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Posts Tagged ‘Médecin Coordonnateur’

Deux photographies…

L’une est datée du 19 décembre 2017: on y voit une vieille femme assise dans un fauteuil roulant qui sourit à l’objectif. Sans doute un peu émue, elle vient d’intégrer, de son propre chef, un  » établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes » (EHPAD) à Massy… En fait, sa dépendance n’est liée qu’à son état physique qui ne lui permet plus, depuis son récent veuvage, de faire face en toute autonomie à l’ensemble des taches domestiques.

Mais son dossier médical, préalable à son admission, renseigné par son médecin traitant et entériné, après examen, par le médecin coordonnateur de la « maison de retraite », indique qu’elle jouit d’un « bon état cognitif », qu’elle n’est en rien désorientée et qu’en outre elle ne souffre d’aucune pathologie dégénérative, chronique ou infectieuse, susceptible de mettre en cause son diagnostic vital ou de porter atteinte à la sécurité sanitaire de l’établissement!

Autrement dit, cette personne, en l’occurrence, ma mère Adrienne Turbelier épouse Pasquier, n’est pas une « résidente à risque » pour l’établissement. Les seuls soins spécifiques qui doivent lui être prodigués sont en lien avec sa mobilité réduite, conséquence d’une ostéoporose ancienne, combinée à son grand âge! La facture de l’établissement en contrepartie de son « hébergement » tient d’ailleurs très largement compte de ce handicap…

A noter au passage qu’eu égard au prix de journée, pratiqué, ce type d’établissement est – de facto – interdit aux gens de condition modeste, qui n’auraient pour tout revenu, que la pension de retraite servie par la Sécurité Sociale! Ce coût le rend également inaccessible aux retraités de classe moyenne, qui ne disposeraient pas d’un patrimoine pour faire l’appoint au-delà de leurs pensions! Et pourtant, les services rendus – notamment médicaux – sont assez loin d’égaler l’excellence de résidences à quatre étoiles! 

L’autre cliché a été pris moins de deux mois plus tard, le 13 février 2018 dans le cimetière sud de Massy: il s’agit de la tombe tout juste refermée de la même personne, Adrienne Pasquier (1923-2018)…

Entre temps, elle est décédée le 6 février 2018 dans un hôpital d’Athis Mons, des suites d’une affection pulmonaire initialement « mal soignée ». Elle y avait été admise le 1er février 2018 en provenance du service des urgences de l’hôpital de Massy où, à la demande expresse de la famille, elle avait été hospitalisée, la veille, en dépit des réticences exprimées par le médecin coordonnateur de l’EHPAD.

Que s’est-il donc passé? Comment en est-on arrivé là?

Tous ceux qui ont connu Adrienne savaient qu’elle n’était pas en proie à la neurasthénie. Qu’elle n’avait nullement le goût du suicide! Tous vantaient sa force vitale exceptionnelle et sa confiance presque ingénue dans l’avenir ainsi que sa farouche volonté de vivre malgré les épreuves de l’existence… Comme tout le monde, elle avait connu la souffrance et parfois le malheur comme la mort de Maurice son époux le 7 novembre 2017 à l’issue d’un cancer incurable et après soixante dix ans d’union fusionnelle. Ou la disparition, il y a sept ans et demi, d’une de ses filles…

Mais jamais elle n’avait songé à renoncer à se battre contre la fatalité et à se laisser mourir, comme l’a suggéré de manière péremptoire et inconvenante, le médecin coordonnateur de l’EHPAD.

Son dossier médical d’admission précisait d’ailleurs qu’elle n’était nullement dépressive, qu’elle ne souffrait pas de crise d’angoisse, ni d’hallucinations, qu’elle n’était pas apathique et que ses « comportements moteurs » n’étaient pas aberrants.

Au contraire même! Ainsi, quelques jours avant l’explosion de sa maladie, elle s’était inscrite à toutes les animations et ateliers ludiques ou éducatifs de la maison de retraite. Quelques heures avant sa mort, alors qu’elle était encore pleinement consciente, elle espérait toujours guérir avec une soif de vivre hors du commun. Malheureusement, compte tenu de son état devenu critique, cette perspective apparaissait illusoire à tous ceux qui l’assistaient, y compris au personnel médical de l’hôpital qui avait néanmoins lutté pied à pied contre un mal envahissant irrémédiablement pour tenter de la tirer d’affaire! De l’avis de tous, cette guerre sans merci contre l’infection bronchique était intervenue trop tard!

Personne, hormis le médecin coordonnateur de la maison de retraite, ne s’était donc cru autoriser à affirmer qu’elle « voulait peut-être partir ». Il est vrai que cette scandaleuse posture faussement compassionnelle de l’impudent thérapeute lui permettait de justifier son inertie et sa démission face à la maladie. Sa passivité à soigner n’avait en effet échappé à personne – même pas à ses confrères et consœurs d’ordinaire indulgents.

