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Archive for the ‘Pouce-pause’ Category

Lorsque, ce 8 mars 2023, Claudie et Jean-Philippe entonnèrent dans le chœur de l’église Notre-Dame des Victoires à Angers, « la Prière » de Brassens et de Francis Jammes, à quelques mètres du cercueil de leur mère, les ombres des deux poètes planaient sur l’assistance. Mais au-delà de l’émotion et du sentiment troublant de retrouver ici une musique qui a bercé notre enfance et notre adolescence dans les années soixante, c’est Lucette Turbelier dont on célébrait les obsèques, qui manifestait une dernière fois, sa présence parmi nous.

Alors, nos souvenirs se bousculèrent concurremment avec la nostalgie d’une époque dont on prenait conscience qu’elle s’achevait. Sans trop savoir pourquoi, on redécouvrait avec certitude, à travers les différents couplets de la mélodie adressée à Marie, la Lucette qu’on avait connue. On imaginait qu’elle avait jadis chanté ce magnifique salut à la Vierge de concert avec « l’amour de sa vie », son mari – mon oncle – Georges Turbelier (1927-2009), qu’elle fréquenta dès le début de la seconde guerre mondiale. Elle était alors encore adolescente..

Plus de soixante ans de vie et d’affection mutuelle et de chansons communes, ça compte! Et c’est la raison pour laquelle sa disparition en 2009 la désempara.

Ce sont ces pensées qui nous agitaient en écoutant ses enfants, chanter le « Je vous salue Marie » du mécréant Brassens!

Tant de souvenirs nous étreignaient: ceux d’une jeune mère de trois enfants – notre tante – toujours accueillante et joyeuse chez laquelle nous aimions nous rendre, à Angers dans un premier temps, puis à Orvault et enfin à Saint-Herblain en périphérie de Nantes. Ceux aussi des repas familiaux et des fêtes de Noël ensemble, des rires. Ceux aussi des vacances en VVF à Albé en 1961 et sur la Côte d’Azur… Et tant d’autres circonstances où nos familles appréciaient de se retrouver.

Par ce triste et pluvieux après-midi d’un hiver qui ressemblait, ce jour-là, à un automne, Lucette Turbelier née Harné a finalement rejoint dans une tombe du Cimetière de l’Est d’Angers, sa ville natale, trois des êtres qui lui furent chers, son père décédé en 1936 alors qu’elle n’était âgée que de dix ans; sa mère qui dut assurer seule l’éducation de ses trois filles et enfin Georges Turbelier son confident et mari bien-aimé.

Lucette s’était paisiblement éteinte quelques jours auparavant, entourée de ses enfants, dans une Maison de Retraite de Saint-Lô dans la Manche. Elle était âgée de quatre-vingt-seize ans et c’était la dernière représentante vivante de mes oncles et tantes dans ma branche maternelle. Georges était en effet l’un des deux frères cadets de ma mère Adrienne Pasquier née Turbelier (1923-2018).

En hommage à sa maman dont il dressa le portrait, son fils Jean-Philippe évoqua, tout en délicatesse, quelques épisodes de la vie de sa mère et rappela qu’elle dut surmonter plusieurs épreuves douloureuses. Douleurs , que d’ailleurs elle ne laissa que très rarement paraitre, en dehors du cercle de ses plus proches.

En fait, elle ne fit jamais tout à fait le deuil de son père Henri Harné (1898-1936) décédé prématurément. Jusqu’au stade ultime de son existence, elle conserva précieusement les écrits qu’il adressait à la petite fille qu’elle était encore.

Ces feuilles jaunies par le temps et gardées précieusement, la renvoyaient probablement à ce chagrin d’enfance qu’elle ne sut ni voulu étancher. Elles lui rappelaient une indicible fêlure, qui constituait peut-être aussi une sorte de jardin secret dans lequel elle se réfugiait les jours de déprime. Seule à seule dans le souvenir de son père!

Ce père qui était chimiste et qu’elle ne cessa d’admirer, l’emmenait toute jeune dans son laboratoire où elle pouvait manipuler les instruments de mesure. C’est de cette période lointaine et par amour filial que daterait son intérêt trop méconnu pour la science et sa confiance dans le progrès. Un intérêt que les circonstances de la guerre et du veuvage de sa mère ne lui ont pas permis de satisfaire complètement – en tout cas, comme elle l’aurait souhaité – en poursuivant des études dans cette voie. A l’exemple de son père. Dans une famille désormais monoparentale, la mère dut en effet trouver un emploi pour nourrir sa famille chez un médecin de la rue Chevreul à Angers. Et les trois filles – dont Lucette – durent travailler dès la fin de leur scolarité obligatoire.

Outre la disparition de son père en 1936 et de son époux en 2009, un autre traumatisme quasiment insurmontable assombrit la fin de sa vie: le décès de son second fils et dernier enfant, François Turbelier (1958-2011).  » C’est moi qui aurait du mourir » répétait-elle. « Ce n’était pas son tour ».

Avec Georges en 2000 à Massy chez Adrienne et Maurice Pasquier

Avec Lucette qui s’en va, c’est toute une génération qui aujourd’hui disparait. Celle des parents du « baby boom » d’après la seconde guerre mondiale. Celle de ces jeunes adolescents pris de court lorsque le conflit se déclara et qui leur vola une partie de leurs rêves. Celle qui a connu la défaite de l’armée française en 1940, puis l’occupation allemande à Angers jusqu’au mois d’août 1994 et les privations qui s’ensuivirent avec le couvre feu, les tickets de rationnement, et les bombardements.

Lucette résidait à l’époque rue Chevreul, dans le centre-ville d’Angers à quelques dizaines de mètres de la place du Ralliement – la place de la Concorde angevine – non loin du siège de la Kommandantur et du quartier général des troupes d’occupation allemande, qu’elle croisait régulièrement dans la rue.

Lucette appartint donc à cette classe d’âge qui a connu la liesse populaire du 10 aout 1944, le jour de la Libération d’Angers par les troupes américaines du Général Patton. Cette nuit du 10 août 1944  » une nuit où le sommeil aurait été une insulte au destin » comme le titrait une édition spéciale dédiée par le Courrier de l’Ouest à la Libération de l’Anjou, fut celle de la délivrance et resta gravée dans la mémoire de ces jeunes angevins devenus prématurément adultes sous le joug, pendant quatre ans, de la soldatesque allemande qui imposait impitoyablement sa dure loi d’airain. Une armée d’occupation pesante et sa police – la Gestapo – à laquelle collaborèrent d’ailleurs un certain nombre de traitres français.

Lucette et Georges son futur époux relevaient de cette tranche d’âge, avec Albert Turbelier le frère aîné (1925-2023) et bien sûr mes parents Adrienne Turbelier et Maurice Pasquier (1926-2017). Les uns comme les autres s’efforcèrent malgré tout de vivre leur jeunesse et de s’acquitter comme ils le pouvaient, des devoirs que leur imposait la tragique de la situation, notamment lors des bombardements où ils participèrent au secours des blessés et à l’évacuation des morts du quartier de la gare Saint-Laud.

En dépit des difficultés et des multiples tracasseries auxquelles ils étaient astreints, ils demeuraient de jeunes hommes et de jeunes femmes et j’ai souvent entendu Lucette évoquer cette époque comme la période de leur vie où s’ébauchèrent des relations affectives ou amicales qui perdurèrent jusqu’à leur disparition.

Comme pour conjurer les horreurs de cette guerre qui les privaient des distractions habituelles, les jeunes notamment les employés du magasin de confection Joudon – place du Ralliement – où travaillaient ma mère Adrienne comme vendeuse retoucheuse et la sœur ainée de Lucette, Jacqueline Harné (1924-1998) –  » aimaient se retrouver le dimanche avec leurs connaissances respectives pour de longues balades à pied dans la campagne angevine ou sur les bords de Loire, jusqu’au sanctuaire de Béhuard sur la Loire!

Le prétexte de ces sorties étaient parfois religieux et même expiatoire – conformément aux standards pétainistes et culpabilisants de l’époque – mais, dans la réalité, ce qui les motivait surtout c’était le plaisir d’être ensemble et d’oublier la guerre. Des relations intimes pouvaient naître de ces joyeuses promenades dominicales: c’est probablement dans ces circonstances qu’Albert et Georges, les frères cadets furent associés à la bande et que Georges rencontra Lucette. Jacqueline, elle-même devint la femme d’un collègue du rayon mercerie, Constant.  

Malgré les affres de la guerre et la peur, la jeunesse est éternelle. A toutes les époques, elle parie sur la victoire de la vie : ce fut naturellement le cas dans les années quarante en Anjou !

Bois de Molières à Beaucouzé (49) en février 1943 – Le Marillais juillet 1943. Angers 1945: ils sont tous là – même Maurice

Après guerre, ils se sont tous mariés et les fratries de ma génération se sont constituées. Chacun mena sa vie et sa carrière, au gré des opportunités et de ses espoirs. Lucette l’ancienne militante de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne mit au monde trois enfants, Claudie en 1950, Jean-Philippe en 1953 et François en 1958.

Par la suite, il n’y eut guère d’événements rassembleur de la famille jusqu’au début des années 2000, sans que les uns ou les autres n’évoquent à un moment donné cette période de la guerre. Bien que douloureuse, cette période fut aussi celle de l’espoir et de la détermination à survivre. Parfois leurs souvenirs divergeaient sur des points de détail ou des dates, mais sans que l’affection mutuelle qu’ils se portaient ne soit remise en cause. Les amitiés et les amours de jeunesse ne s’oublient pas. Dans le cas de mes oncles et tantes et de mes parents, elles se cultivèrent jusqu’au terme de leurs existences.

Solidaires et soudés pendant la guerre et ils demeurèrent complices. Ils firent avec ceux de leur âge, la prospérité de la France au cours de ce qui fut appelé par la suite: « les Trente Glorieuses ». Lucette y prit sa part et c’est celle dont nous nous souviendrons.

Son histoire aujourd’hui s’achève. Elle n’est plus physiquement des nôtres. Forte d’une nombreuse descendance elle fut une mamie aimante que ses petits-enfants remercièrent en jetant des sucettes sur sa sépulture encore ouverte. Elle a fait son boulot! Bien, discrètement et honnêtement. Elle a aimé, elle a travaillé, elle a pleuré mais elle a aussi consolé, réconforté, tenu bon, fait sourire aussi !

Bref, c’est une femme de bien à laquelle nous songieons en ce jour de deuil! Qu’elle repose désormais en paix avec les siens.

Georges et Lucette à un mariage à Angers en 1963.

PS1 : Pour la période 1940, voir: – https://6bisruedemessine.wordpress.com/2013/03/28/de-fil-en-aiguille-vendeuse-en-mercerie-et-retoucheuse-chez-joudon-1940-1947/

PS2: Lucette vécut une grande partie de son enfance après le décès de son père, rue Chevreul. Or, Michel-Eugène Chevreul, qui était né en 1786 à Angers et mort en 1889 à Paris, était un grand chimiste français et comme peut-être elle aurait aimé être. Comme son père: un clin d’œil du destin!


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Au premier janvier, la tradition veut que l’on formule des vœux pour l’année nouvelle. Lesquels sont parfois assortis de bonnes résolutions qu’on oublie généralement dès le lendemain, sauf lorsqu’il s’agit de « bonnes intentions » assimilables à des pétitions de principes, répétées inlassablement chaque année et systématiquement reportées aux calendes grecques. C’est le cas en particulier des mesures à prendre pour « sauver une planète » qui d’ailleurs n’en demande pas tant! Mais c’est aussi le cas, à titre individuel, des fumeurs qui, pressentant que leur souffle leur échappe, annoncent leur décision d’arrêter de « cloper ».

Il est également d’usage que les responsables politiques, s’adressent solennellement à leurs concitoyens en s’efforçant de les convaincre non seulement de la justesse de leur gouvernance, mais aussi pour les informer que, grâce à leur dévouement à la chose publique, l’avenir est assuré. Non sans surprise, on apprend à cette occasion que la situation générale du pays, préoccupante hier, serait sur la voie du redressement et qu’en tout état de cause, telles de bonnes fées, nos élus veillent au grain pour garantir la sécurité et la paix!

Les vœux du Président de la République française diffusés rituellement sur tous les médias en France Métropolitaine et en Outremer à vingt heures précises le soir du réveillon, n’échappent pas à cette figure imposée. A quelques détails près, compte tenu du contexte géopolitique et des difficultés du moment, ils ne dérogent, d’une année sur l’autre, ni sur le fond, ni sur la forme aux exercices habituels.

Cette année, à l’exemple de tous ses prédécesseurs et dans la continuité de ses propres interventions, l’actuel locataire de l’Elysée, se montra plutôt satisfait de lui-même ainsi que de l’action de son gouvernement. Comme à l’accoutumée, il chercha à apparaitre comme le père de la Nation, plus protecteur et plus déterminé que jamais à préserver l’unité de ses ouailles et à maintenir l’ordre public républicain… Plus que jamais, il a estimé que son engagement sans faille à la cause nationale relayée par l’Europe, a permis de surmonter, bien mieux que partout ailleurs, les périls et les crises épidémiques, énergétiques, climatiques, qui menacent la cohésion nationale. Quel bol on a ce 31 décembre!

Comme à l’accoutumée aussi, les parlementaires de son camp politique ont applaudi sa prestation en soulignant au passage l’extrême lucidité et clairvoyance du chef de l’Etat, tandis que ses oppositions unanimes ont trouvé que ce discours était très insuffisant, qu’il n’offrait aucune perspective crédible et donc, qu’il n’était pas à la mesure des enjeux auxquels le pays était confronté. Les plus virulents allant même jusqu’à l’accuser de duplicité!

Donc acte. Une fois de plus on mesure qu’il n’est pas simple de contenter tout le monde et son frère, d’autant – comme le disait le regretté Pierre Dac (1893-1975) que « les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ».

Pour ma part, c’est le décor qui m’a surtout intéressé, considérant – sans doute à tort – que ce dernier en dit sûrement autant sur les intentions élyséennes que les propos antalgiques tenus, dont je ne doute pas qu’ils soient pétris de bienveillance à l’égard des citoyens.

Comme l’aurait dit jadis ma grand-mère, l’homme ne semble pas avoir la tête d’un mauvais « gâs »!

