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Posts Tagged ‘SCPRI’

Le 30 novembre dernier, Gérard m’a téléphoné de sa chambre d’hôpital. J’ignorais que ce serait notre dernière conversation. Peut-être, que lui le pressentait, mais il n’en a rien laissé paraitre, en dépit des souffrances que lui infligeait sa maladie et dont il m’a tout de même fait part. Malgré la gravité de son état, il semblait même garder espoir, allant jusqu’à faire diversion et évoquer avec légèreté les peintres impressionnistes dont il était un fan absolu, et disserter à propos des chefs d’œuvre de la collection Morozov exposés actuellement à la Fondation Vuitton. Il se promettait -disait-il – d’y déambuler dès qu’il serait en mesure de le faire..

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En badinant ou presque, nous avons confronté nos vieux souvenirs communs ainsi que certaines figures de notre profession aujourd’hui disparues. Nous avons devisé sur l’actualité politique avec un certain désabusement et même, en ce qui le concernait, un certain détachement. Mais, je n’ai pas perçu au cours de cet échange complice d’une trentaine de minutes, qu’il me disait adieu. J’aurais pourtant dû m’en douter eu égard à la durée inhabituelle de notre entretien et même à sa teneur souvent plus intimiste, plus fataliste aussi que d’ordinaire, nostalgique et en déphasage assez marqué avec sa pudeur coutumière et sa réticence à parler de lui-même.

Gérard était en effet un homme modeste, réservé et chaleureux, mais peu porté aux confidences sur ses états d’âme, en dehors certainement de son cercle familial.

Or ce jour-là, il parlait d’abondance et je l’écoutais, sans pouvoir partager sa souffrance.

C’est donc avec une immense tristesse que j’ai appris ce matin par son épouse, qu’il nous avait quittés le mardi 7 décembre 2021 dans une unité de soins palliatifs d’un hôpital parisien. Il était âgé de soixante-treize ans.

Le moins que l’on puisse faire désormais, c’est de lui rendre l’hommage qu’il mérite et d’assurer à ses proches, à son épouse et à sa fille que nous ne l’oublierons pas. Nous honorerons sa mémoire. En leur présentant nos sincères condoléances, nous nous souvenons que Gérard, fut un des nôtres et qu’il sut à nos yeux incarner l’homme de bien au sens de la philosophie des Lumières. C’était un patriote qui aimait intensément la France et qui admirait le général de Gaulle.

Au-delà de ses convictions politiques que je ne partageais pas nécessairement toutes, et qui ne firent jamais obstacle à notre amitié, nous nous respections. Ce fut enfin un très grand professionnel de la métrologie des rayonnements ionisants tant par sa technicité et le talent qu’il déployait, que par la passion qu’il mettait à faire vivre concrètement la radioprotection afin de garantir, dans l’anonymat de son labo, la sécurité de ses concitoyens et l’intégrité de leur environnement face au risque nucléaire ou radiologique. Sans catastrophisme hors de propos mais sans masquer quoi que ce soit des risques encourus.

Eminent acteur de notre discipline, il en fut un référent circonspect et réservé, sans doute trop méconnu du public mais heureusement reconnu par ses pairs. Et pour nous, il fut un collègue exemplaire – un maitre – et surtout notre compagnon d’aventures. Tout d’un ami en somme, discret mais présent aux moments opportuns!  

Nombreux sont ceux, aujourd’hui endeuillés, qui peuvent témoigner de sa compétence, de la sûreté de ses diagnostics ainsi que de son sens de la pédagogie pour transmettre son expertise métrologique sur des situations incidentelles ou accidentelles. Lesquelles étaient presque systématiquement délicates et techniquement complexes, souvent conflictuelles, du fait de la présence éventuelle de matières radioactives potentiellement disséminées dans la nature. Dans ces circonstances, je peux personnellement attester – comme beaucoup d’autres – de sa détermination et de son courage à soutenir un point de vue qu’il estimait scientifiquement fondé, y compris lorsque de hautes autorités affirmaient le contraire.

C’est donc une personnalité particulièrement attachante que nous perdons. Elle s’en va et c’est une grande tristesse en cette année maudite qui nous a déjà privés récemment d’un autre éminent collègue et ami fidèle, Alain Biau (1949-2021), disparu au printemps.