Cette indolence coupable de la part d’un praticien pourrait même fonder, selon certains de nos conseils, l’ouverture d’une enquête judiciaire pour présomption d’homicide par imprudence ou négligence ou pour non-assistance à personne en danger … Sans compter une autre, parallèle, diligentée par le conseil de l’Ordre des médecins, pour manquement aux principes de la déontologie médicale et pour reniement du serment d’Hippocrate, et éventuellement un signalement auprès de l’Agence Régionale de Santé !

Même si les reproches semblent patents, il faut néanmoins présumer que l’homme malgré sa désinvolture, fut de « bonne foi »!  C’est l’honneur de notre état de droit et de notre civilisation que de ne pas condamner sans procès équitable …

Pour autant, les différentes étapes de l’agonie de ma mère, dont nous avons maintenant reconstitué avec précision  la chronologie sont indiscutables. Les faits et les propos, dont pour l’essentiel nous fûmes nombreux à être témoins, sont têtus.

Notre mère a présenté les premiers symptômes de sa bronchite le samedi 20 janvier 2018, au travers d’un léger toussotement. Dès le lendemain, deux de ses petites filles qui lui rendaient visite, constatèrent une évolution significative de sa maladie, qui nous a conduit à demander l’intervention, dès que possible, de son médecin traitant. Les relevés téléphoniques attestent que cette requête n’a pas été suivie d’effet. Il a fallu qu’une des filles d’Adrienne, se substituant au service médical défaillant de l’EHPAD, en fasse elle-même la demande…

Toujours est-il que le mardi 23 janvier 2018, ma mère n’avait toujours pas vu de médecin, alors que sa toux était de plus en plus grasse, qu’elle peinait à dégager ses bronches et qu’en outre elle disait souffrir de son dos ! Face à mon insistance, le médecin coordonnateur accepta néanmoins de « l’ausculter ».  pour la première fois.  De mauvaise grâce d’ailleurs car il me fit sentir que c’était un privilège qu’il m’accordait, eu égard à sa charge de travail et au fait qu’il n’était pas censé intervenir !

S’agissant des douleurs lombaires, il dit en s’adressant à ma mère avant même de procéder au moindre examen médical: « C’est la vieillesse, et la vieillesse n’est pas une maladie » !

Ensuite, la faisant asseoir au bord du lit, il s’installa auprès d’elle tandis qu’en toute hâte, il l’examinait avec son stéthoscope porté en bandoulière ! Pour finalement conclure au bout de deux minutes d’investigation : « Tout va bien, il s’agit d’un encombrement mineur des voies aériennes supérieures qui disparaîtra de lui-même, si elle crache » !

Il ne prescrivit rien, en rappelant que ça ne relevait pas de ses compétences et s’en alla… Parvenant à le rattraper dans le couloir, je lui fis admettre du bout de lèvres qu’elle pouvait soulager ses douleurs par l’administration d’un antalgique classique dont il se garda bien de préciser la posologie.

Dans la soirée, ceux qui lui rendirent visite, apprirent qu’elle serait tombée de son lit. Ce que les infirmières contestèrent! Ce qui est sûr en revanche, c’est que c’est la famille qui dut l’aider, ce soir-là, à se nourrir!

Le lendemain  24 janvier 2018, la situation de notre mère ne s’améliorait pas mais, pour les infirmières agissant sous l’autorité du médecin coordonnateur, il n’y avait toujours pas lieu de s’inquiéter… Sa respiration devenait de plus en plus malaisée.

Au total, jusqu’au mardi 30 janvier 2018 – soit dix jours après les premiers symptômes de l’infection – ma mère ne bénéficia d’aucun traitement digne de ce nom, propre à combattre cette inflammation infectieuse des poumons. Inflammation pernicieuse, que n’importe qui aurait pu diagnostiquer… N’importe qui, sauf le médecin coordonnateur de la maison de retraite, qui persistait à se désintéresser de la maladie de ma mère, alors que tous les signaux étaient au rouge… A moins qu’il s’agisse d’incompétence…Ou pire encore!

Le mardi 30 janvier 2018, le médecin traitant put enfin intervenir. « Elle » prit immédiatement la mesure de la gravité de l’infection, confirmant qu’il s’agissait d’une bronchite infectieuse grave, qui, pour des sujets très âgés – comme pour des nourrissons – pouvait se révéler impardonnable! La situation lui apparaissait d’autant plus critique que, dans les dix jours précédents, rien n’avait été entrepris pour la combattre. Même un adulte dans la force de l’âge aurait probablement eu des difficultés à s’en sortir dans de telles conditions.