En revanche, à la différence par exemple d’un François Mitterrand qui aimait s’entourer des ors de la République et donner à ses prises de parole officielles une apparence monarchique – et ce, probablement pour ancrer son propos dans l’histoire millénaire et capétienne de la France – Emmanuel Macron, plus « techno » que le vieux routier de la quatrième République a préféré adopter un profil d’énarque, chef de bureau au ministère des finances. Outre les drapeaux de rigueur quelles que soient les époques, l’actuel président intervient devant des rayonnages blancs -style IKEA amélioré mais sobre – garnis de bouquins ordinaires, dont certains dans des collections de poche.

Le message est clair: il s’agit certainement de montrer que l’hôte de l’Elysée est sur son lieu de travail et que c’est un espace fonctionnel dépourvu de fioritures inutiles. Affairé au service de la République, comme tout à chacun en charge de responsabilités éminentes, il « bosse » encore à quelques heures du réveillon, alors que d’autres, au même moment, extraient les huitres de leurs bourriches.

Je suis bien sûr conscient qu’écrivant cela, on me reprochera d’user d’une sorte d’humour caustique ou de persiflage plutôt malvenus en ces circonstances. Et qu’on me demandera ce que seraient mes vœux « urbi et orbi » si j’étais président de la République. Je répondrais d’abord que, n’étant pas en situation, mais simplement citoyen et contribuable, il m’est difficile d’imaginer ce qu’il faudrait dire si j’étais en fonction sur un emploi que je n’ai pas sollicité.

Néanmoins, m’adressant à l’ensemble de la Nation, je veillerais à ne pas oublier qu’une partie seulement du corps électoral m’a élu, par défaut, pour éviter le pire.

Je devrais me souvenir alors qu’une minorité a adhéré à mon programme électoral. Que celui-ci n’a donc pas été formellement adopté par la Nation, mais simplement entériné de manière quasi procédurale dans le sillage d’une élection présidentielle où l’enjeu principal était d’éviter l’accès des extrêmes au pouvoir. Je m’efforcerais en outre d’intégrer l’idée que ma réélection n’a pas débouché sur une majorité parlementaire cohérente en ma faveur.

Enfin s’agissant de vœux destinés par hypothèse à dessiner un avenir possible et surtout souhaitable, au-delà de toute considération politicienne conjoncturelle ou de gestion administrative et comptable, je chercherais à leur donner un peu de souffle et de perspective. Et c’est d’ailleurs dans cet esprit que le seul vœu que je formulerais à titre d’orientation prioritaire, serait la restauration, partout dans le monde, des Droits de l’Homme. A cet effet, je m’engagerais explicitement à promouvoir, par mes propos et par mes actes, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948. Et ce, lors de toutes les conférences internationales auxquelles je participerais es qualité.

La France pionnière en la matière depuis la Révolution Française (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789) ainsi que par son rôle d’initiatrice importante, après guerre, de la Déclaration universelle de l’ONU a, en effet, le devoir moral de rappeler sans relâche au monde l’ensemble des droits fondamentaux dont doivent jouir à égalité les femmes et les hommes.

Parmi lesquels, l’égalité des sexes, si malmenée dans certains Etats confessionnels, la liberté d’opinion, celle aussi d’une presse indépendante des pouvoirs en place, le respect de la démocratie, la liberté de croire ou de ne pas croire, le droit à l’éducation et celui de bénéficier d’une protection sociale et sanitaire digne et ouverte à tous, etc.

Le Président de la République française serait parfaitement légitime, à l’occasion de ses vœux à la Nation, pour rappeler l’urgence de mettre en application l’ensemble de ces droits fondamentaux en soulignant que le principal facteur de troubles, de désordres de tous ordres, notamment des guerres qui endeuillent le monde, est précisément imputable à leur transgression systématique.

Nombre d’Etats membres de l’ONU doivent à cet égard être dénoncés sans concession, qui bafouent cyniquement les droits humains ou les instrumentalisent en les détournant abusivement de leur objet. Parmi ces Etats voyous, on compte de nos jours, la Russie de Poutine agresseur de l’Ukraine en violation du droit international, la Chine dictatoriale de Xi Jinping, qui se livre au génocide de certaines minorités ethniques ou religieuses, et des théocraties comme l’Iran, l’Arabie Saoudite ou pire encore l’Afghanistan où les talibans, authentiques fous furieux et criminels au pouvoir, dénient pratiquement tout droit aux femmes en s’appuyant sur la passivité internationale..

Puisse 2023, inverser ces tendances mortifères et indignes de la famille humaine! C’est en tout cas, une des missions historiques du « patron » que de tenter d’y contribuer.

Bonne année 2023

Que cette année à haut risque, soit, malgré et en dépit de tout, douce, paisible et légère à tous, aux grands comme aux petits, aux pauvres comme aux riches. Et qu’elle soit ponctuée de multiples petits ou grands bonheurs à consommer sans modération même en période de sobriété imposée.

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 » Qu’y a-t-il au nord du pôle Nord » La question peut en effet se poser surtout en cette période de fêtes de fin d’année. Ne dit-on pas que la résidence du Père Noël se situe précisément au pôle Nord? Cette question n’est donc pas a priori absurde mais elle suppose quand même de revoir la définition du pôle Nord, situé à l’intersection de l’axe de rotation de la Terre avec la surface de l’hémisphère nord. Tous les méridiens y convergent. Par conception, ce lieu est par conséquent le plus septentrional de la Terre et ne peut en principe avoir un concurrent plus au nord. Sauf évidemment si l’on élargit la sphère terrestre de référence à l’espace galactique en déportant par exemple le zéro degré de latitude nord au niveau de l’étoile polaire qui deviendrait alors un nouveau pôle « Nord ».

Cette mutation pourrait s’imaginer dans la mesure où l’étoile polaire se trouve à peu près sur l’axe de rotation de la terre et qu’elle appartient à la constellation de la Petite Ourse. Ca tomberait presque bien au moment où le Père Noël dépose des milliers d’ours en peluche dans les chaussons des petits enfants !

L’inconvénient de cette option, c’est que la latitude qui, associée à la longitude, est une coordonnée géographique permettant de se repérer sur terre. Elle perdrait beaucoup de son intérêt et même de sa raison d’être si on l’étendait à l’espace céleste. Par ailleurs, la question initiale qui était de savoir ce qu’il y a au nord du pôle nord demeurerait aussi prégnante. Sauf évidemment à « inventer » deux pôles Nord, l’un terrestre et l’autre céleste!

Dans ces conditions l’étoile polaire se retrouverait effectivement au nord du pôle nord terrestre. En revanche, pour le père Noël censé ne distribuer de jouets que sur le plancher des vaches, il ne serait jamais au nord du pôle nord, sauf à l’instant furtif du décollage de son traineau! A peine aurait-il pris son envol qu’il serait déjà au sud! Rotondité de la terre oblige!

Il résulte de ce qui précède qu’il vaut mieux admettre qu’ en l’état actuel de notre représentation géographique du monde, la question du nord du pôle nord est sans objet!

Dans ces conditions, cette question qui flirte avec le non-sens ou l’absurde, mérite t’elle d’être posée? La réponse est positive. Et ce, en vertu du principe qui postule « qu’un train peut toujours en cacher un autre », autrement dit, qu’une interrogation même contre-intuitive ou décalée peut être cohérente dans un autre référentiel de pensée.

Nombreuses en effet sont ces interrogations qui ne trouvent pas de réponse immédiate ou semblent dépourvues de sens. Soit parce que leur formulation défie la logique formelle du moment, soit parce qu’elles ouvrent la voie aux délires les plus fantasmagoriques et aux aventures intellectuelles, voire idéologiques ou métaphysiques les plus hasardeuses. Pour autant, aussi incongrues et insolubles soient elles, elles recèlent presque toujours une part de vérité cachée propre à favoriser l’évolution des connaissances.

Certaines concernent des notions qui nous sont familières, comme, par exemple, le « temps qui passe » !

Chaque jour, on en mesure les effets, y compris ceux destructeurs qui nous accablent. Au cours des âges, on n’a d’ailleurs cessé de multiplier les observations astronomiques qui, attestant du passage régulier des planètes dans le ciel nocturne, portent témoignage de l’écoulement du temps. On a aussi inventé des instruments de plus en plus performants pour piéger le temps, depuis les clepsydres ou sabliers d’antan jusqu’aux modernes horloges atomiques ou autres montres connectées. Et ainsi on s’est donné l’illusion d’en être maitre, jusqu’au jour où, face à son miroir, on a pris conscience comme Jacques Brel qu’on était devenu « un soir d’été » sans jamais l’avoir domestiqué. Le résultat, c’est qu’en dépit de tous ces déploiements technologiques et d’intelligence, on ignore toujours presque tout de la quintessence du temps.

Légions sont pourtant ceux, scientifiques, philosophes, poètes ou écrivains qui, au cours des siècles, se sont attelés à la résolution de cette énigme sur la nature du temps. En vain! A sa manière, Marcel Proust (1871-1922) dont on vient de commémorer le centenaire de la disparition, y a consacré l’essentiel de son œuvre dans sa « Recherche du temps perdu ». Sans succès sur l’essentiel, il a néanmoins produit un des plus beaux joyaux de la littérature française.

Le penseur et théologien chrétien Augustin d’Hippone (354-430) – Saint Augustin pour les dévots – a donné, lui aussi, une éblouissante définition du temps qui conserve toute sa force plus d’un millénaire et demi plus tard. Sa thèse était que le temps est un concept éphémère et immatériel qui ne s’incarne qu’au présent et qui n’existe que dans la conscience de l’homme. De la sorte, il reformulait brillamment une préoccupation qui concerne tout être humain mais sans évidemment aboutir à l’essence même du temps. Ainsi dans le Livre XI de ses Confessions, il écrit:

 » Qu’est-ce donc que le temps ?

Si personne ne me le demande, je le sais. Si on me le demande et que je veux l’expliquer, je ne sais plus. Pourtant, je suis sûr de savoir que si rien ne passait, il n’y aurait pas de temps passé, et que si rien n’advenait, il n’y aurait pas de temps futur et que si rien n’était, il n’y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et futur, comment sont-ils puisque le passé n’est plus et que le futur n’est pas encore ?

Et le présent, s’il était toujours présent, s’il ne passait pas dans le passé, il ne serait plus un temps mais l’éternité. Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu’en passant au passé, comment dire qu’il est, puisqu’il est de n’être plus? Nous ne pouvons dire vraiment que le temps est parce qu’il tend à ne pas être...

Enfin, si le futur et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. »

Albert Einstein (1879-1955) s’est, lui aussi, intéressé à l’histoire du temps, mais à la différence de tous ses prédécesseurs, il l’a abordé en l’intégrant dans une relation complexe avec l’espace! Et par là, il remit en cause ce qui semblait auparavant relever d’une évidence, à savoir le caractère absolu et autonome du temps, qu’Isaac Newton (1642-1727) avait posé d’emblée dans sa théorie de la gravitation universelle. Il fallait oser car contredire ce que chacun croit observer quotidiennement depuis toujours, est une gageure! D’autant plus que dans la foulée, le jeune savant qu’il était à l’époque, refusait l’existence de la simultanéité de deux événements distants.

Ces révolutions conceptuelles constituèrent d’ailleurs le sujet central de « la relativité restreinte » puis de « la relativité générale » rendues publiques en 1905 et en 1915. Ces deux théories, monuments inégalés de la physique fondamentale du siècle dernier, ont totalement bouleversé les notions d’espace et de temps, en reformulant la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton, qui pourtant expliquait, à deux ou trois détails près, le cycle des planètes du système solaire.

Mais pour Einstein, qui en 1902 était employé du bureau des brevets de Berne en Suisse, aucune question n’était tabou, dès lors qu’elle était susceptible d’apporter une pièce supplémentaire au puzzle de compréhension d’un monde manifestement imaginé par la Nature pour défier notre intelligence. Aucune interrogation n’était tabou, y compris lorsqu’elle égratignait les plus grands scientifiques d’antan et conduisait de facto à bousculer des édifices théoriques ayant de longue date, montré leur efficience. Pour lui en outre, aucune théorie n’était dépositaire d’une vérité absolue et intangible.

Ainsi, selon la relativité générale d’Einstein, l’attraction entre des objets massifs, imputée par Newton à une étrange force de gravitation, ne serait due qu’à une déformation par ces masses, de l’espace et du temps devenus indissociables. Un peu à la manière dont une boule de pétanque posée sur un drap tendu creuse cet espace bidimensionnel et attire les petites billes présentes à la surface du tissu! Il s’agissait là d’une approche totalement inédite du fait de sa nature géométrique qui infirmait et rendait caduque celle de Newton. Avec insolence, Einstein s’engouffrait dans le vide ontologique et probablement « délibéré » laissé par Newton qui, en panne d’explication deux siècles auparavant, reconnaissait ignorer la nature de cette « force » à l’origine du mouvement des planètes.

Cependant si les théories de la relativité d’Einstein ont montré leur justesse et leur capacité prédictive dans de multiples occasions, elles n’ont pas pour autant élucidé le mystère du temps, auquel il convient désormais d’ajouter celui de l’espace. Et elles n’expliquent pas non plus notre perception sélective du temps et de l’espace, qui permet dans un cas, celui de l’espace tridimensionnel, d’effectuer des allers et des retours, et l’interdit dans l’autre, temporel, où l’on doit s’accommoder (à notre grand dam) d’un parcours dans un seul et même sens, qu’on appelle le vieillissement!

Parmi les autres énigmes non résolues figure celle de l’infinitude de l’univers, de son commencement et de ce qui le précédait. Si la théorie du Big Bang décrit à peu près bien la genèse des galaxies, des étoiles et la formation des atomes, depuis les premiers milliardièmes de seconde après l’hypothétique instant « zéro » jusqu’à maintenant, près de quatorze milliards d’années plus tard, cet instant « zéro » lui-même n’est en fait qu’une singularité mathématique inexplicable, résultant des équations d’Einstein extrapolées à l’origine. Le mystère subsiste également de la formidable force d’expansion – inflation en termes savants – qui s’ensuivit, et de son accélération « actuelle » attribuée à une « énergie et à une matière noires » prédominantes dans l’Univers, mais dont la nature demeure inconnue.