L’heure est désormais au bilan d’une vie.. Bilan que nous ne saurons, es qualité de collègues, que très partiellement dresser. L’homme était pudique et nous n’avons, bien sûr, pas vocation à pénétrer ce qui relève de l’intime. En revanche, ce que l’on sait avec certitude c’est que tout au long d’une carrière exemplaire à tous égards, Gérard a privilégié son exigence déontologique et éthique ainsi que son expertise, sur les postures grandiloquentes et narcissiques qui n’ont l’heur de satisfaire que les égos. En permanence, de conserve avec Gerno Linden, le responsable de son département, lui-même prématurément disparu, il a recherché à améliorer la qualité et les performances de son laboratoire ainsi que la fiabilité des données scientifiques qu’il produisait. Et ce, sans trop se soucier des controverses médiatiques à visée politicienne que ses résultats pouvaient susciter à tort ou à raison.

Embauché en 1966 dans le Service de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI), fondé par le Professeur Pierre Pellerin, quelques années auparavant, Gérard Fouquet fut l’un des principaux témoins et protagonistes de la radioprotection en France durant le demi-siècle écoulé. La plupart des grandes « affaires » de contamination ou de surexposition de l’homme ou de l’environnement sont passées à un moment ou à un autre entre ses mains de physicien spécialiste de la métrologie des rayonnements ionisants.

Beaucoup de ces « scandales » réels ou fictifs qui ont défrayé l’actualité – sinon la chronique – ont d’ailleurs connu leur épilogue, d’un point de vue analytique, parce que Gérard en a assuré la spectrométrie sans autre considération que de bien faire son travail, en bousculant les idées reçues et les convenances préétablies et au détriment parfois de son propre confort. Dans toutes ces situations, il a fait valoir prioritairement et sans concession, sa position de scientifique et de technicien dès lors qu’il la savait juste et démontrable. Beaucoup d’exemples me viennent à cet instant à l’esprit, depuis les mesures faites en France après la catastrophe de Tchernobyl, jusqu’à la contamination ancienne de locaux d’une « cité sanitaire » de Dordogne où la pertinence de ses analyses spectrométriques et leur interprétation débouchèrent, il y a une vingtaine d’années – et de manière inattendue – sur une authentique découverte historique concernant les circonstances de l’identification par la famille Curie d’un radioélément naturel, l’actinium, un descendant de l’uranium.

Son univers de travail

Gérard savait tout des spectres d’émission des éléments radioactifs. Formé à l’ancienne, il accompagna néanmoins avec talent et une certaine gourmandise, toutes les évolutions de son métier, des équipements modernisés aux logiciels de traitement des signaux les plus élaborés. Il sut non seulement en tirer techniquement le profit escompté mais aussi prendre le recul nécessaire quand les résultats lui semblaient discutables. Ainsi, lorsque l’identification d’un radioélément, fournie par la bibliothèque numérique lui apparaissait aberrante voire incohérente, il élargissait son analyse spectrale en s’intéressant à des raies d’émission sur d’autres bandes d’énergie. S’affranchissant des standards retenus par les concepteurs des algorithmes de traitement de signal, il n’hésitait pas alors à recourir aux méthodes « manuelles » d’antan, plus rigoureuses mais moins rapides que les programmes informatiques prédigérés. C’était en d’autres termes, un vrai pro! Un artiste!

C’est cette rigueur, cette passion du travail bien réalisé, cette soif de comprendre et d’apprendre, qui ont fait du jeune aide-physicien qu’il était en 1966 quand il intégra le service de spectrométrie gamma du Professeur Moroni au SCPRI, l’ingénieur accompli et admiré qu’il devint par la suite, à l’Office de Protection contre les rayonnements ionisants à partir de 1994 puis à l’Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire en 2002.

Au-delà de cette vie professionnelle aux multiples facettes et développements, dans laquelle la spectrométrie s’apparentait un peu à un art, Gérard Fouquet était aussi un homme de culture authentique, visiteur jamais rassasié des expositions de peinture, de photographies et des musées. C’était également un amoureux de la langue française. Un promeneur infatigable dans les rues de Paris qu’il aimait, à la recherche permanente de l’insolite. Ces derniers temps, la transformation de la capitale l’attristait mais il ne désespérait que cette dégradation qu’il déplorait, finisse un jour par s’inverser… Il ne le verra pas.

