Ce slogan anticlérical attribué à Paul Bert (1833-1886) et repris en 1905 par les libres penseurs lors de l’adoption de la loi sur la laïcité dans la République, conserve toute sa pertinence, un siècle plus tard, tant l’espace public est actuellement abusivement envahi, littéralement « thrombosé » par le prosélytisme religieux…Il suffit juste d’en généraliser la portée – limitée à l’époque à la calotte des tonsurés catho – en y adjoignant un ras-le-bol tonitruant à l’adresse de tous les porteurs de chachias, chéchias, bonnets de prière et autres kippas ainsi qu’à tous ces fiers mâles provocants à la pilosité hirsute et abondante, qui s’exhibent en babouches d’Ali Baba dans les banlieues!
Dans un ouvrage publié en 1900, « les crimes du cléricalisme », le romancier et essayiste libertaire Jules Lermina (1839-1915) concluait la première partie de son ouvrage, consacrée aux dérives sanglantes et séculaires de la religion catholique, de l’Inquisition aux dragonnades en passant par la croisade contre les albigeois, par cette phrase d’une lucidité confondante, à vocation universelle et presque prophétique (si j’ose dire), si l’on en juge par sa toujours douloureuse actualité : « l’Eglise est la voix du Dieu d’amour qui respire avec des lys le relent des charniers ».
Dans sa seconde partie, tout aussi intéressante, l’auteur montrait que l’Eglise catholique – la seule qu’il avait alors « sous la main » et qu’il brocardait allègrement – entretenait volontairement l’ignorance chez ses ouailles pour asseoir durablement son autorité…Parmi les « trucs » qu’il dénonçait, mis en œuvre depuis deux mille ans pour asservir la populace, il réservait un traitement spécifique à la question de la culpabilisation originelle des infortunés croyants et à celle de la résurrection d’entre les morts, pierre angulaire de la mystification, et authentique carotte paradisiaque. Mais un peu comme une promesse « hollandaise », la « résurrection, censée répondre à l’angoisse existentielle de chacun, reporte les jours meilleurs, à plus tard, bien plus tard, trop tard … De nos jours, les préventions de Lermina demeurent valides… Les charlatans persistent à tourmenter les naïfs, les angoissés de la vie et les inquiets de l’existence en leur faisant miroiter l’éternité et le paradis, que de vieux grimoires qualifiés de sacrés auraient effectivement prévus!
Ainsi, la culpabilisation est érigée en projet cardinal, pour les fautes originelles commises « à l’insu de son plein gré », mais qu’un Créateur contrarié serait prêt à effacer sous certaines conditions. Ce faisant, l' »Infiniment bon » à l’origine du « Grand Tout » se comporte un peu comme un pompier-pyromane, particulièrement pervers qui allume l’incendie et en accuse les victimes !
L’espoir d’une résurrection dans une félicité éternelle est encore plus entravant, car subordonné à l’oubli de soi-même par une abnégation sans limite ici-bas! La perspective est très spéculative mais, en principe, alléchante, car on ne saurait douter que le Très-Haut généralement ombrageux et lointain fasse les choses « en grand » et mette les petits plats dans les grands, lorsqu’il admet quelqu’un à partager sa table ou sa couche. La récompense dans l’au-delà serait à la hauteur des sacrifices consentis… L’interminable partie de « jambes en l’air », à laquelle le croyant se prépare avec délectation, avec tous ceux qu’il a aimés puis perdus, ou ratés ainsi qu’avec tous ceux qu’il aurait pu aimer sans y consentir de son vivant et que la grâce divine a transfiguré en anges bienveillants, vaut bien quelques mortifications en ce bas monde! Une éternité jouissive en compensation d’un présent douloureux: tout un programme!
En complément de ce bréviaire un peu abstrait, la religion a développé une palanquée indigeste de dogmes et de rites liturgiques, dont certains, assez curieux, bien que n’étonnant plus personne depuis des lustres… Ainsi « manger » le corps du Christ rédempteur à chaque eucharistie et « boire » son sang, peut sembler, de prime abord, peu ragoutant et même discutable pour le premier impie venu. Ce n’était pas l’avis des bons pères qui, au catéchisme, s’évertuaient à nous montrer la grandeur et le privilège consenti à notre profit par cette forme d’anthropophagie mystique (deophagie) ou de cannibalisme religieux. Ils insistaient même lourdement pour nous dire qu’il ne s’agissait pas, là, d’une pratique symbolique, mais que le pinard avait bien été transformé en sang et que le pain – qui d’ailleurs n’en était pas – était vraiment devenu le corps ubiquitaire de Dieu fait homme !
CQFD, il n’y a plus rien à voir, vous pouvez circuler.