Aussi importantes soient elles, ces énigmes sont loin d’être les seuls problèmes en suspens, que la science s’efforce de résoudre pour satisfaire son ambition de débusquer les lois de la Nature et décrire « le réel ». Beaucoup d’autres sont irrésolues. Certaines d’entre elles faisant même parfois douter de la « réalité du réel » ou de « la nature intrinsèque » du monde.

A cet égard, la physique quantique, celle de l’infiniment petit qui fut conceptualisée et interprétée au cours du premier quart du siècle dernier, est également une théorie déroutante. Elle avance, entre autres l’idée déconcertante que toute matière est « duale », et qu’en fonction des circonstances et des observateurs, elle peut s’incarner soit dans une onde, c’est-à-dire dans une vibration immatérielle, soit dans un corpuscule matériel. Disons pour simplifier que tout pourrait être à la fois quelque chose ou rien!

L’étrangeté de cette affirmation relative au caractère intrinsèque de la matière est amplifiée par une autre propriété tout aussi paradoxale, « l’intrication quantique ». Selon cette dernière, deux particules ayant initialement la même histoire, en raison par exemple de leur apparition au sein d’un même atome », sont indissolublement liées par la suite, quelle que soit la distance qui les sépare. Cette caractéristique déstabilisante a été vérifiée expérimentalement par un physicien français Alain Aspect dans les années quatre-vingt du siècle dernier. Et pour ce motif, il s’est vu décerner le prix Nobel de Physique en 2022.

L’univers du vivant n’a pas échappé aux révolutions conceptuelles prenant à contre-pied les idées couramment admises. C’est le cas de la théorie de l’évolution des espèces énoncée par Charles Darwin (1809-1882) qui contredit le discours biblique de la genèse. La controverse qui s’ensuivit se poursuit d’ailleurs aujourd’hui dans les cercles obscurantistes de toutes obédiences religieuses qui se cramponnent à la lettre de textes prétendument sacrés.

Louis Pasteur (1822-1895) dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle dut s’affronter – avec talent et persévérance – à l’idée reçue de son époque selon laquelle les microorganismes apparaissaient par génération spontanée…Par son travail, il contribua aux progrès significatifs accomplis après lui en matière de biologie moléculaire et même indirectement à la découverte de l’ADN au début des années cinquante qui renouvela la génétique.

On pourrait multiplier les exemples de théories fécondes reflétant une réelle évolution des connaissances et une meilleure compréhension du monde, qui durent surmonter en leur temps les fausses évidences revendiquées parfois avec violence par leurs contemporains. Mais la tâche est immense du chemin qui reste à parcourir. C’est d’ailleurs l’honneur de la science de considérer que ses acquis ne sont que des étapes de la connaissance. Et ce, en dépit de progrès indiscutables à l’origine d’avancées technologiques ou médicales, dont nous bénéficions.

Au titre des questions fondamentales encore à explorer, liées à la logique du vivant, figure notamment la recherche d’une plus grande cohérence entre la biologie et la physique contemporaine, en particulier avec celle de la matière dans ses retranchements ultimes.

Au-delà des discours écologistes militants et simplistes voire catastrophistes, qu’il convient de nos jours d’adopter sans discuter pour exister socialement, professionnellement et politiquement, figure l’influence effective de la modification multiséculaire des écosystèmes sur les espèces vivantes, quelle que soit au demeurant leur situation dans l’enchainement des espèces. S’il est probable que la prolifération épidémique actuelle, non exceptionnelle au regard de l’histoire de la terre, soit due à de nouvelles souches bactériennes, virales ou bacillaires en partie attribuables aux bouleversements de tous ordres de notre environnement, aux changements climatiques ainsi qu’à nos modes vie et à notre démographie, on peut néanmoins s’interroger sur les injonctions anthropocentristes et contradictoires qu’on nous assène en permanence, aux termes desquelles, par exemple, la préservation de la biodiversité, présentée comme la priorité des priorités, ne concernerait que les espèces vivantes qui nous sont les plus proches ou décrétées favorables et non celles microscopiques qualifiées de parasitaires ou nuisibles.

Quelles que soient les disciplines, la science n’est donc pas dépourvue de sujets d’intérêts à explorer. Et il ne s’agit pas seulement de préciser certains détails pour compléter des édifices théoriques en grande partie finalisés.

S’il fallait conclure en fin de cette année 2022 plutôt morose qui a vu converger des crises, sanitaires, climatiques, guerrières et surtout politiques et morales préfigurant peut-être notre déclin, ce serait d’espérer qu’à l’avenir, la confiance dans le progrès et la science, actuellement fortement ébranlée, soit impérativement restaurée. Mais dans un progrès qui n’est envisageable que s’il se nourrit des espaces d’incertitude parsemant le champ des savoirs. Et à la condition surtout que le doute méthodique, principal moteur de toute pensée et création libres, parvienne à échapper à l’accusation suprême de « scepticisme subversif » et ne sombre dans une sorte d’hypocrisie mercantile, intolérante et agressive.

Malheureusement, c’est dans ces « terra incognita » terreaux privilégié des angoisses humaines que se sont engouffrés tous les charlatanismes religieux et tyrannies qui gangrènent aujourd’hui la planète. Les uns comme les autres remâchent sans cesse des « vérités révélées » , vieilles antiennes perpétuellement recyclées, qui n’ont d’autre finalité, depuis la nuit des temps, que d’oppresser leurs semblables en abusant cyniquement de leur crédulité et de leur ingénuité!

Niant la complexité, ces escrocs de la pensée ont inventé des dieux fourre-tout, comme Jésus, Yahvé, Jéhovah ou Allah pour culpabiliser toute tentative de compréhension rationnelle de la nature qui exclurait leurs dogmes. En abolissant toute forme d’esprit critique et en criminalisant le doute, ces bandits parfois génocidaires ont inventé l’esclavage et la servitude.

De longue date, ils ont progressivement imposé leurs doctrines ainsi que des comportements identitaires voire vestimentaires ou alimentaires absurdes, et des rites aussi ridicules que liberticides et cruels, relayés aujourd’hui par des idéologies perverses et anachroniques incarnées par des dictatures théocratiques et/ou criminelles. On peut citer à cet égard la République Islamique iranienne qui n’hésite pas, au nom d’Allah, à tuer sa propre jeunesse, ou encore l’Afghanistan où sévissent des talibans, fanatisés, qui ont sadiquement transformé leurs femmes au visage confisqué en cibles favorites de leurs kalachnikovs confondues pour la circonstance à leur pénis!

On peut aussi mentionner dans cette internationale de l’horreur en pleine et douloureuse croissance, le criminel russe Poutine qui massacre le peuple ukrainien par nostalgie de l’Union Soviétique et de ses méthodes inhumaines de répression sauvage.

Pour 2023, s’il fallait former un vœu universel de bonheur, un appel désespéré face aux obscurantistes de tous poils, me vient à l’esprit cette chanson d’Anne Sylvestre (1934-2020). Comme un chant de révolte contre la bêtise assassine.

« J’aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J’aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer

J’aime les gens qui tremblent
Que parfois ils ne semblent
Capables de juger
J’aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté

J’aime leur petite chanson
Même s’ils passent pour des cons »

« ….. »

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A l’approche de la Toussaint, la tradition voulait jadis qu’on fleurisse les tombes de nos proches disparus, ceux qu’on avait aimés et qui ne sont plus. Ce rituel demeure en partie de nos jours, du moins par la pensée et presque exclusivement dans la tête des anciennes générations aujourd’hui de plus en plus clairsemées, c’est-à-dire de celles nées juste avant-guerre ou juste après lors du baby-boom inaugurant les Trente Glorieuses.

Les générations précédentes décimées ne sont presque plus partie prenante et les nouvelles qualifient plus volontiers cette période de l’année de « vacances d’automne », sans référence particulière au souvenir des trépassés.

L’éloignement des familles de leurs provinces d’origine est en grande partie la cause de cette désaffection. Mais pas seulement, l’atomisation géographique est également responsable ainsi qu’une sorte d’amnésie collective doublée d’un certain désintérêt des générations montantes pour tout ce qui concerne l’Histoire. A leur décharge, elle est généralement mal enseignée à l’école, voire ignorée dans le flux envahissant des mondes virtuels et constant par écrans interposés.

En tout état de cause, le culte des ancêtres n’a plus guère la côte. Il n’est plus de mise. Et ce paradoxalement, alors que les allées des centres commerciaux des grandes métropoles et de leurs banlieues fourmillent de jeunes gens et de jeunes femmes, qui promeuvent ostensiblement des idéologies moyenâgeuses et déambulent en s’affublant d’accoutrements religieux archaïques et incommodes.

La « fête » de la Toussaint n’est donc plus regardée par la majorité de nos concitoyens comme celle du souvenir de nos aïeux ou comme une occasion de s’accorder un temps de recul, de pause et de réflexion en leur compagnie pour évaluer les bouleversements du monde. Cette coutume se perd et sa perpétuation ne motive plus guère que les fleuristes ou les jardineries.

Lorsqu’on se situe plutôt – à l’exemple du rédacteur de ces lignes – dans le dernier quart de son existence, l’abandon de ces rites religieux ou païens – qu’on n’appellera surtout pas identitaires pour s’éviter les foudres des forcenés du multiculturalisme – chagrine et on est en droit, à divers titres, de cultiver une certaine nostalgie d’un passé révolu.

Lorsque par ailleurs, on appartient de fait, à cette frange de la population qui regarde les cimetières comme des lieux de future résidence, visités comme des appartements témoins, la Toussaint fournit une bonne occasion de s’enquérir du voisinage pour l’éternité. En tout cas, celui de la famille, des amis ou des collègues de travail, bref de tous ceux qui, à un moment ou à un autre de notre existence nous ont tenu la main, nous ont guidés ou parfois chaperonnés.

Tous ceux qui reposent en ces lieux de silence, désormais éloignés du mouvement vibrionnant de l’oppressante actualité, ne sont pas tous nos amis, mais tous semblent « cohabiter » dans une apparente sérénité. La Camarde ne fait pas dans la dentelle en matière d’égalité. Tous passent, un jour ou l’autre, par sa faux et il n’est pas indifférent de se le rappeler.

Du temps de ma jeunesse au siècle dernier, la plante privilégiée pour incarner la Toussaint ou le « Jour des Morts » qui lui succède, c’était le chrysanthème à grosse tête mordorée, symbolisant l’automne dans ces lieux du souvenir.

Accompagnant ma grand-mère maternelle qui ne fleurissait qu’une seule tombe du cimetière de l’Est à Angers, celle de son mari et de sa mère, la sienne aujourd’hui depuis 1973, je me souviens qu’elle ne déposait qu’un seul pot et c’était, conformément aux us de l’époque, un pot de chrysanthèmes.

Dans la jardinière en avant de la pierre tombale, elle plantait en outre de petites « pensées sauvages violettes et bleutées au cœur jaune ».

Venus à pied du quartier périphérique de la Madeleine, via le chemin des Noyers jusqu’à la ligne de chemin de fer surplombant la nécropole, elle achetait son pot de chrysanthèmes à l’un des nombreux pépiniéristes ou horticulteurs angevins, qui les jours de Toussaint disposaient leurs étals à l’entrée du cimetière.

Après avoir placé les fleurs, s’être recueilli quelques instants et récité – surtout elle – la petite prière de rigueur, nous flânions dans les allées arborées, nous attardant ici ou là, sur les nombreuses sépultures de la famille ainsi que sur certains tombeaux remarquables comme celui de la famille Lafourcade qui l’avait employée comme cuisinière après la première guerre mondiale. ou encore la chapelle emblématique de la famille Cointreau et beaucoup d’autres. Sans compter une halte obligée devant la colonne commémorative de l’effondrement du Pont de la Basse-Chaine qui provoqua la mort le 16 avril 1850, plus de deux cents soldats qui marchaient au pas.

Au cours de ce cheminement spatio-temporel, elle n’était pas avare de commentaires sur les vivants et sur les morts, comme si tous appartenaient toujours à la même communauté et qu’un dialogue contradictoire pouvait s’ébaucher entre eux et nous.

Aujourd’hui « le temps des chrysanthèmes » tel qu’il se déroulait alors, n’est plus vraiment d’actualité. Il devenu celui d’Halloween d’origine anglo-saxonne, une fête au cours de laquelle les enfants se déguisent en fantômes, en sorciers ou en vampires en quête de bonbons récoltés en faisant du porte-à-porte dans les quartiers résidentiels.

La Toussaint n’est donc plus qu’un support à réveiller la mélancolie dans l’esprit des troisième et quatrième âges.

Même les chrysanthèmes ont été transformés, à force d’hybridations répétées. Désormais plus attrayants, plus colorés, plus chatoyants, plus petits et en un mot, plus « divers », ils demeurent, malgré tout, des fleurs. Mais des fleurs qui peinent à faire oublier les chrysanthèmes d’antan. Elles réussissent surtout à rendre invisible la Toussaint sur le calendrier.

En ce sens, ces fleurs qui effacent le passé par suite de transformations et de travestissements multiples sont un peu à l’image d’une certaine modernité, qui fait progressivement disparaitre, tout en les invoquant en permanence, des valeurs et des principes que nous ont enseignés nos maitres et qui jusqu’à ces dernières années, ont servi de matériau structurant et de référence à nos sociétés et à leur cohésion.

Ainsi en est-il de tant de mots détournés de leur sens comme la laïcité, la propriété, la sécurité et l’ordre publics et même le concept de République associé aux notions de droits et de devoirs. Sans oublier les belles notions de respect, de tolérance et de citoyenneté citées à tout bout de champ et à contresens pour justifier des actes qui précisément n’en relèvent pas.

Ces dérives mortifères qui ouvrent la porte au désengagement citoyen, à l’individualisme, à la violence obscurantiste, à la loi de la jungle ainsi qu’à la sauvagerie ou à la barbarie, remettent en cause les fondements même de toute civilisation, et en particulier de la nôtre héritée de l’esprit des Lumières et de la Raison.

Décidément, il est temps d’appeler un chat un chat et d’affirmer sans honte de passer pour un vieillards acariâtre, que les ersatz multicolores des chrysanthèmes qu’on cherche à nous vendre avec les masques de sorcières, ne sont pas des chrysanthèmes.

C’est une exigence de clarté et probablement une condition de notre survie collective.