Nymphéas de Claude Mo,net

Ce 30 novembre 2021, Claude Monet (1840-1926) s’invita dans notre ultime conversation au travers des Nymphéas qui, pour Gérard, symbolisaient la beauté et l’harmonie suprêmes.

Et à cette occasion, sans que je me souvienne si c’est lui ou moi-même qui aborda la question, nous évoquâmes le geste d’amitié, de douleur et de fureur de Georges Clemenceau lors des obsèques de Claude Monet son ami. Il retira le drap noir qui recouvrait le cercueil du peintre en prononçant ses paroles: « Non ! pas de noir pour Monet. » Et il le remplaça par une étoffe aux couleurs des fleurs.

A chacun de réfléchir au linceul qu’il faudrait enlever en ces instants de tristesse où Gérard, un de nos chers amis, s’en est allé ailleurs ou nulle part. Un de nos amis, dont tout laisse à penser qu’il dédia sa vie à la recherche esthétique de l’harmonie du monde. Fondamentalement Gérard était un artiste!

Pars en paix l’ami. Tu as bien fait ton job! Au-delà du trépas, tu demeures des nôtres.

Siège « anthropo » thorax/thyroïde
Tests au Vésinet – Années 70
J.C Martin (pupitre), A. Biau (siège) –
G. Fouquet près des détecteurs.





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Rarement homme n’aura été autant calomnié de son vivant que le professeur Pierre Pellerin qui s’est éteint à 89 ans, le 3 mars 2013 dans la discrétion à l’hôpital Georges Pompidou. Gageons que la postérité saura rendre lui l’hommage qu’il mérite, lui qui fut le véritable inventeur de la sécurité nucléaire en France et un grand serviteur de l’Etat. Mais un grand serviteur « à l’ancienne » qui plaçait ce qu’il considérait comme essentiel, à savoir l’intérêt général de la collectivité nationale, au premier plan de ses préoccupations, au détriment souvent de son propre intérêt personnel. Lui, l’alsacien de naissance et lorrain de cœur et d’origine, né quelques années après le retour de l’Alsace-Lorraine dans le giron national, il aimait et faisait aimer la France à la manière d’Erckmann-Chatrian, passionnellement, viscéralement, excessivement !

Au caractère bien trempé et peu familier des techniques modernes de communication, Pierre Pellerin fut un homme injustement méconnu. Il était parfois un interlocuteur difficile et autoritaire, mais c’était aussi un homme de fidélité, de conviction et un homme de science, auteur – ce que souvent l’on ignore intentionnellement – de plus d’une centaine de publications, et pas seulement à connotation médicale car l’homme était aussi féru de technique et de métrologie. Et ce, à l’inverse de la plupart de ses détracteurs qui ne puisèrent la plupart du temps leur science que dans une logorrhée anti-Pellerin.

Mais les qualités de Pierre Pellerin, totalement dévoué à sa cause, celle de la sécurité nucléaire dans le cadre d’une politique nucléaire volontariste, avaient aussi leur revers ; en particulier celui de négliger son image. Elles paraissent aujourd’hui dépassées où l’important est avant tout de savoir hurler avec les loups, flatter l’opinion publique et ne pas hésiter à énoncer des contre-vérités pour accabler ceux qu’on cherche à abattre. Pierre Pellerin, lui, aimait prendre les gens à contrepied et à affirmer hautement ses positions quels que soient les cénacles dans lequel il se trouvait. Patron depuis 1956 d’une sorte de PME publique – le SCPRI – il était nuit et jour au four et au moulin, aussi bien dans son bureau, que dans ses labos ou ateliers, ou sur le terrain. Et s’il était un homme de pouvoir – presque de droit divin selon ceux qui le jalousaient- il n’appréciait les responsabilités, qu’il ne déléguait qu’avec parcimonie, que dans la mesure, où il les considérait comme un levier pour agir, parfois au forceps, sur le cours des choses. Mais il méprisait l’opportunisme et ne cherchait pas, à tout prix, à plaire. Ce ne sont pas les honneurs qui le faisaient courir ni la reconnaissance publique.

