’ailleurs n’en demande pas tant! Mais c’est aussi le cas, à titre individuel, des fumeurs qui, pressentant que leur souffle leur échappe, annoncent leur décision d’arrêter de « cloper ».
Il est également d’usage que les responsables politiques, s’adressent solennellement à leurs concitoyens en s’efforçant de les convaincre non seulement de la justesse de leur gouvernance, mais aussi pour les informer que, grâce à leur dévouement à la chose publique, l’avenir est assuré. Non sans surprise, on apprend à cette occasion que la situation générale du pays, préoccupante hier, serait sur la voie du redressement et qu’en tout état de cause, telles de bonnes fées, nos élus veillent au grain pour garantir la sécurité et la paix!
Les vœux du Président de la République française diffusés rituellement sur tous les médias en France Métropolitaine et en Outremer à vingt heures précises le soir du réveillon, n’échappent pas à cette figure imposée. A quelques détails près, compte tenu du contexte géopolitique et des difficultés du moment, ils ne dérogent, d’une année sur l’autre, ni sur le fond, ni sur la forme aux exercices habituels.
Cette année, à l’exemple de tous ses prédécesseurs et dans la continuité de ses propres interventions, l’actuel locataire de l’Elysée, se montra plutôt satisfait de lui-même ainsi que de l’action de son gouvernement. Comme à l’accoutumée, il chercha à apparaitre comme le père de la Nation, plus protecteur et plus déterminé que jamais à préserver l’unité de ses ouailles et à maintenir l’ordre public républicain… Plus que jamais, il a estimé que son engagement sans faille à la cause nationale relayée par l’Europe, a permis de surmonter, bien mieux que partout ailleurs, les périls et les crises épidémiques, énergétiques, climatiques, qui menacent la cohésion nationale. Quel bol on a ce 31 décembre!
Comme à l’accoutumée aussi, les parlementaires de son camp politique ont applaudi sa prestation en soulignant au passage l’extrême lucidité et clairvoyance du chef de l’Etat, tandis que ses oppositions unanimes ont trouvé que ce discours était très insuffisant, qu’il n’offrait aucune perspective crédible et donc, qu’il n’était pas à la mesure des enjeux auxquels le pays était confronté. Les plus virulents allant même jusqu’à l’accuser de duplicité!
Donc acte. Une fois de plus on mesure qu’il n’est pas simple de contenter tout le monde et son frère, d’autant – comme le disait le regretté Pierre Dac (1893-1975) que « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ».
Pour ma part, c’est le décor qui m’a surtout intéressé, considérant – sans doute à tort – que ce dernier en dit sûrement autant sur les intentions élyséennes que les propos antalgiques tenus, dont je ne doute pas qu’ils soient pétris de bienveillance à l’égard des citoyens.
Comme l’aurait dit jadis ma grand-mère, l’homme ne semble pas avoir la tête d’un mauvais « gâs »!
En revanche, à la différence par exemple d’un François Mitterrand qui aimait s’entourer des ors de la République et donner à ses prises de parole officielles une apparence monarchique – et ce, probablement pour ancrer son propos dans l’histoire millénaire et capétienne de la France – Emmanuel Macron, plus « techno » que le vieux routier de la quatrième République a préféré adopter un profil d’énarque, chef de bureau au ministère des finances. Outre les drapeaux de rigueur quelles que soient les époques, l’actuel président intervient devant des rayonnages blancs -style IKEA amélioré mais sobre – garnis de bouquins ordinaires, dont certains dans des collections de poche.
Le message est clair: il s’agit certainement de montrer que l’hôte de l’Elysée est sur son lieu de travail et que c’est un espace fonctionnel dépourvu de fioritures inutiles. Affairé au service de la République, comme tout à chacun en charge de responsabilités éminentes, il « bosse » encore à quelques heures du réveillon, alors que d’autres, au même moment, extraient les huitres de leurs bourriches.