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A l’approche d’un hiver qu’on n’espère pas trop rigoureux grâce au réchauffement climatique mais dont on redoute malgré tout la rigueur, les pouvoirs publics ne se contentent plus d’administrer le pays et de légiférer, ils nous font la morale, au cas où il nous viendrait à l’idée – idée saugrenue – de nous chauffer déraisonnablement, c’est-à-dire au-delà de 19°C à l’électricité.

C’est ainsi que la « sobriété énergétique » est devenue le nouveau mot d’ordre gouvernemental. Notre graal désormais c’est la « tempérance » électrique. La tempérance et la repentance généralisées figurent d’ailleurs au premier rang de nos obligations morales en guise de pénitence pour tous les péchés d’insouciance coupable commis dans le passé par nos pères contre le climat et contre les ressources de notre planète. Un « plan » spécifique de réduction de nos consommations d’énergie » a été concocté à cet effet. Et, on serait bien avisé de le respecter, sauf à être taxé – c’est bien le mot – de mauvais citoyens, voire de traitres de  » la cinquième colonne  » qui sapent les efforts de tous. On nous convie donc en cet automne pluvieux et de manière insistante à la « bataille de Valmy » de l’électricité.

Faute de quoi, le risque serait de subir des « pannes de courant » au cours de l’hiver. Et le gestionnaire de distribution d’électricité qui nous a imposé (pour notre bien comme d’habitude) un compteur connecté (Linky) vérifiera notre respect scrupuleux des lessives la nuit et le fonctionnement fortement conseillé de nos rôtissoires après vingt-deux heures. Sinon il pourrait interrompre d’autorité notre approvisionnement pendant une durée laissée à son initiative.

Autrement dit, on ne nous considère plus « en haut lieu » comme des citoyens responsables mais comme des variables d’ajustement du réseau de distribution. On demeure juste « client » lorsqu’il s’agit d’honorer les factures dont on nous annonce qu’elles vont croitre significativement mais pas trop, nous assure-t-on, grâce au « bouclier tarifaire » du gouvernement.

Un gouvernement qui ne cesse par ailleurs de s’autocongratuler pour son sens de l’anticipation en rendant, selon lui, supportable un coût croissant de l’électricité fixé en application de règles devenues aberrantes du marché européen de l’énergie. Pour autant, ledit gouvernement se contente de susurrer sa demande auprès de la Commission européenne de modification de ces règles aujourd’hui inadaptées.

En attendant, on est tous invités à se satisfaire de la situation, parce que ça aurait pu être pire sans la lucidité de ceux qui nous gouvernent !  

On a, cependant, quelques bonnes raisons d’être inquiets, lorsque qu’on observe rétroactivement que leur clairvoyance revendiquée, a été de nombreuses fois prise en défaut, et que leurs grandes envolées stratégiques sur notre avenir énergétique ont surtout été dictées par de l’opportunisme et du clientélisme électoraux, par de l’incompétence aussi et plus grave encore, par de la lâcheté. Sans oublier une pratique outrancière de l’euphémisme qui consiste à proclamer que tout va presque bien quand tout va presque mal. La crise actuelle de l’approvisionnement des stations-services en carburant est à cet égard symptomatique de ce travers de gouvernance. Prétendre qu’il n’y a pas de pénurie d’essence alors qu’il suffit de sortir de chez soi pour se rendre compte que c’est faux, est en effet tout simplement ridicule.

En ce qui concerne l’électricité, force est de constater que la France qui, il y a quelques années, était souveraine et même exportatrice grâce à ses centrales nucléaires, est désormais contrainte, pour éviter la disette, d’acheter de l’électricité à l’Allemagne. Laquelle est produite, ironie du sort, à partir de centrales à charbon, dispendieuses en émissions de gaz à effet de serre, que précisément l’on cherche drastiquement à réduire pour « sauver la planète » ! Il y a évidemment là une contradiction propre à rendre schizophrène, un major de l’Ecole Nationale d’Administration ou de Polytechnique, pourtant accoutumés à naviguer dans les eaux troubles des univers aux dimensions paradoxales!  

Comment en est-on arrivé là ?

Telle est la question qu’il est légitime de se poser, alors qu’après le premier choc pétrolier de 1973, la France s’était dotée d’un ambitieux programme de construction de centrales nucléaires productrices d’électricité, propre à satisfaire ses besoins énergétiques électriques à hauteur d’environ 75% à 80%!  

A l’époque, ceux qui étaient au pouvoir avaient fait le choix judicieux – sans trop s’embarrasser, il est vrai, de procédures démocratiques – d’abandonner la filière nucléaire  » graphite-gaz » qui avait fait les beaux jours du CEA après la seconde guerre mondiale, et de décider de la construction de réacteurs nucléaires de puissance, refroidis à l’eau sous pression, destinés à la production d’électricité. Leur nombre et leur dimensionnement ainsi que leur puissance étaient variables selon les sites et selon la capacité de prélèvements d’eau et de rejets d’effluents dans le milieu environnant.

C’est ainsi qu’entre 1977 et 1997, la France s’est dotée de cinquante-huit réacteurs – respectivement de 900, 1300 et 1450 MWe – répartis sur dix-neuf sites sur la base d’une licence américaine Westinghouse.

Ces « installations nucléaires de base » productrices d’électricité firent pendant longtemps la fierté du pays, d’autant qu’aucun accident ou incident vraiment significatifs ne mit en péril à un quelconque moment, la sécurité globale du pays, ni d’ailleurs celle des travailleurs intervenant dans ces centrales et encore moins la santé des populations alentour. Et ce, en dépit des contestations antinucléaires naissantes.

Les quelques dysfonctionnements ou incidents déplorés ne dérogeaient pas, en nombre ou en gravité, aux événements que connait toute entreprise industrielle soumise à des risques potentiellement majeurs. La radioactivité détectable dans l’environnement en France, qu’évaluaient en permanence les organismes de surveillance et de contrôle, était pour l’essentiel imputable à la radioactivité naturelle des roches contenant de l’uranium à l’état natif, et à la radioactivité artificielle due aux retombées des essais nucléaires militaires pratiqués par les américains et les russes dans l’hémisphère nord au cours de années soixante.

Ponctuellement, d’anciens sites industriels datant du début du siècle dernier, impliqués dans le raffinage et le conditionnement du radium présentaient des pollutions radioactives persistantes et parfois pénalisantes en résidus radifères, mais sans rapport avec l’exploitation des centrales nucléaires.

Il n’est pas exagéré de prétendre que le nucléaire industriel producteur d’électricité faisait alors globalement consensus, y compris en tenant compte des questions non complètement résolues comme celle des déchets de fission ou d’activation liés à la réaction nucléaire. Néanmoins, les risques induits par les rayonnements ionisants et la radioactivité n’étaient nullement ignorés ou sous-estimés. Mais à cette époque, on considérait que les agents physiques et chimiques nocifs n’étaient dangereux qu’à hauteur des doses accumulées lors des expositions. Par conséquent à très faible exposition, le risque encouru – déterministe ou stochastique – était admis comme « acceptable », dès lors qu’il n’entrainait pas « collectivement » de dommage excédant celui, domestique, que chacun tolère dans sa vie quotidienne. Les limites réglementaires étant fixées sur la base de ces considérations.

Ce paradigme du risque « socialement acceptable » a prévalu pendant plus d’un siècle pour tous les produits ou agents dangereux. Il prévaut encore pour la plupart d’entre eux – dont les rayonnements – dans une formulation équivalente, mais plus cosmétique. Plutôt que de définir les « seuils de l’acceptable » on préfère parler des limites de « l’inacceptable ».

Moyennant quoi, l’industrie nucléaire civile, héritée dans son principe du Général de Gaulle fondateur du CEA à la Libération, apparaissait comme un secteur beaucoup moins dangereux pour la santé et beaucoup moins polluant pour l’environnement que les industries traditionnelles dépendant des ressources fossiles ( charbon, pétrole).

A la condition évidemment que les règles de sécurité, de sûreté et de radioprotection soient rigoureusement appliquées. Et globalement, elles le furent, même si, comme dans toute activité industrielle, plusieurs accidents survinrent ayant entrainé des irradiations ou des contaminations humaines excessives et fautives!

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl des 25 et 26 avril 1986 a profondément modifié cette perception, en accréditant l’idée que les stigmates sanitaires et environnementaux d’un accident nucléaire civil pouvaient se manifester indéfiniment et concerner la totalité des territoires d’un continent.

L’apocalypse nucléaire qu’on pensait jusqu’alors « réservée » aux bombes « atomiques » comme à Hiroshima ou Nagasaki en 1945 semblait pouvoir se produire accidentellement dans des centrales civiles productrices d’électricité.

De là, sont nés les débuts militants d’une contestation organisée et parfois radicale de l’industrie nucléaire! Originellement soutenue par le mouvement associatif, elle a progressivement développé une expression politique radicale. Laquelle, au nom des menaces redoutées, a fini par instiller l’idée que le nucléaire était par nature mortifère pour toutes les espèces vivantes, quelles que soient les circonstances et quelles que soient les modalités de son exploitation, et qu’il ne pouvait y avoir de parade efficace pour se prémunir totalement des effets délétères de la radioactivité, à court, à moyen et surtout à très long terme.

Dans ces conditions, une partie de l’opinion publique – malgré tout minoritaire – alertée de manière incessante sur les risques et les méfaits de la radioactivité, s’est rangée à l’idée que la seule solution raisonnable était de « sortir du nucléaire »… Sans d’ailleurs prendre conscience que « la radioactivité naturelle » était présente depuis toujours et qu’à divers titre, elle avait joué un rôle important dans le développement de notre biosphère et accessoirement de notre propres espèce.

Ce point de vue abolitionniste influa sur tous les gouvernements en place, indépendamment de leurs options politiques partisanes,. Sans remettre en cause officiellement le programme nucléaire de 1974, il n’osèrent plus guère concevoir de projets ambitieux sur l’avenir de ce secteur industriel, de peur de mécontenter un électorat inquiet et sensible aux arguments dramaturgiques des mouvements militants se réclamant de l’écologie politique. Il est singulier d’observer que pratiquement aucun financement ne fut dès lors alloué, pour des recherches de filières nucléaires innovantes et plus sécures, reposant sur le principe de la fission.

A l’inverse, le 19 juin 1997, Lionel Jospin, Premier ministre de la République française annonce que l’installation « Superphénix » sera abandonnée, à la fin de l’année 1998.

Cette décision d’arrêt du premier prototype d’un réacteur de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidi au sodium, a été jugée par l’ensemble des experts, non seulement comme techniquement infondée, mais encore comme aberrante. En outre, elle réduisait à néant un investissement de recherches nucléaires et technologiques de plusieurs centaines de millions d’euros (actuels) conduites depuis plus de dix ans par des dizaines d’équipes de chercheurs.

La motivation de cette décision n’était donc que politique. Plus précisément idéologique. Elle visait simplement à consolider la majorité parlementaire de la gauche plurielle et à honorer une promesse faite aux écologistes antinucléaires qui « voulaient la peau » de la centrale de Creys-Malville. Sa destruction faisait suite à de multiples manifestations et était une condition de la participation des écologistes au gouvernement de cohabitation issu des élections législatives du printemps 1997.

Ce fut évidemment une erreur stratégique grave pour l’avenir du nucléaire car Superphénix aurait développé à terme une puissance comparable à celle d’une tranche nucléaire classique en présentant surtout l’avantage de « brûler » un combustible mixte issu du retraitement sur support d’uranium appauvri, du combustible usé contenant du plutonium (239). Lequel non spontanément fissible était considéré jusqu’alors comme un déchet de fission des réacteurs classiques.

La mise au point de Superphénix avait été délicate en raison notamment des propriétés incendiaires brutales de son fluide caloporteur, le sodium liquide. Cependant en 1997 le procédé était au point et le prototype était prêt à fonctionner. Il préfigurait donc une nouvelle filière française de réacteurs nucléaires, aussi sûrs que les précédents mais présentant l’insigne supériorité de pouvoir convertir en électricité, donc de recycler, des combustibles usés issus du retraitement!

Une occasion ratée de Jospin de voir loin!

Ce ne fut pas la seule en ces domaines. Une autre consista à confier en 1998 à un obscur parlementaire probablement acquis à la cause antinucléaire, une réflexion visant à réorganiser les services de l’Etat en charge de la surveillance et du contrôle des activités nucléaires, accusés à tort d’avoir caché des informations sur la contamination du territoire français lors du passage radioactif provenant de Tchernobyl en 1986.

Plus préoccupé de mettre au pas son administration pour acquérir la bienveillance des écolos antinucléaires, le Premier ministre n’avait pas songé un instant qu’il serait plus conforme à l’intérêt général de faire plancher le Parlement sur l’avenir de l’énergie nucléaire dans notre pays. Il a préféré , conformément à l’air du temps et peut-être aussi pour satisfaire innocemment les appétits « impérialistes » de certains grands corps d’ingénieurs de l’Etat, instruire un procès à charge à l’encontre de services dont il fut montré bien plus tard qu’ils n’avaient en rien failli. Il a choisi Clochemerle par le biais de ce député falot en lieu et place d’une ambition gaullienne.

Le titre du rapport remis au Premier ministre à la fin de l’année 1998 était d’emblée évocateur de la teneur accusatrice de sa conclusion: Il était ainsi intitulé : « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : « la longue marche vers l’indépendance et la transparence ».

En fait, sur le moment, ce rapport, partial en diable, délibérément injuste et flirtant parfois avec des approximations calomnieuses, ne produisit guère d’effets dévastateurs, autre que celui de justifier la disparation de l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants dépendant du ministère de la santé, qui avait succédé en 1994 au Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants du Professeur Pellerin et de confier la gestion administrative de la radioprotection à une direction du ministère de l’industrie, rebaptisée pour la circonstance, direction générale de la sûreté et de la radioprotection.