L’homme était courageux, et même « gonflé », car lorsqu’il avait la conviction de devoir s’impliquer personnellement ou même de s’investir dans une opération, y compris physiquement, il n’hésitait pas à le faire, bousculant si nécessaire tous les codes feutrés de l’administration. Ainsi, il pouvait tout aussi bien contredire publiquement un préfet, un ministre ou un conseiller de Matignon et même passer outre des instructions qu’il jugeait inappropriées ou ridicules. Et il s’imposait! Forcément, cette intransigeance de comportement irritait! Il pouvait également participer en personne à la décontamination d’un lieu lorsqu’il estimait que la présence d’une source radioactive risquait de provoquer une exposition pénalisante du public. Il provoquait ainsi l’ironie et la médisance des champions de la procédure, bien calfeutrés dans leurs bureaux, et s’attirait de nombreux ennemis, d’autant plus implacables qu’ils ne se déclarèrent qu’après que l’homme fut amputé de ses responsabilités. Auparavant, ils faisaient mine de l’approuver. Une simple référence à son nom dans l’enceinte d’une installation nucléaire provoquait la peur du gendarme, et, en privé, il s’en amusait : «  C’est comme Dieu, moins on le voit, plus on en a peur ! ».

Ce caractère bravache – presque gaullien – de Pierre Pellerin – au physique singulier de l’homme tourmenté –  en permanence exposé aux sourdes rancœurs de ses contempteurs, fut aussi son talon d’Achille. Il est tombé, victime d’une conjuration de médiocres au sein duquel, on retrouvait indifféremment certains ténors du prestigieux corps d’ingénieurs des Mines, concepteurs du programme électronucléaire, qui vivaient mal l’autonomie que Pierre Pellerin affichait ostensiblement par rapport à eux en matière de contrôle de la sécurité nucléaire, et les écolos qui firent de Pellerin le bouc-émissaire de leurs options anti-nucléaires, donc l’ennemi à abattre. Les uns toléraient mal la concurrence du médecin Pellerin, inventeur des principes de la radioprotection et de la sûreté nucléaire, et par conséquent illégitime dans ce secteur de l’énergie où traditionnellement la consanguinité de la haute ingénierie d’Etat est de règle depuis Napoléon 1er pour inspecter, exploiter, expertiser! Les autres craignaient que l’indiscutable réussite de la doctrine de la sécurité nucléaire française, dont Pierre Pellerin était le promoteur, l’acteur et le concepteur, rende crédible l’énergie nucléaire. Cette collusion contre nature entre des intérêts divergents qui ne s’accordaient que sur la haine du professeur Pellerin, fut en outre favorisée par la démission des « politiques » qui n’hésitèrent pas à le lâcher pour masquer leur propre irresponsabilité, voire leur incompétence notoire sur un sujet pourtant hautement politique.

Dans ce contexte, la catastrophe de Tchernobyl fut une aubaine pour les adversaires du Professeur Pellerin, dont la stature de mandarin à l’ancienne autorisait toutes les fables ou les rumeurs les plus fantaisistes à son propos, y compris, celle fameuse du nuage que « le directeur du SCPRI aurait arrêté aux frontières ». Evidemment, jamais Pellerin n’a énoncé une telle sottise, qui est une pure construction médiatique, et qui, pourtant, en dépit de toutes les démonstrations apportées, continuent imperturbablement d’être portées à son débit. Même le « Figaro » qui ne fut  pourtant pas l’organe de presse le plus défavorable à son égard, annonçait son décès en l’associant à Tchernobyl !

Le professeur Pierre Pellerin qui était d’un abord assez austère, se prêtait assez bien à la caricature et est aujourd’hui assimilable au Schmürz de Boris Vian. Il est injustement oublié pour tout ce qu’il a fait de positif et est constamment accusé pour ce qu’il n’a pas réellement fait. En ce sens, son rôle profondément déstabilisant d’exutoire national est presque devenu essentiel, car fédérateur des contraires : on ne compte plus les alliances de circonstances contre lui, qui ont scellé des mariages improbables d’adversaires irréconciliables, comme la haute technocratie d’Etat et les antinucléaires, qui continuent d’ailleurs avec un acharnement douteux de le poursuivre de leur vindicte, comme palliatif à leurs propres insuffisances.