Le plus surprenant, c’est que tous ces tours de passe-passe, qui défient la logique et le bon sens continuent encore d’abuser le monde ! Ils ont même une fâcheuse tendance à nous « pomper l’air » … « Justement », nous rétorque-t-on, c’est parce qu’ils défient l’intelligence humaine, qu’ils portent la marque de Dieu ! La révélation ne se discute pas ! Elle colonise les « cœurs simples » prêts à l’accueillir ! Les autres sont voués à la géhenne…
A la fin de années soixante, tout ce fatras d’idées incongrues et baroques, venues du fond des âges, semblait progressivement s’enfoncer dans les oubliettes de l’histoire. Certains ont même cru trop vite à la mort de Dieu. En tout cas, pouvait-on espérer, un demi-siècle après l’institution de la laïcité comme principe constitutionnel, que la tolérance religieuse avait irrémédiablement gagné du terrain, et que les guerres de religion appartenaient définitivement au passé. On formait naïvement le vœu qu’elles ne seraient plus évoquées que comme des épisodes cruels de l’histoire de l’humanité et de ses errements mortifères… On « croyait »alors ingénument qu’on pouvait se déclarer athée ou agnostique sans être regardé avec méfiance par la collectivité et sans risquer sa peau. On n’imaginait pas un instant que la critique des religions serait un jour taxée de xénophobie dans une République laïque et que ceux qui s’y livreraient risqueraient des condamnations pénales…
C’était l’époque où l’on pouvait se revendiquer de la pensée de Voltaire sans subir de pression de la part de barbus incultes, d’enturbannés de tous poils ou de calottés de toutes obédiences. Ce n’est malheureusement plus le cas… La « vénération » publique – et presque obligatoire – des fêtes religieuses est devenue de mise. Elles sont d’ailleurs abondamment annoncées et relayées par les médias de service public d’un Etat qui continue, malgré tout, de se déclarer profane, mais qui assiste impuissant – ou complice par faiblesse – à la montée des intégrismes religieux, et qui, de ce fait, abandonne aux méfaits de l’obscurantisme, bon nombre de nos jeunes compatriotes tenus en sujétion idéologique et cultuelle liberticide et désormais mortifère. Les exodes massifs vers les lieux d’exaction terroriste en témoignent malheureusement de manière effroyable.
Rarissimes sont les radios, les télés ou les journaux, qui se dispenseraient, par respect pour tous ceux que le fait religieux omniprésent irrite, de rappeler, à grand renforts d’émissions ou d’interviews, la date de la Pâque chrétienne ou juive, de Yom Kippour ou de l’Aïd el-Kebir! Pourquoi sur-informer des pratiquants déjà embrigadés qui connaissent le moindre froncement de sourcils des grands prêtres du communautarisme? Pourquoi importuner les autres, les mécréants? Evidemment ce matraquage religieux est contestable, et la presse, volontairement ou non, fait ainsi le lit de tous les sectarismes confessionnels…
Encore plus rares sont ceux qui oseraient porter un regard critique sur ces fêtes, comme l’Aïd el-Kebir qui, selon la tradition, commémorerait le sacrifice odieux que Dieu exigea d’Abraham : à savoir, d’égorger son fils comme preuve de sa soumission…Par peur d’être taxé de « racistes » et mis en accusation par les milices associatives de la police religieuse, personne ne se permettrait, à l’instar de ce que faisait le regretté Jules Lermina en 1900, de porter un jugement critique sur cette accumulation de réminiscences archaïques que la simple morale devrait condamner sans appel. Pour les mêmes motifs, on n’ose plus s’indigner publiquement des prêches enflammés voire hallucinés, perpétrés, à cette occasion, par certains imans en France. Ces discours inculqués à des esprits fragiles peuvent parfois constituer des pousse-au-crime. Les commentateurs préfèrent frileusement mettre l’accent sur la bonté divine, qui mit fin à ce sinistre chantage divin, en substituant un mouton au pitoyable fils, et sur la fête familiale qui s’ensuit…Le « rite » de l’égorgement qui confine à l’horreur, marque pourtant l’empreinte de la barbarie… Le mythe catholique de la crucifixion rédemptrice n’est plus ragoutant.
Au nom d’une conception dévoyée de la citoyenneté, qui prospère habilement sur la misère banlieusarde, et d’un droit à la différence qui masque en réalité une certaine indifférence complaisante à l’égard d’un repli communautaire inquiétant, on préfère démissionner…Mais, ce faisant, on abandonne aux imposteurs faussement dévots, toute une frange de notre jeunesse qui ne demande qu’à jouir paisiblement de l’existence.