Ses conséquences les plus discutables se manifestèrent quelques années après, lors de l’adoption sous le gouvernement de Dominique de Villepin de la loi du 13 juin 2006 « relative à la transparence et à la sécurité nucléaire ». Laquelle consacra la démission presque totale du gouvernement en matière nucléaire. De manière incompréhensible, le Parlement vota une loi qui l’excluait du débat dans la même charrette que l’exécutif, pour créer une sorte « chimère administrative indépendante » l’Autorité de Sureté Nucléaire. Cette dernière, irresponsable par conception devant la représentation nationale et non soumise à la tutelle gouvernementale était dirigée par des commissaires non destituables. Etrangement, elle s’est vu confier la mission de contrôle, au nom de l’Etat, de la sûreté et la radioprotection dans tous les secteurs mettant en œuvre des rayonnements. Disposant d’inspecteurs, elle a en outre développé dès sa création, probablement pour faire taire toute éventuelle critique de laxisme ou pour fragiliser l’image de sûreté irréprochable dont jouissait l’industrie nucléaire française, un ensemble pléthorique et labyrinthique de règles spécifiques et de concepts exorbitants du droit commun comme la notion « d’écart  » à ses injonctions ou le placement en « vigilance renforcée » d’une installation rétive à ses mises en demeure.

Ainsi, à partir de 2006, à l’expertise technique intelligente que les promoteurs du nucléaire en France s’étaient efforcés de développer jadis en se fondant sur de vrais enjeux de sûreté et de radioprotection, s’est substituée une bureaucratie tatillonne, hors sol, confondant l’essentiel et l’accessoire et criant au loup en permanence. Le résultat c’est que la sureté et la radioprotection opérationnelles s’est retrouvée noyée sous de avalanches de détails non signifiants mais contraignants.

C’est en tout cas, ces métarègles que le premier président de cette Autorité féodale, qui aimait qu’on le qualifie de « gendarme du nucléaire, appelait « la culture de sûreté ». On s’interroge encore aujourd’hui sur les objectifs réels de cette profusion de normes, qui n’ont eu l’heur que de freiner toute réalisation nouvelle en matière d’électricité nucléaire, sans pour autant améliorer la sûreté et la radioprotection d’ores et déjà satisfaisantes. L’avenir dira si le retard pris par le réacteur EPR de Flamanville n’est pas en grande partie imputable à cette inflation normative, peu justifiée et édictée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire.

Dans ces conditions il est évident que la motivation des acteurs ou des futurs acteurs du nucléaire s’est fortement émoussée. Beaucoup y perdirent la foi du charbonnier qui faisaient autrefois leur force. Et il est probable que nombre des difficultés actuelles relatives à la maintenance des centrales nucléaires trouvent également leur origine dans cette bureaucratie du contrôle et de la surveillance, installée par peur ou par conviction antinucléaire implicite et honteuse.

L’urgence pour un gouvernement qui voudrait, sincèrement faire de l’énergie nucléaire un élément moteur d’une souveraineté énergétique retrouvée et respectueuse des enjeux environnementaux et écologiques, serait de restaurer l’état d’esprit volontariste des pionniers de l’atome et, pour ce faire, de supprimer cette Autorité Indépendante en rétablissant une administration classique placée sous la responsabilité du gouvernement.

Il n’y a en effet aucun motif de penser que des ingénieurs de l’Etat soumis aux règles de déontologie des fonctionnaires puissent être moins compétents et moins impartiaux lorsqu’ils œuvrent au sein d’une administration centrale, plutôt que dans une structure indépendante.

Bien sûr, d’autres errements stratégiques devraient être corrigés. Il conviendrait en particulier d’abroger les dispositions de la loi du 18 août 2015 sur la transition énergétique et pour la croissance verte, votée sous le mandat présidentiel de François Hollande, qui se fixe pour objectif paradoxal s’agissant d’un secteur peu émetteur de gaz à effet de serre et peu ou pas accidentogène en France, de réduire drastiquement la part de l’énergie nucléaire dans le « mix » énergétique électrique de 75% à 50% à l’horizon 2025.

Sans parler de la décision idiote de l’arrêt de la Centrale de Fessenheim décidée par François Hollande et exécutée par Emmanuel Macron en juin 2020 en invoquant des arguments démentis en temps réel par toutes les expertises comme le coût exorbitant de sa maintenance…

Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que l’énergie nucléaire productrice d’électricité vive une crise de confiance et d’angoisse du lendemain dans la population mais également parmi ses ingénieurs, techniciens ou ouvriers qui n’entrevoient plus d’autre perspective de carrière que la déconstruction ou le démantèlement de leurs outils de travail. Ou la gestion des déchets!

Ces sombres augures font en outre l’impasse sur les obligations pesant sur l’opérateur historique français, en l’occurrence EDF, qui dans le cadre de l’ouverture du marché européen de l’énergie, est tenu de fournir à bas prix une partie de sa production électrique à ses concurrents non exploitants qui la revendent ensuite sans avoir subi les charges de la production.

Cette concurrence artificielle et truquée creuse davantage le déficit déjà colossal de l’industriel français, alors que les gouvernements successifs veulent dans le même temps privilégier un « tout électrique » vertueux dans la plupart de nos activités en particulier dans nos déplacements.

Sous réserve de corriger d’urgence les trajectoires stratégiques incarnant le renoncement au progrès, sous réserve aussi de débarrasser l’énergie nucléaire des injonctions contradictoires qui la bâillonnent, toutes édictées avec l’aval des présidents de la République et chefs de gouvernement successifs depuis presque quarante ans et sous réserve enfin de l’élaboration d’un vrai projet politique pour le nucléaire incluant à la fois la construction de nouveaux réacteurs, la maintenance des anciens et la prolongation de leur fonctionnement dans le cadre d’un « grand carénage » effectivement financé, le tout assorti d’un programme volontariste de recherches de nouvelles filières, les perspectives dressées par le président Macron en début d’année de relance du nucléaire civil, seront ou non crédibles!

Pour l’heure, la question de la crédibilité des engagements présidentiels se pose toujours avec acuité, d’autant qu’on s’apprête à passer l’hiver à la bougie en pédalant sur des vélos électriques dont on ne pourra probablement plus recharger les batteries!

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Notre ami et collègue Jacques Ballay s’est éteint le 20 août 2022 à Ploemeur dans le Morbihan. Breton d’adoption, il ne reviendra pas. Mais on gardera de lui le souvenir d’un personnage à la fois singulier et chaleureux. Un épicurien heureux de vivre. Et vivre pour lui, ce n’était pas s’économiser au coin du feu ou s’attarder dans des jérémiades d’un passé révolu, mais s’enrichir des expériences de tous ordres qui ont jalonné son parcours d’homme de bien. Et c’était effectivement un « honnête homme » au sens du dix-huitième siècle, c’est-à-dire quelqu’un de cultivé et curieux, qui par sa nature généreuse et sa gouaille, comme par sa manière d’être ainsi que par son sens de la convivialité, abolissait spontanément toutes les barrières et attirait la sympathie.

Nos chemins se sont croisés pour la première fois au Vésinet au début de l’année 1995. Je venais tout juste de prendre mes fonctions à l’Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants (OPRI) créé six mois auparavant en remplacement du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI) en charge depuis 1956 du contrôle de la radioprotection en France.

Avec sa « bouille » de patriarche biblique, à moins que ce fût celle d’un motard fan de Harley Davidson nostalgique de la route 66 ou encore d’un routard post-soixante-huitard rêvant d’élever des chèvres dans le Larzac, Jacques possédait ce petit « plus » rafraichissant qu’ont tous ceux qui, transgressant le formalisme des convenances communes, font rêver de grands espaces et de liberté. Pour l’heure, il exerçait des fonctions d’informaticien.

C’est donc tout naturellement, en faisant le tour des services hérités du SCPRI, que je le découvris dans son petit bureau encombré du premier étage du bâtiment « C1-C2, l’immeuble amiral de l’Office qui hébergeait également le service de la dosimétrie de mon ami et regretté Alain Biau (1949-2021) l’inspection des installations de radiologie médicale, la reprographie et, au rez-de-chaussée, les services fonctionnels et financiers ainsi que la présidence de l’OPRI.

Immédiatement le courant passa entre nous. Le hasard n’y était pour rien, car dès cette première rencontre, en évoquant sa carrière dont il entrevoyait déjà le terme, il me fit part de ces hivernages quelques décennies auparavant, dans les Terres Australes et Antarctiques françaises, en particulier aux îles Kerguelen.

Or, il se trouvait qu’en 1973 lors d’une mission océanographique du CNRS dans l’océan Indien, le « Marion-Dufresne », le navire des Messageries Maritimes qui ravitaillait les Terres Australes françaises , avait mouillé dans la baie de Kerguelen. Etant à bord comme étudiant de troisième cycle, j’eus ainsi l’occasion de débarquer et de crapahuter plusieurs jours à la base de Port-aux-Français, la seule station permanente, à vocation scientifique et technique, de ces îles du bout du monde. Celle où précisément il avait effectué deux hivernages dans les années soixante, et où il revint une dernière fois en 1996 pour y installer une sonde de mesure en continu de la radioactivité ambiante (Téléray)

Ainsi, assez paradoxalement, notre premier échange au Vésinet ne fut pas consacré ou très peu à l’informatique héritée du Professeur Pellerin l’ancien patron du SCPRI! Mais aux éléphants de mer s’affrontant à la période des amours sur les grèves caillouteuses de Kerguelen, aux manchots royaux, à la familiarité des cormorans et des albatros s’approchant de la base scientifique en quête de nourriture et enfin aux dangers des tourbières ou des souilles de l’archipel lors de la cueillette des lichens ou des feuilles des « choux de Kerguelen » consommés en raison de leurs propriétés antiscorbutiques et spécifiques des régions australes par leur résistance au froid et aux incessantes bourrasques des vents. On parla aussi du glacial et terrible Mont Ross, point culminant de l’archipel qui fut le dernier sommet français à être conquis en 1975 par une expédition à laquelle participait Georges Polian dont j’avais partagé le bureau au Centre des Faibles Radioactivités de Gig-sur-Yvette en 1972.

Ces souvenirs en partie communs introduisirent d’emblée une certaine connivence qui excédait très largement le périmètre de nos fonctions professionnelles du moment.

Mais cet homme qui était né à Paris en mars 1937 était alors âgé de 58 ans.

Avait-il toujours été le personnage sympathique et peu conventionnel que je découvrais, peut-être un peu désabusé, et avec lequel je fus amené à travailler épisodiquement au cours de cette unique année qui précéda sa retraite?

Tous les témoignages, dont celui de Michel Paulat, son collègue et ami de presque soixante ans, s’accordent à dire que Jacques Ballay demeura jusqu’au terme de sa vie, et ce en dépit des atteintes de la maladie, un homme original, un insatiable dilettante avide de paysages inexplorés et d’aventures nouvelles, et en plus un copain chaleureux et amateur de bonne chère. En quelque sorte, un vrai disciple d’Epicure égaré dans les vingtième et vingt-et-unième siècles!

Ce qui ne l’empêchait pas d’être à la fois sérieux et rigoureux dans ses activités, passionné mais éclectique dans ces choix de vie, et de demeurer fidèle en amitié. Eclectique, aussi bien d’un point de vue professionnel que dans ses loisirs.

Comme tout à chacun mais probablement plus que beaucoup d’autres, Jacques Ballay a en effet vécu intensément plusieurs vies sans compter ses jardins secrets familiaux !

Formé à l’école hôtelière à la fin des années cinquante, il devint météorologiste lors de son service militaire. Ce qui le conduisit à assister en février 1960 au premier essai nucléaire français « Gerboise bleue » dans le ciel de Reggane en plein Sahara algérien.

Cette compétence à interpréter les humeurs de l’atmosphère et les mouvements erratiques des nuages, sera le fil rouge des différents métiers qu’il exerça, d’abord à la Météorologie Nationale comme radariste puis comme opérateur des premiers sondages météo de très haute altitude dans la perspective des futurs vols de l’avion commercial supersonique Concorde. C’est à cette époque qu’il rencontra sa future épouse.

Et c’est également dans les années soixante, qu’il fut appelé par son ancien chef de service de la météo, muté au ministère de la santé pour participer à la création d’un service de météorologie au sein du SCPRI en pleine croissance et nouvellement installé au Vésinet dans le parc de la Princesse. Dans ce contexte, il fut étroitement associé à l’installation des stations dites de « référence » de surveillance de la radioactivité ambiante dans les différentes régions climatiques définies sur le territoire français par le Professeur Pellerin.

C’est également au cours de cette période, qu’il effectua par deux fois des hivernages de plusieurs mois dans les Terres Australes qui devinrent une authentique inclination. Inclination durable d’un paradis gelé en limite de l’océan Antarctique sur des terres désolées. Il devint d’ailleurs le président de l’amicale des anciens des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

Jacques et son épouse : un même regard complice hors du temps

« Ce fut aussi le temps des amis et des sorties en famille » rappelle Michel Paulat qui poursuit :

« Nos mêmes passions avaient créé des liens d’amitiés très forts. Le sport automobile tout d’abord où nous effectuâmes ensemble quatre rallyes régionaux. La pêche et le bateau également. S’intéressant à tout, il était doté d’une mémoire d’éléphant et était incollable sur bien des sujets. Il pouvait, par exemple, citer « au débotté » et sans se tromper, le podium du quatre cents mètres haies des jeux olympiques de Melbourne en 1956! « 
Jacques était en outre un sportif accompli et un charmeur, plutôt « beau gosse ». Skieur performant, il avait, dans sa jeunesse, terminé second d’une descente à Megève derrière Hermano João da Silva Ramos, un pilote automobile franco-brésilien de formule 1 dans les années cinquante.

Coureur de fond, son principal titre de gloire fut de terminer second d’une course à Vanves dernière un très grand champion international du 1500 mètres, un certain Michel Jazy d’un an son ainé.

Il fut aussi pilote de planeur où sa connaissance des masses d’air et de l’étude prévisionnelle des courants fut certainement un atout!

Il est probable que cette heureuse disposition d’esprit qui le poussa à s’intéresser à des domaines des plus variés et à s’initier à des disciplines multiples, fut une marque de fabrique familiale. Une sorte d’héritage dont bénéficia aussi son frère ainé Hubert Ballay (1928-2013) qui fut, à la fois, diplomate en Afrique, parolier à succès , directeur des éditions Barclay puis directeur du palais des congrès de Nice.

Accessoirement – si j’ose dire – Hubert Ballay vécut quelques mois en 1959 avec la chanteuse Barbara (1930-1997) qui composa à son adresse après leur séparation la célèbre chanson  » Dis quand reviendras-tu ». Pudique quant à ses affections intimes, Jacques aimait son frère et l’admirait

Ni Jacques, ni Hubert, ni Barbara ne reviendront désormais. Ils ne sont plus mais chacun dans son registre laisse le souvenir d’êtres d’exception!