Parmi les curiosités de l’héritage du professeur Pellerin, il y en a qu’on lui dénie farouchement, comme sa contribution dans l’élaboration de la doctrine réglementaire de la radioprotection, ou son idée de créer un réseau national de télésurveillance en continu de la radioactivité du territoire français, ou encore celle de centralisation de la dosimétrie des travailleurs ainsi que son cumul dans une banque de données nationale. Il en est de même de la surveillance radiologique systématique de l’environnement, ou encore les filtres à sable dans les centrales nucléaires. Il est probable qu’il fut l’homme d’une situation à un moment donné, mais ce qui est incontestable et trop souvent omis, pire, nié, c’est que c’est à lui que revient l’initiative de toutes ces réalisations, dont se glorifient aujourd’hui ses successeurs.

On oublie aussi volontiers son action résolue pour interdire la radioscopie médicale, pratique dangereuse aussi bien pour les patients que pour les médecins. En revanche, on met en avant en les détournant de leur contexte et en les dénaturant jusqu’à les rendre absurdes, certains des principes auquel il était attaché comme la confidentialité médicale des données d’exposition externe et interne aux rayonnements ionisants. Qui ne se souvient « avec répugnance » de la déclaration à la tribune tourangelle d’un congrès de la Société française de radioprotection, au début des années 2000, d’un éminent représentant du corps des mines, directeur général de l’autorité de radioprotection, à l’époque autoproclamée, mettant les rieurs de son côté, en caricaturant la pensée de Pellerin pourtant en retraite depuis plusieurs années ! Et en brandissant comme « prétendue preuve » des turpitudes du professeur une brochure du Journal officiel sur la radioprotection, qui d’ailleurs n’a plus été rééditée depuis!

A l’instigation de personnes qui se présentaient comme « ses » victimes, et avec la complicité passive de tous ceux qui, au sein de l’Etat, avaient intérêt à se partager sa dépouille, le professeur Pellerin a été injustement accusé de « tromperie aggravée » en tant que responsable de la radioprotection en France à l’époque de Tchernobyl. Sa mise en examen en 2006 après avoir été harcelé pendant vingt ans, fut abondamment relayée par les médias. Curieusement, les mêmes se montrèrent beaucoup plus discrètes lorsque la justice l’a définitivement blanchi de toutes ces accusations en novembre 2012. La Cour de Cassation estimait que les griefs à son encontre n’avaient aucun fondement. Malheureusement, les solides motivations des juges demeurèrent inconnues des populations, car la presse dans son ensemble négligea de les reprendre ou de les commenter. Il faut dire qu’à ce moment-là, le tout nucléaire bien-pensant, à commencer par les écologistes « comme il faut »,  pleurait le départ à la retraite du malin président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, celui-là même qui habilement avait tout fait pour porter l’estocade au Professeur Pellerin après avoir confisqué son héritage conceptuel et intellectuel. Malgré tout, ce non-lieu confirmé fut certainement la dernière et ultime satisfaction de ce très vieil homme fatigué qu’était devenu le Professeur Pellerin!

Cette mise hors de cause rassure cependant sur l’impartialité de la justice, car tout le monde y avait mis du sien, pour mettre Pierre Pellerin au trou !  Les écolos tout d’abord, avec à leur tête, une « éminente biologiste », député européenne verte, Michèle Rivasi, qui depuis 1986 cherchaient à le coincer. Elle fut d’ailleurs secondée par un député falot, médiocre biologiste, présumé auteur d’un rapport sur « la longue marche de la transparence nucléaire ». Certains représentants des grands corps d’ingénieurs de l’Etat déjà cités avaient ajouté aussi leur grain de sel ! De même, les exploitants nucléaires qui ne trouvaient plus vraiment utile de supporter les « humiliations » dudit professeur, contrôleur redouté de leurs installations. Enfin, tous ceux qui, à un titre ou à un autre eurent à subir les « caprices » du directeur du SCPRI, et qui, courageusement, n’osèrent jamais l’affronter ouvertement !

Même la magistrate participait, à son corps défendant évidemment, à cette sorte d’hallali collectif, en instruisant avec un zèle d’exorciste, la plainte déposée par les « associations citoyennes » en particulier les victimes putatives de Pellerin, affectées de cancers de la thyroïde. Cancers qui furent dans un premier temps directement imputés au passage du nuage de Tchernobyl sur la France en 1986. Passage que le professeur Pellerin aurait nié ! CQFD.