En réalité, s’il y a un combat à mener aujourd’hui, c’est bien celui de la conquête d’une pensée libérée, celui de la liberté de croire ou de ne pas croire… C’est celui aussi de la lutte contre l’ignorance et la bêtise. De la solidarité enfin avec les plus faibles socialement, notamment ceux issus de l’immigration, proies faciles et victimes désignées de tous ces escrocs des religions, qui leur proposent l’exclusion identitaire comme palliatif à leurs difficultés ou comme réponse à la légitime question de la transcendance. Leur répliquer devient urgent. Il n’est que temps de retrouver pacifiquement l’esprit des Lumières…
Retrouver l’esprit des Lumières ! C’est-à-dire le goût de la discussion, la religion du doute et l’amour de la tolérance…C’est urgent et non optionnel! Tout le contraire de l’adoration d’une révélation qui emprisonne les vies et les consciences dans un carcan d’inepties dangereuses… et qui dresse des barrières infranchissables entre ceux qui croient et ceux qui doutent, omettant d’observer qu’ils appartiennent à la même humanité!
Il n’y a pas d’autre voie pour s’éviter des lendemains barbares…
Peut-on se satisfaire que plusieurs centaines de nos compatriotes, qu’on a sûrement connus gamins délurés et rigolards, donnent un sens à leur existence en choisissant de donner la mort à leurs semblables étrangers à leurs croyances, et qui acceptent leur mort comme une libération au seuil de leur vie? Peut-on admettre que ces jeunes, soient parvenus à se convaincre de juguler leur mal être en terrorisant ceux qu’ils côtoyaient sans agressivité quelques mois auparavant? Qu’a-t ’il manqué à leur éducation pour arriver à concevoir de telles inepties et pour en faire les acteurs et les promoteurs de tels déchaînements de haine ?
Comment ne pas s’indigner lorsque grossissent sous nos yeux des cohortes toujours plus nombreuses de jeunes femmes, qui s’auto-mutilent de leur séduction en se voilant le visage au nom de Dieu ? A ces martyres prétendument consentantes, sous tutelle de leurs compagnons machistes et liberticides, qui osera dire que l’hypothétique « créateur du ciel et de la terre », omniscient et omnipotent a sûrement autrement chose à faire que de prescrire, avec sadisme, de telles mesquineries misogynes? Pourquoi, réserverait-il à la seule espèce humaine parmi les milliers d’autres sexuées, ces petitesses infamantes et ridicules? Combien fut salutaire à cet égard – et courageux – le coup de gueule de l’écrivaine et journaliste tunisienne Fawzia Zouari, publié dans la revue « Jeune Afrique » du 02 mai 2014…. Notre soutien sans réserve lui est acquis. Qu’est-elle devenue aujourd’hui?
Ce sont des personnes de sa trempe qui redonnent confiance dans l’avenir! Ce sont grâce à elles qu’on peut raisonnablement penser que l’obscurantisme religieux finira bien par reculer…
Mais il faudra aussi retrouver le chemin de l’école républicaine! Restaurer l’autorité des professeurs, rappeler qu’on appartient à la même Nation et privilégier l’apprentissage des savoirs fondamentaux, seuls en mesure de structurer la pensée et de la rendre libre… Tout un programme, qui suppose « d’exiger pour instruire, plutôt que de complaire par peur de déplaire » . Et par là de se satisfaire des ghettos de l’ignorance et des faux savoirs qui enferment plutôt qu’ils ne libèrent et qui sont les marchepieds de la sauvagerie!
J’abonde dans le sens de ces idees justes et pleines de verite et de bon sesns
Merci mon frère! Te souviens-tu de nos discussions sur Gambetta, il y a un demi-siècle?
« Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes et qui, en conséquence, est sûr de monter au ciel en vous égorgeant?’
Voltaire
Eh oui, vieux frère! On est impuissant et transi d’effroi face à ce type d’ineptie barbare! Bravo pour la citation que j’ignorais.
Ni Dieu, ni maître, à bas la calotte et vive la sociale. !!!, je trouve ton analyse GENIALE et merci de l’écrire. Peu de personne, aujourd’hui ose l’exprimer .
ta photo de la cène bien trouvée.
Merci pour ce commentaire qui me touche vraiment!