Jacques avait épousé Paule. Ils eurent quatre enfants! Des petits enfants et au-delà! La suite est assurée!

Bon vent l’ami là où tu es, si tant est que là où tu es, il existe un paradis bleu et glacé qui ne soit pas simplement le néant. On m’a dit que quelques jours avant que tu ne t’esquives définitivement au-delà des océans et des continents des antipodes, on t’avait annoncé qu’un courrier te serait adressé, posté de Kerguelen aux bons soins du commandant du Marion-Dufresne, Tu ne le liras pas mais je suis certain que cette nouvelle t’a réchauffé le cœur avant que tu ne tires ta révérence.


PS : Merci à Michel Paulat, son complice de toujours de m’avoir fourni, de sa résidence estivale de Jard-sur-Mer, les éléments biographiques nécessaires à l’écriture de ce modeste hommage.

Les photographies – sauf la dernière provenant d’Internet – sont issues de la page Facebook de Jacques, désormais orpheline

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Le professeur Pellerin était un personnage atypique et d’un abord parfois rugueux. Mais c’était aussi un homme courageux qui n’hésitait pas, quels que soient les circonstances et les interlocuteurs, à défendre avec vigueur ce qu’il croyait juste et scientifiquement fondé, y compris lorsque sa conviction se heurtait aux discours politiquement en vogue. Il n’hésitait pas à batailler à contrecourant de l’air du temps, y compris lorsque ses philippiques enflammées pouvaient porter atteinte à sa réputation.

L’homme était autoritaire dans la tradition des mandarins de la médecine mais il savait aussi être affable et manifester sincèrement son amitié, sa solidarité et une disponibilité sans faille pour ceux qui étaient en souffrance, notamment ses salariés malades. Cette manifestation d’empathie chez un homme réputé austère était non feinte et elle pouvait même s’élargir à certains de ses contradicteurs en proie à des difficultés notamment médicales. Pourvu cependant qu’il les jugeât intellectuellement honnêtes. Nos relations avec lui n’étaient pas toujours un long fleuve tranquille, mais il appréciait les répliques argumentées.

Fin stratège et tacticien, il ne répugnait pas à user de séduction en alternance avec des discours plus raides pour faire aboutir un projet qui lui tenait à cœur ou pour défendre les intérêts moraux, matériels et scientifiques du Service Central de Protection contre les Rayonnements (SCPRI), un service qu’il avait fondé, animé et dirigé de main de maitre pendant trente sept ans.

Pierre Pellerin

Né à Strasbourg le 15 octobre 1923, cinq ans à peine après la réintégration de l’Alsace à la France, Pierre Pellerin était typiquement l’héritier du patriotisme chevillé au corps des alsaciens-lorrains, qui n’acceptèrent jamais de vivre sous administration allemande après la défaite française de 1870.

Sa boussole c’était probablement ce patriotisme viscéral, intransigeant et désintéressé pour la France. Cette France qu’il avait choisi de servir, en adéquation avec sa conception gaullienne de l’intérêt général. Un parti pris quasi mystique et romantique dont il m’entretint parfois et qui s’apparentait un peu à celui des héros des contes vosgiens d’Erckmann-Chatrian. Cet amour de la grandeur de la France qui n’excluait pas une certaine admiration pour la culture allemande, constitue certainement une des clés de compréhension de son personnage.

Mais Pierre Pellerin était aussi un médecin et un homme de science qui avait mené une brillante carrière de chercheur. Et ce, contrairement à ce que laissèrent entendre certains de ses médiocres contradicteurs qui n’avaient eux-mêmes jamais effleuré la moindre paillasse dans un laboratoire. Titulaire en 1948 d’un doctorat en médecine de la faculté de médecine de Paris, ses spécialités initiales étaient d’une part l’électroradiologie et d’autre part la médecine du travail. Plus tard, il occupa en qualité de professeur agrégé et apprécié de ses étudiants, la chaire de biophysique et de médecine nucléaire de l’Université Paris Descartes. Et dans le même temps, il intervenait en tant que praticien biologiste en médecine nucléaire pour le compte de l’Assistance Publique, Hôpitaux de Paris.

A ce rapide bilan de sa contribution à l’évolution des connaissances, dont attestent de nombreux articles publiés, il faudrait ajouter les prix dont il fut très tôt honoré et enfin les nombreuses instances internationales qui firent appel à ses compétences.

Enfin, on ne saurait hâtivement conclure ce chapitre sans mentionner ce qui fut l’œuvre de sa vie – de 1956 à 1993 – à savoir « son » Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, une structure devenue avec le temps une authentique institution, à la fois admirée et redoutée.

Indépendant dès sa création du principal opérateur nucléaire de l’époque, le Commissariat à l’Energie Atomique et ultérieurement des exploitants nucléaires, le SCPRI fut d’emblée dédié à la surveillance des expositions humaines et environnementales aux rayonnements ionisants, à leur évaluation sur l’ensemble du territoire français et à la prévention des dommages radio-induits qu’ils sont susceptibles de provoquer.

Placé administrativement au sein de l’INSERM et sous la tutelle des ministères chargés de la santé et du travail, le SCPRI du Professeur Pellerin jouissait d’une certaine autonomie à la fois budgétaire, programmatique et exécutive. C’est ainsi qu’en liaison avec les services de médecine du travail du CEA, il fut un des pionniers de la radioprotection opérationnelle en France.

Sans exagérer, on peut même affirmer qu’il a presque tout inventé en la matière: de la surveillance environnementale de la radioactivité (notamment à la suite des essais nucléaires atmosphériques américains et russes dans l’hémisphère nord au cours des années 60) jusqu’aux méthodes et moyens métrologiques et de calcul d’évaluation de leur impact sanitaire éventuel. Il fut un acteur incontournable de la conception des réseaux de télémesure maillant le territoire jusqu’à la dosimétrie interne et externe des travailleurs exposés, mais également du contrôle des installations nucléaires au travers de la surveillance stricte de leurs effluents liquides ou gazeux rejetés dans l’environnement jusqu’à l’optimisation des expositions médicales. Sans compter, l’armement d’une flotte de moyens métrologiques mobiles pour intervenir rapidement sur le terrain en cas d’accident ou de catastrophe nucléaire.

L’histoire des multiples inventions et trouvailles technologiques du SCPRI du Professeur Pellerin reste donc à écrire. Cette incessante créativité technique et procédurale du SCPRI pour améliorer la surveillance des rayonnements ionisants dans tous les domaines où ils furent utilisés, est encore discernable actuellement au travers de pratiques des services de contrôle qui en sont les héritiers directs, contrairement à ce que laissent entendre encore ses détracteurs.

Le SCPRI fut un des acteurs institutionnels majeurs du contrôle et de l’encadrement pendant près d’un demi-siècle, de la plupart des applications médicales et industrielles des rayonnements ionisants – civiles et militaires – notamment des centrales nucléaires productrices d’électricité.

Quoique prétendirent certains en s’accommodant sans complexe de vérités arrangées (ou arrangeantes) destinées à ternir un bilan très largement positif et désormais à se le créditer en le travestissant, l’essor de l’énergie nucléaire jusque dans les dernières décennies du vingtième siècle se fit sans drame et sans catastrophe radiologique et même sans incident ou accident réellement significatif.

Pierre Pellerin et son service n’agissaient d’ailleurs pas à leur guise au gré de caprices césariens mais sur le fondement de doctrines de sûreté et de radioprotection, incarnées par des législations et des réglementations qui plaçaient le risque nucléaire ou radiologique sur le même plan que les autres risques industriels majeurs et l’abordaient comme tel., c’est-à-dire avec réalisme sans les minimiser ou les surévaluer. A cet égard, Pierre Pellerin et ses collaborateurs ont participé activement au cours des années soixante et soixante-dix du siècle dernier, tant au niveau français qu’européen et international, à la définition des normes de protection contre les rayonnements ionisants. Leur ligne de conduite étaient en premier lieu de prendre en compte les données scientifiques validées et actualisées sur les dangers des rayonnements, mais de veiller à demeurer pragmatiques dans les prescriptions recommandées ou imposées. Ils excluaient à l’époque de se perdre dans toute autre forme de considérations, notamment d’ordre idéologique et politique sur l’acceptabilité des risques, comme ce fut le cas par la suite.

Sur ces aspects d’ailleurs, le récit de l’histoire du SCPRI reste à documenter, non pas tant pour « réhabiliter » une œuvre collective injustement décriée, mais pour en tirer les enseignements qui en découlent, dans une période complexe où certaines erreurs commises par la suite par les pouvoirs publics ont abouti à la situation actuelle de notre pays, autrefois autosuffisant et exportateur d’électricité grâce à un parc important de centrales nucléaires, et désormais tenu d’en importer piteusement pour faire face à ses besoins énergétiques.

Force est de constater que le Professeur Pellerin – s’il était encore de ce monde – déplorerait la situation inadmissible actuelle d’un parc nucléaire en grande partie à l’arrêt faute d’une maintenance rationnelle opérée ces dernières années, due en grande partie à la démotivation des opérateurs publics et à la perte de compétences techniques nationales en la matière. Mais il se réjouirait également sûrement du renouveau annoncé et du retournement d’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis de l’énergie nucléaire.

Plus que toutes les diffamations dont il fut victime et dont la justice lui a systématiquement donné raison, les menaces sur le climat, préoccupations du moment des pouvoirs publics démontrent la justesse de ses prises de position, il y a désormais plusieurs décennies, sur l’intérêt de disposer d’une énergie nucléaire propre pour assurer la souveraineté du pays en matière énergétique. Il savait que ce recours aujourd’hui indispensable n’est pas incompatible avec les garanties de sécurité que la population est en droit d’exiger sur le court, moyen et long terme.

En fait, contrairement à ceux qui s’échinèrent à gommer son œuvre, en bureaucratisant à l’extrême la culture de sûreté, en l’alourdissant de relevés non signifiants, l’actualité rend grâce douloureusement aux dons de visionnaire du Professeur Pellerin. A sa clairvoyance et son réalisme intransigeant sur la hiérarchie des risques auxquels l’humanité est soumise en contrepartie d’un progrès bénéfique pour tous.

Bien avant qu’on ne se préoccupe des dérèglements climatiques et qu’on ne les imputent « consensuellement » aux gaz à effet de serre émis par la combustion des énergies fossiles, il avait pressenti que l’énergie nucléaire était une énergie d’avenir. Une énergie qui, en outre, n’avait rien à envier ou presque, aux autres formes d’énergies disponibles, et à celles qui sont aujourd’hui qualifiées de renouvelables et dont l’intermittence, le stockage et la faible puissance sont des handicaps importants.

Cette prise de conscience actuelle face à l’urgence climatique décrétée et observée, n’allait pas de soi, il y a quelques décennies. On déniait alors au Professeur Pellerin le droit de s’acquitter de sa mission primordiale de « défense de la santé humaine » (interview par une journaliste Catherine Rouvier en 1989) en s’accommodant de l’énergie nucléaire. Sous réserve, et sur ce point il n’a jamais été pris en défaut. Les règles de sécurité, de sûreté et de radioprotection ont été – sous son impulsion – rigoureusement respectées et leur application vérifiée sans complaisance.

Personne de bonne foi n’ignore désormais que l’énergie nucléaire figure parmi les plus vertueuses, tant du point de vue de la pollution industrielle radio induite que des risques réellement encourus.

Ce constat qui semble aujourd’hui évident, ne l’était pas il y a vingt ou trente ans. Et de ce point de vue, le Professeur Pellerin faisait figure d’exception et même d’empêcheur de tourner en rond eu égard à la bataille idéologique sans merci, conduite par les mouvements anti-nucléaires et relayée par certains responsables publics tétanisés à l’idée que le discrédit nucléaire puisse leur porter politiquement préjudice. Cet isolement face aux déferlements des critiques à son propos nécessitaient du Professeur Pellerin une force de caractère exceptionnelle et une résistance psychologique d’acier. Parfois ces critiques étaient de bonne foi lorsqu’elles étaient simplement dictées par l’ignorance, mais le plus souvent, mensongères et diffamatoires, elles cherchaient à décrédibiliser Pellerin et à en faire l’homme à abattre et le bouc-émissaire responsable de toutes les menaces imputées au nucléaire. Ils en firent l’homme qui incarnait le mal!

Ainsi, il a peu de temps encore, l’évocation du Professeur Pellerin n’était guère possible autrement que sous forme d’une critique sévère niant son rôle de pionnier et de son apport déterminant à la sécurité et à la sûreté nucléaires ainsi qu’à la radioprotection.

Parler de lui ne pouvait à la rigueur être toléré qu’en refusant de lui reconnaitre sa compétence scientifique et médicale et en insistant sur son goût prononcé du secret et de la dissimulation, dont attestait, disait-on, sa rétention systémique d’informations. En général on ajoutait que sa manière autocratique et paternaliste de diriger son service était hautement critiquable.  

Ce réquisitoire était sans appel et reléguait Pierre Pellerin parmi les bannis de l’histoire. En réalité, cette diatribe visait non à établir une vérité sur ce personnage mais à valoriser ceux qui le critiquaient en montrant par différence qu’eux étaient compétents, lucides et transparents sur le risque nucléaire et radiologique. Par conséquent, il fallait oublier son œuvre, annuler ses réalisations et reconstruire sur de nouvelles bases la sécurité, la sûreté nucléaire et la radioprotection ! En d’autres termes, il fallait déconsidérer l’action de Pierre Pellerin pour exister soi-même, et incarner le renouveau. On s’acharna alors qu’il n’exerçait plus depuis plusieurs années.

En tout cas, ses accusateurs firent ce qu’il fallait pour atteindre leur objectif : j’ai souvenir, lors d’un congrès national de la Société Française de Radioprotection à la fin du siècle dernier, de l’intervention à la tribune d’un « éminent » haut-fonctionnaire du ministère de l’industrie, sans grande compétence en matière de radioprotection mais non dénué d’ambition et feignant d’être acquis par opportunisme carriériste à la cause anti-nucléaire, ridiculiser le professeur Pellerin au motif qu’il avait fait inscrire en préambule du fascicule spécial du Journal Officiel relatif à la Protection contre les Rayonnements Ionisants, une mention précisant que la radioprotection concerne la santé et releve naturellement de la compétence médicale alors que la sûreté qui concerne la fiabilité de la machine, ressortirait de l’art des ingénieurs..

