Dans quelques jours, à l’occasion du 11 novembre, le président de la République, tout cabossé par ses exécrables sondages d’opinions va ouvrir officiellement l’année de célébrations de la guerre de 1914-1918.
Ce sera grandiose sans doute, mais est-ce que ça suffira à « sauver le soldat H », tout suturé et déjà passablement couvert de pansements? D’ailleurs, est-il opportun de lui porter secours en lui passant une « galletouse » et un verre de gnôle ? Dans le jargon des tranchées, on l’aurait appelé « un baluchard », voire, improprement, un « pantruchard » et plus « justement » un « édenté » !
Disons qu’il a vraiment la poisse, le mec ! Il semble rater à peu près tout ce qu’il entame; il brise tout ce qu’il touche, mal secondé par « les bras cassés » qui l’entourent et le cajolent. Même la pluie l’accable dès qu’il pointe son nez dehors. Et ça fait du baroufle ! Tout fout le camp, à commencer par l’espoir qu’il avait suscité, de subjuguer Berlin, la fleur au fusil avec ses « poteaux » en bois de pipeaux. Vite fait, bien fait! Non mais! Manque de bol, la grosse Bertha peu sentimentale n’a pas marché dans la combine. L’air « dingo » du soldat H ne l’a pas séduite et elle se fiche comme d’une guigne de nos « machines à découdre », de nos « Charles Humbert », de nos « trains de permissionnaires » et de nos « calendriers ».
Bref tout part en quenouille… en C…!
Mais c’est pas parce que le gars est « ballot » et qu’il a la scoumoune, que c’est nécessairement un mauvais bougre. C’est pas parce qu’il est « loin du ciel » et qu’il a troqué la « gueule d’empeigne » ou le « traquet » de son prédécesseur pour une « gueule cassée » dont ses amis – plus que ses ennemis – se sont évertués à l’affubler, qu’il doit nécessairement passer pour un « louftingue » ou une « vieille noix » et qu’il ne finira pas par « débocher les pékins » en gagnant au moins une petite bataille. Une seule pour faire mentir les « baveux ». Par exemple celle de la mémoire, sinon celle de l’avenir. Au moins, à la tranchée des baïonnettes, seul sur la tribune, le vent s’engouffrant dans les trois poils teintés tristement alopéciques, on ne lui reprochera pas l’air mauvais de sa « mistone» que tout le monde assimile à une « ménesse » tout juste bonne pour la « quenaupe » ! Moi je ne la critique pas la rombière : elle est angevine…
Il faut donc sauver « le soldat H », faute de mieux ! En dépit de son côté « petzouille », l’homme est brave surtout quand « il y a la gauche » ! Pas grave finalement qu’il ne soit pas « au poil » …
Vive la France éternelle
PS: Vocabulaire des poilus:
- Baluchard: homme peu dégourdi
- Pantruchard : parisien
- Edenté: père de quatre enfants au moins
- Poteau : ami
- Dingo: Homme benêt
- Machines à découdre: mitrailleuse
- Charles Humbert : Obus français de 280
- Train de permissionnaires: Obus de 305
- Calendrier: Grenade à mains
- Loin du ciel: petit
- Débocher les pékins: tranquilliser les civils
- Vieille noix : homme ennuyeux et ennuyant
- Traquet : sorte de crécelle, moulin à parole
- Ménesse: femme quelconque
- Quénaupe: pipe
- « Il n’y a plus de gauche » : expression signifiant en langage poilu – et seulement en langage des tranchées – qu’il n’y a plus de danger