Vraiment la juge avait bien travaillé, engrangeant sans faiblir des milliers de pièces à charge toutes mises sous scellées. Une camionnette remplie de papiers divers avait embarqué le fruit de sa perquisition au Vésinet dans les ex-locaux de Pellerin ! Même des brouillons manuscrits avaient été récupérés, dès lors qu’ils comportaient le nom ou la signature de Pellerin! Consciencieuse, elle s’était déplacée elle-même, assistée d’une escouade d’officiers de Police Judiciaire. Tout avait été fait pour le mieux!

Las ! Toutes les études épidémiologiques, radioécologiques ou radiotoxicologiques montraient, sur la base des résultats de mesures, réelles ou reconstituées à partir d’expertises ultérieures, qu’il n’était  raisonnablement pas possible de considérer que l’augmentation depuis les années 1970, des cancers de la thyroïde en France était due à la présence atmosphérique ou aux dépôts dans l’environnement d’iode radioactif, dans les jours et les semaines qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Même en Corse ! Cette convergence d’éléments et d’autres, qui auraient découragé la plupart des procureurs, n’influença en rien l’inflexible et courageuse magistrate, qui, après une instruction particulièrement rapide d’environ cinq ans, mit en examen le professeur Pellerin à la grande satisfaction de la nébuleuse d’associations écologistes qui, comme chacun le sait maintenant, n’ont en tête que le bien public.

Malheureusement pour elle, le professeur Pellerin bénéficia sans surprise d’un non-lieu devant la chambre d’instruction. Il fut contesté mais confirmé par la cour d’appel et il le fut de nouveau par la Cour de cassation, le 20 novembre 2012,

Tant d’acharnement à détruire l’image de Pierre Pellerin pour aboutir à ce piètre résultat était sûrement décevant pour tous ceux qui ont cherché à le rayer du paysage. Lui, qui, en outre, avec une régularité d’horloge, a gagné ses procès en diffamation contre les écologistes, comme le député Noël Mamère ! Malgré leur désappointement et leur tristesse d’avoir encore raté leur cible, ceux – dont la députée européenne Michèle Rivasi – qui ont construit leur notoriété et leur carrière politique sur la dénonciation incessante des « fautes du professeur Pellerin, principal parangon de l’omerta nucléaire » ne se découragèrent pas : ils annoncèrent sur les médias, qu’ils encourageraient tous ceux qui déposeraient un ultime recours contre Pellerin devant la cour européenne des droits de l’homme.

La mort leur a, cette fois, soufflé la politesse.

Pierre Pellerin est désormais face à l’histoire, et on peut espérer qu’elle lui rendra définitivement la justice auquel il a droit. Que peut-on finalement lui reprocher si ce n’est un indomptable caractère d’acier, une volonté à toute épreuve et une indiscutable intransigeance à servir son pays ! La plus élémentaire correction – ou simplement l’humanité aurait exigé qu’on le laisse en paix durant ces dernières années. Ce ne fut pas le cas.

La simple justice aurait exigé en outre que ses héritiers directs au sein des institutions ou organismes d’Etat, qui se sont arrogé sa dépouille, alors qu’elles n’ont revendiqué sa succession que pour la dénigrer, tout en se l’accaparant en coulisse, lui rendent l’hommage qu’il méritait : ce ne fut pas le cas ! Mais ne désespérons pas !

Moi qui l’ai personnellement connu, qui a soutenu avec lui certaines controverses, qui ai combattu certaines de ses options techniques ou réglementaires, parfois de manière virile mais à la régulière, je peux dire ma fierté d’avoir été autrefois de ses amis !  Gageons qu’un jour une biographie objective soit consacrée à cet homme de talent, de conviction et de culture, mais d’un autre temps. Celui des grands patrons paternalistes et autoritaires, habités, avant tout, par la grandeur de leur mission au service de la France !

Qu’il repose désormais en paix ! Rassuré aussi car je suis personnellement convaincu que l’avenir saura lui rendre l’estime nationale qu’il n’aurait jamais dû perdre !

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