Celui qui ironisait de la sorte et qui tolérait difficilement la contradiction, était issu d’un grand corps technique de l’Etat. Mais il était au nucléaire et à la science ce que les abbés de cour étaient autrefois à la théologie. En fait, il avait surtout en tête de réunir la sureté et la radioprotection sous sa tutelle avec l’agrément bienveillant des associations écologistes. En outre, la démission des politiques peu enclins par lâcheté à s’investir dans un débat sur le nucléaire était une aubaine pour cet ambitieux rond-de-cuir et sabreur d’opérette. Ainsi son attaque cynique et ridicule – au demeurant sans risque en l’absence de sa cible retraitée – et d’autres diatribes du même acabit permirent par la suite à ce procureur des basses besognes, d’obtenir ce qu’il convoitait. C’est ainsi que fut institué en 2006 une sorte d’oxymore administratif et de chimère démocratique, intitulée Autorité de Sûreté Nucléaire et prétendument indépendante, dont le pourfendeur de Pierre Pellerin – disparu depuis longtemps des tablettes et malade – prit la direction.

Deux ouvrages de cette veine et de circonstance, publiés à la Documentation Française respectivement en 1998 et 2012 et portant curieusement des intitulés voisins – « Le système français de radioprotection, la longue marche vers l’indépendance et la transparence » et « Une longue marche vers l’indépendance et la transparence, l’histoire de l’Autorité de sûreté nucléaire française » consacrent l’un et l’autre un chapitre complet visant à minimiser l’action du Professeur Pellerin, voire à en contester l’existence.

Grâce à ces livres et à des articles de presse rédigés par des journalistes peu empressés de vérifier leurs sources, grâce également à quelques leaders écologistes antinucléaires peu soucieux de la réalité des faits, le professeur Pierre Pellerin est désormais connu du grand public pour des propos qu’il n’a pas tenus, relatifs au nuage radioactif de Tchernobyl en 1986. Il n’a jamais prononcé ce qu’on lui a fait dire mais ces mots inventés lui collent à la peau comme le sparadrap du Capitaine Haddock dans l’Affaire Tournesol. En effet, en dépit de plusieurs décisions de justice qui établirent la diffamation et condamnèrent leurs auteurs, Pierre Pellerin demeure « coupable » aux yeux de l’opinion publique, d’avoir nié le passage du nuage radioactif sur la France.

En dépit des preuves qui attestent du contraire, malgré les témoignages, il continue d’être crédité de cette affirmation évidemment absurde selon laquelle le nuage issu de la centrale nucléaire sinistrée « se serait arrêté aux frontières de l’hexagone ».  

Cette calomnie ne fut pas simplement le fait de militants antinucléaires classiques, elles furent alimentées en sous-main par certains fonctionnaires humiliés par la réussite passée du professeur. Cette fable leur fournissait l’occasion d’ébranler l’organisation qu’il avait mise en place.

En tout état de cause, le professeur Pellerin se retrouve ainsi partie liée pour l’éternité avec le capitaine Haddock en raison de ce sparadrap dont il ne peut se débarrasser. Mais pas seulement, car il présentait aussi d’autres similitudes avec les héros de Hergé, notamment avec Tintin lui-même, reporter intelligent, perspicace et courageux, tenace également mais aussi avec le Professeur Tournesol l’improbable savant à l’imagination débridée.

Pierre Pellerin dans la salle des comptages BBF au Vésinet

Pierre Pellerin est décédé à Paris le 3 mars 2013.

Le 20 novembre 2012, quatre mois avant sa disparition, il fut reconnu innocent des accusations portées à son encontre par une association écologiste anti-nucléaire, la CRIIRAD, de « tromperie et tromperie aggravée » par la Cour de cassation de Paris. Laquelle explique notamment qu’il était « en l’état des connaissances scientifiques actuelles, impossible d’établir un lien de causalité certain entre les pathologies constatées et les retombées du panache radioactif de Tchernobyl ».

2022 : le Président de la République annonce la construction de nouveaux réacteurs EPR à l’horizon 2030: une sorte de revanche posthume pour Pierre Pellerin.

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Avec de bons yeux, la sécheresse de la vallée de la Dordogne était visible – en tout cas imaginable – du haut de la « Barre » de la Bastide de Domme, ce 30 juillet 2022. Evidemment, il fallait de « très » bons yeux, c’est-à-dire un regard non formaté par l’idéologie du catastrophisme à la mode, et une vision non abusée par des lunettes anti-UV polarisées qui accentuent les contrastes en favorisant certaines couleurs.

En d’autres termes, il fallait des yeux aptes à distinguer sans ambiguïté ce qui relève des terres cultivées récemment moissonnées de celles effectivement brûlées du fait de la canicule décrétée et d’un dérèglement climatique « fourre-tout » responsable de toutes les misères du monde, concurremment avec un coronavirus facétieux mais mortifère, et une guerre coloniale en Ukraine.

Si j’avais été journaliste, j’aurais sûrement sonné l’alerte canicule, mais en tant que simple vacancier, habitué des chaleurs plombées et estivales en Périgord Noir, je me suis naïvement contenté de noter qu’il faisait beau!

En tout cas, je me serais bien gardé de proclamer que l’été de cette année ne présentait aucune singularité par rapport à ceux de mes séjours réguliers en ces contrées depuis près d’un demi-siècle. Pourquoi en effet prendre le risque de déplaire au plus grand nombre en contredisant les nouveaux Savonarole qui rabâchent quotidiennement des records de température par rapport à tous ceux relevés dans le passé? Pourquoi contrarier tous ces prophètes du déclinisme qui nous signalent tous les accidents de la planète en temps réel? « Sachants » par hypothèse ou par présomption, ils savent et pas moi.

Ainsi, le discours dominant qu’il est désormais sacrilège de discuter sous peine d’être accusé d’un climato-scepticisme criminel avant, plus tard, d’être rééduqué, impose de croire – a contrario du doute méthodique qu’on nous enseignait jadis dans les facultés des sciences – que nous sommes en permanence au bord d’un gouffre climatique. Et, de surcroit, c’est de notre faute.

La science météorologique est devenue une religion et gare aux mécréants assimilés fascisants, qui persisteraient à s’arc-bouter sur l’esprit voltairien d’antan et sur celui des Lumières, en discutant les prévisions des modèles mathématiques, leur étalonnage et les constats qui les confirmeraient!

Gare à ceux qui simplement s’interrogeraient sur les corrélations « qualifiées d’évidentes » pour tous, sauf précisément pour les récalcitrants à la pensée unique, entre les monstrueux incendies de l’été dans les forêts françaises, quelle qu’en soit la cause, et les cyclones des Caraïbes ainsi que la montée des températures, couplée à celle des eaux océaniques et à la fonte des glaciers! Sans compter les atteintes sélectives à la biodiversité.

Gare à ceux qui timidement avanceraient que la vapeur d’eau est aussi un gaz à effet de serre aussi perturbant – voire plus que le gaz carbonique, source révélée et quasi-unique des dysfonctionnements météo de notre belle planète. Cet astre unique que les lycéens modernes sont invités à sauver de toute urgence en faisant la grève des cours et en ne consommant que des produits bio.

Ainsi, la photographie sans filtre ci-dessous aurait dû être interprétée comme un paysage de sécheresse. Mieux comme une image aride et menaçante de désertification galopante alors que la saison réputée chaude n’en est qu’à demi parcours!

Et pourtant au même endroit, j’ai continué à siroter avec insouciance sans manifester le moindre émoi autre qu’esthétique, une boisson gazeuse dans l’ombre de la statue de Jacques de Maleville (1741-1824) natif du lieu et rédacteur du Code Civil.

L’heure est pourtant de se convaincre que nous sommes coupables de cet état de délabrement annoncé de notre planète et que le gaz carbonique est le seul responsable des dérèglements de notre environnement et donc de nos sociétés.

Peu importe quand il faut sauver la planète, qu’au passage, on oublie que ce gaz carbonique est un constituant essentiel du « vivant »! Qu’il est le nutriment des plantes qui le fixent dans leurs bois et leurs feuilles – oxydo-réduction – au travers du phénomène de photosynthèse! Peu importe qu’on oublie qu’en l’absence – heureusement totalement improbable – de ce gaz non toxique dans l’atmosphère, la végétation disparaitrait et avec elle une grande partie affamée des espèces vivantes dont nous-mêmes.

Mais qu’en est-il en réalité? Et quelle est l’ampleur de cette menace d’élévation imminente et irréversible des températures qu’on nous annonce du fait de l’effet de serre?

L’organisme d’expertise mondiale en la matière est le Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat ( GIEC). Lequel est à la religion climatique ce qu’est le Vatican à la religion catholique depuis le dogme de 1870 sur l’infaillibilité papale.

Comme la curie romaine, le GIEC est composé d’éminences en l’occurrence universitaires à défaut d’être théologiques, convaincues et sérieuses qui publient régulièrement des rapports. Ceux-ci font scientifiquement autorité et aboutissent tous ou presque à des conclusions alarmantes sur notre avenir climatique.

Il faut bien sûr les lire avec attention mais comme les contrats d’assurances, il faut tout lire, y compris ce qui est écrit en « tout petit ». Et c’est souvent ingrat.

Ainsi on apprend que « les émissions de gaz carbonique du monde entier ont réchauffé la Terre de seulement 0,007 degré Celsius en 2019 avant les confinements liés à la pandémie COVID 19. Et la France, pour sa part, n’en est responsable que de 0,9% soit 0,00007 degré Celsius. »

En réalité, ces chiffres sont publiés dans un ouvrage récent (juin 2022) – Impasses Climatiques et les contradictions du discours alarmiste sur le climat. Son auteur François Gervais est un physicien, professeur émérite d’université et « expert reviewer » des derniers rapports du GIEC. En fait ces résultats ne sont pas directement cités par le GIEC mais ils sont aisément calculables à partir des données publiées par ledit GIEC sur la base des masses cumulées exprimées en milliers de tonnes d’émission annuelle de CO2 dans le monde et de l’augmentation de température moyenne prévue par les modèles dont s’inspire le GIEC. Le détail du calcul figure dans l’ouvrage précité.

Le résultat est sans appel : 0,007 °C +/- 0,003°C en moyenne à la surface du globe sur une année au rythme actuel des émissions de gaz carbonique. Lesquelles, en première approximation sont imputables pour l’essentiel aux énergies fossiles.

En tout cas, ce résultat étonnant permet assurément de tempérer certaines prévisions alarmistes et surtout certaines imputations à court ou moyen terme du dérèglement versus réchauffement climatique. Et ce qui frappe, c’est qu’il résulte directement de données du GIEC lui-même.

 » Au rythme d’émissions actuelles, le réchauffement évalué en reprenant les chiffres du rapport AR6 2021 du GIEC ne dépasserait pas d’ici 2050, année déclarée objectif de neutralité carbone 0,06 °C pour la fraction imputable au principal émetteur, la Chine qui consomme la moitié du charbon mondial » (François Gervais)

Si, malgré tout, les relevés météorologiques montraient une dégradation inquiétante, durable et répétitive du climat dans la période contemporaine considérée, il faudrait, bien sûr, rechercher d’autres relations causales que les seules émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines. Et il n’en manque pas dans l’arsenal de la cosmologie!

De même, cette vision moins pessimiste de la situation climatique n’implique en rien qu’il faille se désintéresser des atteintes répétées que nous portons à notre environnement et causées par la pollution industrielle ou agricole. Rien ne justifie non plus de ne pas se préoccuper de l’intégrité de notre écosystème, sauf à hypothéquer gravement le futur de l’humanité et avec elle, de l’ensemble des espèces vivantes. .

Au fond, notre seul guide doit être, en toutes circonstances, la Raison au sens des Lumières et non le dogme de la révélation!

Demeure malgré tout une question qu’on ne pose qu’en prenant le risque d’être taxé de « complotiste » l’accusation absolue des temps modernes: Pourquoi nous traite-t-on comme des enfants? Pourquoi cherche-t-on à nous faire passer des vessies pour des lanternes?

Jacques de Maleville à Domme

Ref;

Ouvrage de François Gervais, Impasses climatiques – les contradictions du discours alarmiste sur le climat-

Editions l’Artilleur juin 2022- L’ouvrage est parfois un peu technique mais les passages concernés peuvent être aisément contournés sans remettre en cause la pertinence et la compréhension des démonstrations.

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Ma mère avait pour habitude – et ce depuis toujours – de renseigner des petits carnets, souvent des agendas, sur lesquels elle mentionnait ses activités, ses rencontres du jour, les fêtes auxquelles elle participait, ainsi que les spectacles auxquels elle assistait. Parfois elle faisait état de ses appréciations, lorsque par exemple elle s’était régalée au cours d’un diner auquel elle avait été invitée.

Pudique, elle faisait cependant rarement état de sentiments personnels et encore moins de ses peines ou de sa détresse face à telle ou telle épreuve de la vie. A la rigueur, si elle s’y résolvait, c’était de manière détournée en signalant ses visites répétitives à ceux ou celles de ses proches, gravement malades. Ses carnets n’étaient donc pas, à proprement parler, des journaux intimes.

Sans prétention littéraire, ces carnets n’avaient, à ses yeux, d’autre vocation que de lui servir d’aides mémoire des événements marquants de sa vie quotidienne. Une ligne suffisait, là où d’autres, plus prolixes auraient rédigé des pages avec une arrière-pensée écrivaine. Pas elle, car elle n’avait pour seule ambition que de rendre compte, à sa manière, du temps qui passe et d’en conserver factuellement la mémoire.

Ainsi quelques années après sa disparition, il est encore possible de reconstituer sans fioritures inutiles, l’essentiel de ses journées. Ou du moins ce qu’elle en retenait ou qui lui apparaissait pertinent, sans le moindre souci de laisser une trace pour la postérité. Sa ligne quotidienne d’écriture, presque une ligne de conduite, était rédigée à son propre usage. Exclusivement dans le secret de sa cuisine!