Elle ordonna immédiatement des antibiotiques et des séances de kinésithérapie respiratoire, ainsi que les examens biologiques qui s’imposaient en fait dès le début !

Cette prescription dictée par l’urgence ne plut guère au médecin coordonnateur de la maison de retraite, qui se considérait, à juste titre, comme désavoué par sa jeune consœur. En présence de la famille, il s’évertua même de la déconsidérer et de lui faire – sans succès – une leçon assez malvenue…

Clairement, s’affrontaient deux conceptions antagonistes de la médecine: d’une part celle incarnée par le médecin traitant qui pensait que son métier consistait à soigner sa patiente, indépendamment de son âge, et d’autre part celle du médecin coordonnateur de la maison de retraite, qui, à l’inverse semblait considérer qu’à partir d’un certain âge, la nature doit faire son œuvre! Cette pétition de principe s’appuie sur une certain nombre de règles prétendument éthiques, rassemblées sous le néologisme « d’humanitude », en vogue actuellement dans nombre d’EHPAD.

Sous couvert du respect absolu de la dignité de chacun des pensionnaires, en particulier de ceux dont on peut penser qu’ils abordent la fin de leur vie, « l’humanitude » qui joue de sa similitude sémantique avec « le devoir d’humanité » revient à confier cyniquement aux médecins coordonnateurs des maisons de retraite, le sort ultime des vieillards! Une sorte d’euthanasie passive sans le consentement des intéressés!

Le mercredi 31 janvier 2018,  l’état de notre mère continuait de se dégrader, sans que l’on puisse apprécier si le traitement préconisé par le médecin traitant avait effectivement été respecté… Elle fut placée sous assistance respiratoire et ne voulut plus ni se lever, ni s’habiller, ni s’alimenter!

En fin d’après midi, à la demande insistante de la famille, elle fut transférée aux urgences de l’hôpital de Massy… On connait la suite!

Il est déjà sans doute trop tard pour espérer éradiquer l’infection! Mais, ce sera tout de même tenté par les médecins hospitaliers, dans la continuité des recommandations du médecin traitant deux jours auparavant!

Faute de soins en temps opportun, elle est finalement morte victime de l’entêtement d’un médecin d’une maison de retraite, qui privilégiait ses folles utopies « régulatrices » et sectaires, à la volonté de ses patients dont , quoiqu’il en dise, il avait la charge sur le plan médical…

En effet, l’article D312-158 du Code de l’action sociale et des familles, qui définit les missions médicales et administratives du médecin coordonnateur, stipule notamment « qu’il élabore le projet de soins de l’établissement, qu’il coordonne le travail de l’équipe soignante et des intervenants libéraux, qu’il veille à l’application des bonnes pratiques gériatriques et participe à l’évaluation de la qualité des soins dans l’institution. »

« En cas d’urgence, il peut s’occuper des prescriptions médicales et octroyer des médicaments aux résidents et il élabore le projet de soins individualisé du résident.  »

Nulle part, il n’est précisé qu’il doit en outre, être l’assistant zélé de la Camarde! Ou la voiture-balai des Enfers…

Le moins qu’on puisse espérer désormais, c’est qu’un inventaire sans complaisance soit effectué des pratiques médicales de celui dans les griffes duquel ma mère a eut la malchance de tomber!

Et que toutes les mesures soient prises à l’issue de ce bilan, pour que ce médecin coordonnateur – ainsi que ses confrères qui seraient tentés de l’imiter – ne puisse poursuivre son action mortifère auprès d’autres résidents sans défense… Pour ma mère, c’est évidemment trop tard, mais si son sacrifice pouvait ouvrir les yeux des responsables, elle ne serait pas morte pour rien…

Militante jusqu’au bout, mais cette fois, malgré elle! Pour l’honneur de notre mère, il était de notre devoir de rappeler le martyr qu’elle dut subir du fait de l’inconséquence meurtrière de certains et de principes pseudo-philosophiques s’apparentant à des tartuferies destinées à donner le change!

Mais au-delà de cette écœurante façade, il y a un vrai débat national à conduire d’urgence, compte tenu de la démographie croissante des grands vieillards! Faute de quoi, la barbarie prendra le dessus car elle est déjà à nos portes…

              Vue de la chambre d’hôpital de ma mère, le 6 février 2018

 

PS: J’ai déjà eu l’occasion de formuler sur ce blog – dans un article du 27 juin 2012 intitulé « Sur les hauteurs d’Arromanches » – tout le mal que je pensais de l’action mortifère de ce pitoyable diafoirus de banlieue, que je tenais déjà à l’époque, pour le principal responsable de la mort d’une autre de mes proches…

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