Bonjour, Je suis en tout point d’accord avec vous. Parfois, je me fais le plaisir d’acheter un document ou un livre ancien, mais mes moyens ne me permettent pas d’acheter des ouvrages importants ou hors de mes prix. C’est ainsi que je me suis offert un mini-livre, simplement relié par deux points de couture, dont le sujet porte sur la guerre de 1870. De cette période, on ne retient souvent que La Commune, qui le mérite bien, mais on oublie d’évoquer les atrocités dans le reste du territoire. L’auteur est justement Jules Lermina. Par sympathie pour l’auteur et l’éditeur, j’ai eu envie d’en savoir davantage sur ce Jules Lermina, son horreur de la guerre, son anticapitalisme et son anticléricalisme. J’en ai appris beaucoup sur Internet, dont votre blog. Il reste cependant une petite précision que j’aimerais connaître : était-il membre d’une ou plusieurs associations de libres-penseurs ? Cela me donnerait un nouvel ancêtre de militantisme et j’en serais heureuse. Avez-vous des renseignements sur ce détail ? Merci.
Bonjour, Je vous remercie de votre commentaire. Je me réjouis toujours lorsque certains ou certaines de mes lecteurs ou lectrices partagent mon point de vue; et ce, en dépit du matraquage du « politiquement correct » ambiant fondé sur la pratique insensée du faux-semblant et de l’euphémisme…S’agissant de Jules Lermina qui peuple mon imaginaire depuis des décennies, avec des poètes comme Gaston Couté, je reconnais volontiers ne pas en savoir beaucoup plus à son sujet que ce que nous rapporte Internet. J’ignore en particulier le détail de ses engagements militants, même si je sais qu’il était très proche des milieux libertaires. Sa biographie reste à rédiger, mais, pour moi, ce qui importe, c’est l’esprit libre que reflètent ses écrits…D’autant que le « bougre » écrivait avec talent… Vous avez de la chance d’avoir pu vous procurer un de ses ouvrages! Merci encore pour votre réflexion et votre appréciation élogieuse de ma très modeste contribution au débat d’idées…
Pour reprendre une discussion un peu ancienne, il me semble que la première des qualités distinguant l’homme évolué de la bête est le recul/esprit critique. Le phénomène religieux s’explique assez facilement par deux causes importantes : la défense de sa tribu et la manipulation des masses pour acquérir le pouvoir.
S’agissant de la défense de sa tribu, il ne faut pas oublier que nos ancêtres préhistoriques (dont nous sommes génétiquement extrêmement proches) devaient faire face à des agressions multiples, soit de la nature soit des tribus voisines. C’était donc un avantage pour la tribu d’avoir des membres persuadés qu’il y a quelque chose après la mort et qui étaient donc pour cela prêts à mettre en jeu leur vie pour leur tribu. A partir de là la sélection naturelle a fait son œuvre, les tribus possédant une plus grande proportion d’individus de ce type prenant assez vite le pas sur les tribus moins dotées. Les « gènes » religieux ont donc progressivement émergé par la sélection naturelle.
Quand à la manipulation des masses par la religion, le phénomène est ultra-classique. Nombre de leaders religieux ne croyant certainement pas un mot de ce qu’ils essaient de faire avaler au troupeau.
C’est l’honneur de la civilisation occidentale de s’être dégagée progressivement de cet obscurantisme. Il est vrai qu’il y a même pas un siècle nos concitoyens affichaient un catholicisme apparemment profond mais la vitesse à laquelle les églises se sont ensuite vidées prouve bien qu’il ne s’agissait que d’un conformisme social qui a disparu dès lors qu’il n’était plus vital de s’afficher catholique (aux USA il y a encore un fonds religieux sans doute largement lié à la pression sociale : jurer sur la bible …)
La question est de savoir si le même phénomène va se reproduire dans les pays actuellement les plus arriérés (Islam…). Vraisemblablement les progrès de l’alphabétisation et le diffusion de l’information (tv…) devraient faire leur œuvre.
En attendant cette transition, il y a encore quelques décennies difficiles à passer face au couple infernal religion/terrorisme. Fort heureusement la technique est en train de rétablir l’équilibre, les drones et autres engins pilotés à des milliers de km de leur cible permettant une efficacité de plus en plus grande sans avoir à sacrifier la vie du combattant luttant pour les lumières !
Merci, l’ami… Brillante analyse, comme d’habitude, que je partage pour l’essentiel… Ce que tu dis à propos de l’agnosticisme des leaders religieux fait écho à un livre que je viens de lire par un auteur américain – Jack El-Hai- sur la psychologie des accusés nazis de haut rang du procès de Nuremberg: selon les psychiatres qui les ont suivis durant leur année d’incarcération, non seulement ils n’étaient pas affectés de maladie mentale, mais ils ne croyaient pas aux sornettes de l’idéologie nazie. Göring avec un certain cynisme et une étrange lucidité, admettait que la seule chose qui l’intéressait c’était le pouvoir et que l’idéologie nazie n’était qu’une imposture pour tromper les « masses populaires »…Et, selon lui, pourquoi s’en priver puisque ça marchait!