Etrangère à l’informatique de bureau, qu’elle ne découvrit avec méfiance que devenue octogénaire, ma mère constituait elle-même ses propres fichiers manuscrits, et n’en retenait que ce qu’elle voulait et à sa guise. Dans cette perspective, elle les datait de même que les photographies qu’on lui offrait ou les clichés qu’autrefois elle réalisait elle-même de ses œuvres picturales.

Reprenant ses précieux carnets, je me dis qu’aujourd’hui ce qu’elle racontait de ses déplacements, de ses achats en supermarché, de ses promenades, de ses visites ici ou là et donc par déduction de ce qu’elle aimait ou de ce qu’elle ressentait face à telle ou telle situation, useraient d’autres créneaux que sa plume qui consignait, au jour le jour, quelques mots sur un petit carnet.

Les technologies numériques et les connexions permanentes à une sorte de « Big Brother  » mondialisé et menaçant rendent désormais parfaitement inutile l’exercice synthétique d’introspection quotidienne auquel se livrait ma mère.

Sans s’adresser directement aux intéressés, le monde entier est désormais en capacité de savoir et de stocker en temps réel sur des « data center » de quoi se compose, chaque jour, les existences de chacun. Intrusive, la civilisation numérique qu’on nous présente comme l’indicateur indépassable de la modernité, sait exactement le nombre de litres que consomment nos chasses d’eau, lorsque la nuit on se lève pour satisfaire un besoin pressant. La compagnie des eaux nous a en effet imposé d’autorité un compteur connecté. Il en est de même du fournisseur d’électricité, qui peut compléter l’information de son confrère fontainier en précisant si nous avons éclairé la pièce. Tous les deux connaissent la fréquence de nos pérégrinations nocturnes, indicateurs probables de dysfonctionnements prostatiques à transmettre à un urologue via un serveur approprié!

Sortant de chez moi le matin, les autorités administratives et, le cas échéant, judiciaires, peuvent savoir très précisément où je me rends, grâce aux caméras de surveillance qui filment les rues mais grâce surtout à mon téléphone portable, androïde et imperturbable mouchard, qui bipe à proximité des antennes relais quadrillant le territoire et me localisant à chaque instant.

D’ailleurs, si d’aventure je me livre à un achat même minime comme une baguette de pain « Tradition » avec une carte bancaire bleue, Visa ou autre, l’inspecteur des impôts qui soupçonnerait une fraude déclarative saurait, le moment venu, me confronter à mes possibles turpitudes et en aviser qui de droit. En application d’une obscure et liberticide législation en vigueur, toutes mes économies sont d’ailleurs désormais mises en relation numérique, aux biens que je possède et à mes revenus, au cas où, bénéficiant d’un conflit d’intérêt ou de rentrées d’argent suspectes, je profiterais de mes modestes placements à la Caisse d’Epargne pour blanchir de l’argent sale.

Bien entendu, les péages d’autoroute complèteront cette « nécessaire » vigilance ou suspicion permanente. Il en est de même des caméras routières et autoroutières, signalées ou non, éventuellement installées sur des véhicules privés délégataires inavoués – et inavouables – du service public de la fiscalité, qui apporteront en sus toutes les infos indispensables à l’exhaustivité de mon curriculum vitae infractionnel de délinquant potentiel. On pourra même, si nécessaire, les associer judiciairement à un regard déplacé sur les cuisses du sexe opposé – par définition harcelant – capté par un brave pandore armé d’une paire de jumelles enregistreuses.

Ainsi, sans fournir le moindre effort de concentration et d’écriture comme le faisait ma mère, tout le monde sait tout de moi, mieux que moi, sauf peut-être moi.

Ce qui rassure malgré tout, c’est que cet arsenal monstrueux, cet inquisiteur mais omniprésent dans tous les pans de nos vies intimes et privées, n’a qu’un seul objectif, d’ailleurs hautement louable aux dires des bienveillantes autorités, des ligues de vertu et des associations citoyennes de leçons de maintien. Il vise simplement à assurer et à renforcer ma sécurité et ma quiétude d’éternel assujetti ou d’assisté sous tutelle publique, coupable putatif de fraude, mais présumé innocent. Et dans la foulée, de protéger mes semblables de mes méfaits redoutés!

Rien de plus logique donc à ce que, dans ce contexte, on nous impose un fil à la patte, invisible et permanent, pour prévenir tout écart à la norme et vérifier qu’on ne commet pas d’imprudence condamnable! Big Brother veille.

Photo Internet

Et pour faire bonne mesure et compléter ce tableau numérique de précautions autoritaires, il faudrait ajouter à ce traquenard de bonnes intentions et à ce flicage prétendument salutaire, « le dossier médical partagé » et la carte vitale. Mortifères de nos libertés, ils permettent d’ores et déjà à n’importe quel toubib ou apothicaire connectés d’accéder à une connaissance précise de notre première vérole et ainsi de protéger la société de nos agissements irresponsables de malades présumés contaminants. Et peut-être de nous soigner par téléconsultation si on réside dans un désert médical.

Alors, pourquoi se plaindre d’être en permanence en liberté étroitement surveillée, sauf évidemment à déplorer à l’exemple de Jacques Brel jadis, que « le monde sommeille par manque d’imprudence »?

Tout bien pesé, je préfère finalement les carnets de ma mère aux « data center » centralisateurs et intégrateurs de mes moindres humeurs, qui renseigneront le ministre de l’intérieur, celui de la santé, de la justice et même celui des finances, sur la composition de mon sang et sur les gènes à risque que m’auraient transmis mes ancêtres!

Du triptyque de la République, la liberté souvent décriée comme source d’inégalité devient urgente à défendre.

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Depuis soixante-treize ans que je traîne mes guêtres ici-bas sans me faire d’illusion sur l’au-delà, j’ai entendu des milliers de fois, de savants personnages, experts en sociologie politique ou en girouettes aérodynamiques, affirmer avec l’autorité d’éminents et médiatiques universitaires, que nous vivions une époque de « transition ». D’autres parlaient plutôt de « mutation ».

Ils n’avaient – stricto sensu – pas tort. Car que faisons-nous au cours de notre existence, sinon osciller entre deux états stables – entre deux dates reliées par un tiret – dans l’attente de laisser la place aux suivants et de constater que le monde évolue, parfois avec nous mais le plus souvent sans nous? Soyons déjà contents quand ce n’est pas carrément contre nous. Tout transite et tout mute, y compris, comme on l’a éprouvé récemment à nos dépens, nos cousins les virus, pourtant si éloignés de nous dans l’échelle de l’évolution des espèces.

Mais, depuis quelques années, cette transition est devenue urgemment climatique et le vocabulaire la qualifiant s’est enrichi d’adjectifs ou de tautologies proches du truisme ! Désormais, en effet, il n’y a guère d’épisodes ponctuant cette interminable transition ou mutation – ce tricotage et détricotage du monde – qui échappent à la qualification devenue classique « d’historique » et « d’inédite ».

Relatés avec gourmandise par les chaines télévisuelles d’information continue et par les réseaux sociaux, tous les événements sont réputés inaugurer une ère nouvelle, qui quoiqu’on prétende est étrangement semblable à celle que nous connaissons depuis toujours, juste écornée par l’érosion d’un temps qui nous échappe. Semblable en particulier par les comportements qu’elle induit et les questionnements qu’elle adresse à l’humanité! Laquelle imbue de sa prétention à incarner l’universel est trop fréquemment myope sur la marche réelle du monde qui nous entoure jusqu’aux confins de l’univers.

L’espèce humaine n’a en réalité guère évolué depuis des millénaires. Et les « Lettres à Lucilius » écrites par Sénèque, le stoïcien, au cours du premier siècle de notre ère apparaissent toujours d’une étonnante modernité. Ses écrits font toujours sens, car l’homme qu’il décrit, vivant du premier siècle est aussi celui du vingt-et-unième…

Tricotage : un point à l’envers, un point à l’endroit

A telle enseigne, que nous ne sommes plus vraiment en capacité de dire si ce que nous percevons relève du réel ou du virtuel, ou des deux à la fois. Et, cerise sur le gâteau, nous ne savons même pas si nous en sommes les acteurs, les spectateurs tolérés et obligés, ou simplement des voyeurs dociles, indolents et impatients, avides de déroutantes infos.

Notre seule certitude, c’est l’incertitude face à l’agitation du monde et au mouvement continu censé produire de la nouveauté « disruptive ». En bref, on considère comme acquis que rien n’est pérenne, rien n’est banal, pas même certains phénomènes cycliques qui jadis relevaient de l’ordinaire. L’exceptionnel devient la règle, relayé par une communication intrusive qui, à chaque instant, gouverne nos destins et nos pensées.

Ainsi, en est-il de la météo mondiale dont le moindre caprice aux antipodes est désormais entendu comme le symptôme d’un futur apocalyptique. Interprété, sur le champ, comme un phénomène cataclysmique autrefois rarissime mais dont la fréquence qu’on pressent croissante, est (serait) annonciatrice de grands et brutaux dérèglements. A cet égard, les prêches des experts sont d’autant plus convaincants et inquiétants qu’ils sont légitimés par de laborieux consensus conciliant à la fois d’indiscutables constats et leurs causes présumées ainsi que les intérêts à agir des parties prenantes dans leur élaboration. Construits au cours de colloques internationaux, ces compromis requièrent un unanimisme partisan, mondialisé et fréquemment de façade, et servent de cadre à de nouveaux paradigmes sur « l’avenir de la planète ». De ces travaux, émerge une conception idéologique de la modernité fondée sur ce qu’il est convenu d’appeler la sobriété consumériste, en réalité sur des interdictions, un refus plus ou moins explicite du progrès et des restrictions aux libertés individuelles.

Il serait malséant, dans ce contexte, de s’interroger sur la pertinence de cette pensée unique, ainsi que sur les prévisions surréalistes et les déluges, qu’elle nous promet en cas d’insoumission au dogme. Et surtout, il serait condamnable de se revendiquer du « doute méthodique » de la science et de réfléchir à d’éventuelles autres causes que celles qu’on nous assène. Il faut donc se persuader que, demain, par un effet papillon illustré par nos jeux de dominos, les toitures de nos demeures ne résisteront pas aux intempéries monstrueuses qui nous menacent depuis l’autre bout du monde. Pas plus d’ailleurs que les fleurs de nos jardinets de banlieue ! Les images diffusées à la télé, de braves gens écopant l’eau dans la chambre inondée de leurs enfants sont évidemment effrayantes, suffisamment éloquentes et démonstratives pour nous convaincre de notre responsabilité dans ces dérèglements « infligés à la planète ».

Sans rire, il faut se convaincre qu’après plus de quatre milliards et demi d’années d’existence, et après en avoir vu de toutes les couleurs en matière de réchauffements torrides, d’atmosphère saturée en gaz carbonique et en anhydride sulfureux, de refroidissements intenses, de volcans dévastateurs, de séismes destructeurs, de dérives des continents et de percussions avec des météorites provenant du fin fond des âges et de la galaxie, la terre – mère – doit être assurément chagrinée de l’insouciance séculaire de l’espèce humaine. Elle doit être furieuse que la dite espèce quelle considère sûrement comme sa réussite la plus grandiose, celle qui correspond au mieux à la finalité ultime dont elle s’était dotée en matière de vivant, lui fasse encore quelque misère en la réchauffant indûment!

Sauvons la planète!

Trêve d’ironie! Cette surenchère interprétative qui repose sur la confiance dont on doit créditer les grands-prêtres de cette modernité révélée et souvent accusatrice, vise presque tous les domaines de l’activité humaine et pas seulement le climat! Nous sommes cernés par l’extraordinaire, l’historique et l’inédit, en un mot par l’outrance verbale qui gangrène l’intelligence.

Tout y passe, depuis les transferts à des prix exorbitants de joueurs de foot analphabètes et starisés, dans les clubs des théocraties pétrolières jusqu’aux cours erratiques du commerce mondial imputables aux guerres impérialistes d’Etats rapaces et agresseurs comme la Russie ou la Chine.

La vie politique n’échappe pas à cette inflation d’excès de langage.

Les seuls secteurs qui paradoxalement semblent échapper à cette perception d’un renouvèlement « jamais observé auparavant » dans l’Histoire du monde, ou plus modestement dans celle du monde contemporain, sont précisément ceux où il se passe quelque chose qui tranche vraiment par rapport au passé, comme la croissance non maitrisée de la démographie mondiale, source probable des principaux dérèglements climatiques, alimentaires, sécuritaires et énergétiques. On cherche en vain les instances internationales qui abordent cette question sans sombrer dans la barbarie!

L’innovation authentique générée par la recherche scientifique singulièrement par la recherche fondamentale, passe également, trop souvent, inaperçue, sans doute considérée comme « normale », sauf lorsqu’elle peut servir d’argument à un « élu du peuple » pour vanter la pertinence de son action volontariste en faveur de l’accroissement des connaissances!  

Ainsi, logiquement, le printemps politique 2022 et ce début d’été peuvent être qualifiés d’historiques et d’inédits. La République française n’a pas vacillé alors que certains l’ont probablement souhaité. Et ce n’est pas la première fois que les équilibres entre les différentes forces politiques ont été modifiés par les électeurs. Non! La nouveauté réside dans le fait que le Président de la République, reconduit en mai sur la base d’un projet que ses détracteurs déclarent inexistant et néfaste, ne dispose pas d’une majorité absolue pour gouverner à sa guise et sans à-coup avec l’Assemblée Nationale mais d’une majorité relative que les oppositions, prenant quelque liberté avec l’arithmétique, assimilent à une minorité.

Cette conjoncture – pourtant classique – amène l’ensemble les commentateurs à écrire, à grand renfort d’éditoriaux que cette situation est exceptionnelle. Une analyse confortée, pour faire bonne mesure par des avalanches de « petites phrases assassines » échangées de part et d’autre des barricades fictives dressées pour marquer les frontières des grands principes.

Dans cette scène et ce scénario, où chacun joue un rôle de composition, la seule surprise ne tient que dans les appréciations portées sur les prestations surjouées des mauvais perdants de tous bords et par la découverte, à cette occasion, de nouveaux ringards/braillards siégeant sur les bancs de l’Assemblée Nationale.

En fait, la seule surprise attendre au-delà de ces jeux d’acteurs, ce serait l’élection le 28 juin 2022 pour la première fois dans l’épopée républicaine française, d’une femme à la Présidence de L’Assemblée Nationale. Ca ne changerait rien et ça changerait tout.

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