Je suis bien sûr conscient qu’écrivant cela, on me reprochera d’user d’une sorte d’humour caustique ou de persiflage plutôt malvenus en ces circonstances. Et qu’on me demandera ce que seraient mes vœux « urbi et orbi » si j’étais président de la République. Je répondrais d’abord que, n’étant pas en situation, mais simplement citoyen et contribuable, il m’est difficile d’imaginer ce qu’il faudrait dire si j’étais en fonction sur un emploi que je n’ai pas sollicité.
Néanmoins, m’adressant à l’ensemble de la Nation, je veillerais à ne pas oublier qu’une partie seulement du corps électoral m’a élu, par défaut, pour éviter le pire.
Je devrais me souvenir alors qu’une minorité a adhéré à mon programme électoral. Que celui-ci n’a donc pas été formellement adopté par la Nation, mais simplement entériné de manière quasi procédurale dans le sillage d’une élection présidentielle où l’enjeu principal était d’éviter l’accès des extrêmes au pouvoir. Je m’efforcerais en outre d’intégrer l’idée que ma réélection n’a pas débouché sur une majorité parlementaire cohérente en ma faveur.
Enfin s’agissant de vœux destinés par hypothèse à dessiner un avenir possible et surtout souhaitable, au-delà de toute considération politicienne conjoncturelle ou de gestion administrative et comptable, je chercherais à leur donner un peu de souffle et de perspective. Et c’est d’ailleurs dans cet esprit que le seul vœu que je formulerais à titre d’orientation prioritaire, serait la restauration, partout dans le monde, des Droits de l’Homme. A cet effet, je m’engagerais explicitement à promouvoir, par mes propos et par mes actes, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Et ce, lors de toutes les conférences internationales auxquelles je participerais es qualité.
La France pionnière en la matière depuis la Révolution Française (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789) ainsi que par son rôle d’initiatrice importante, après guerre, de la Déclaration universelle de l’ONU a, en effet, le devoir moral de rappeler sans relâche au monde l’ensemble des droits fondamentaux dont doivent jouir à égalité les femmes et les hommes.
Parmi lesquels, l’égalité des sexes, si malmenée dans certains Etats confessionnels, la liberté d’opinion, celle aussi d’une presse indépendante des pouvoirs en place, le respect de la démocratie, la liberté de croire ou de ne pas croire, le droit à l’éducation et celui de bénéficier d’une protection sociale et sanitaire digne et ouverte à tous, etc.
Le Président de la République française serait parfaitement légitime, à l’occasion de ses vœux à la Nation, pour rappeler l’urgence de mettre en application l’ensemble de ces droits fondamentaux en soulignant que le principal facteur de troubles, de désordres de tous ordres, notamment des guerres qui endeuillent le monde, est précisément imputable à leur transgression systématique.
Nombre d’Etats membres de l’ONU doivent à cet égard être dénoncés sans concession, qui bafouent cyniquement les droits humains ou les instrumentalisent en les détournant abusivement de leur objet. Parmi ces Etats voyous, on compte de nos jours, la Russie de Poutine agresseur de l’Ukraine en violation du droit international, la Chine dictatoriale de Xi Jinping, qui se livre au génocide de certaines minorités ethniques ou religieuses, et des théocraties comme l’Iran, l’Arabie Saoudite ou pire encore l’Afghanistan où les talibans, authentiques fous furieux et criminels au pouvoir, dénient pratiquement tout droit aux femmes en s’appuyant sur la passivité internationale..
Puisse 2023, inverser ces tendances mortifères et indignes de la famille humaine! C’est en tout cas, une des missions historiques du « patron » que de tenter d’y contribuer.
Bonne année 2023
Que cette année à haut risque, soit, malgré et en dépit de tout, douce, paisible et légère à tous, aux grands comme aux petits, aux pauvres comme aux riches. Et qu’elle soit ponctuée de multiples petits ou grands bonheurs à consommer sans modération même en période de sobriété imposée.
Tout a été bien résumé. Tout a été dit.
Que 2023 nous procure malgré tout, plein de moments heureux.
Mais qui vivra verra.
Merci