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Posts Tagged ‘Déclin et progrès’

Finalement, il n’est pas forcément désagréable de répéter inlassablement les mêmes truismes sur le dilemme du temps qui passe et qui modifie sans cesse les paysages! Car le temps est effectivement un bon candidat pour disserter sur la fatalité et ses facéties, et exprimer notre mélancolie d’un passé définitivement éteint mais idéalisé. Tant pis, même, si on se complaît avec délectation et sans complexe dans cet exercice convenu , lorsque les circonstances nous amènent à arpenter les lieux à jamais perdus de notre jeunesse ou que nous (re)découvrons ceux de nos premières émotions enfantines! Ces lieux dans lesquels avec l’impatience de jeunes fous, nous fûmes parfois conduits à expérimenter l’ivresse de l’existence et la violence des sentiments intimes!

Je persiste à considérer ces lieux et ces souvenirs enjolivés comme fondateurs de ma personnalité. Pour autant, je peine à retrouver les sensations d’antan, dans le dédale des autoroutes et des nouveaux ensembles urbains qui ont restructuré et mité l’espace dans lequel j’évoluais du temps où j’allais à l’école.

Les flèches de la cathédrale d'Angers, au crépuscule- août 2015

Les flèches de la cathédrale d’Angers, au crépuscule- août 2015

Alors, comme pour juguler cette amnésie partielle et nostalgique des sens et de la mémoire, l’invocation de vieux poncifs sur l’érosion des choses et des êtres s’impose. Ça rassure comme s’il était besoin de rechercher dans la formulation de fausses évidences, une explication rationnelle à l’irréversibilité du temps!

Comme si l’on espérait endiguer à coups de banalités, l’entropie croissante d’un monde qui nous échappe. Mais qui n’est rien d’autre que le désordre consubstantiel à l’expansion de l’univers, dont nous mesurons chaque jour les conséquences et les dégâts, à commencer sur nous-mêmes…

A chaque fois, le miroir nous renvoie une image qui ne correspond plus tout-à-fait – voire plus du tout – à celle qu’autrefois, nous cultivions, insouciants, dans cette ville ou ce village où nous ne nous reconnaissons plus! Nos rides et nos cheveux devenus blancs et rares n’en sont pas la seule cause.

La vie a creusé d’indélébiles cicatrices que des souvenirs trop sélectifs entretiennent sadiquement et contre lesquelles le plus performant des onguents ne saurait confirmer que notre impuissance à enrayer notre propre déclin. Par force, on prend du recul! On brandit alors notre âge comme l’étalon de la sagesse, tel un privilège – le privilège de l’âge – mais personne n’est vraiment dupe!

Comme le chantait Brassens, l’âge ne fait rien à l’affaire: « quand on est con, on est con »!

En tous cas, l’expérience du retour -fût-il éphémère, ponctuel et « discret »- au bercail natal est cruelle quand on se nourrit de l’illusion que tout pourrait demeurer inchangé, au moins rester presque pareil, et toujours dans le bon sens … Les lieux ne se ressemblent plus… mais aussi les hommes! Au-delà du miroir, après plus d’un demi-siècle, il ne subsiste plus guère que les ombres des générations disparues, qu’à force d’imagination, on aimerait entrevoir au détour d’une ruelle, d’un trottoir ou encore d’un lotissement ou d’une cité, érigés à l’endroit même où nos aïeux cultivaient leur jardin!

Le voile s’est déchiré et le charme rompu, lorsqu’au détour de mon chemin, j’ai croisé dernièrement, celui  de spectres – autrement plus inquiétants que les mânes ancestrales – de jeunes femmes au regard confisqué derrière un grillage, entièrement voilées et gantées de noir, qui déambulaient dans ces faubourgs d’Angers, où j’évoluais gamin!

Même ici!

Je me souvins alors avec tristesse que c’était précisément là où je crapahutais en culotte courte, à proximité des buttes de stériles miniers, couvertes de genêts des anciennes carrières d’ardoise! A la place de ces effrayantes apparitions de linceuls en procession, j’aurais tant aimé retrouver les fantômes familiers des trognes burinées des mineurs d’à haut et d’à bas ou des ouvriers de l’usine d’allumettes de la route de la Pyramide !

Le temps, ici comme ailleurs, a fait son oeuvre, en modifiant tout, y compris les êtres, mais à rebours de l’idée qu’on se faisait autrefois du progrès et de la civilisation!

Impossible d’imaginer « in abstracto » pareille scène du retour au moyen-âge lointain, dans ces parages fréquentés dans le passé par de solides carriers de Trélazé  ou de Saint Barthélémy, qui y menèrent tant de durs combats pour leur dignité! Au pays de la douceur angevine, de Joachim du Bellay et du roi René d’Anjou, amoureux des arts et des lettres, comment ne pas s’indigner face au constat de l’accoutrement dégradant de ces jeunes femmes anonymisées, contraintes à la servitude et soumises aux caprices de mâles barbus fanatisés, ainsi qu’aux prétendues prescriptions vestimentaires d’un Prophète machiste, polygame, qui vivait, il y a une quinzaine de siècles en Arabie? De nos jours, l’attrait du Prophète pour le charme des jeunes filles pré-pubères, ferait de lui, un délinquant sexuel.

Comment pouvait-on imaginer du temps de ma jeunesse, qu’on s’enfermerait quelques décennies plus tard dans d’anachroniques et liberticides croyances, gommant ainsi d’un trait le combat des femmes pour l’égalité des droits et des sexes? Il faudra donc que ces fidèles abusés s’habituent à ce qu’on se moque un peu de ce très discutable héros d’une sinistre opérette. Peu importe qu’aux yeux des croyants désorientés, il s’agisse alors d’un blasphème, si l’intéressé est l’authentique commanditaire de ces sujétions ridicules! Dénoncer l’insoutenable en ricanant, c’est permis en République, et c’est même salutaire en la circonstance …

Loin de l’agitation de la périphérie parisienne, on aurait pu penser que la gangrène islamiste radicale aurait épargné ces banlieues populaires angevines qui furent le creuset de tant de luttes sociales au siècle dernier et de combats pour l’émancipation de l’humanité. Ce n’est probablement pas le cas, même si la situation n’est certainement pas plus préoccupante qu’ailleurs. Mais, ici comme partout, il faut répéter que ces dérives liberticides et mortifères sont antinomiques des valeurs universelles, qui servent de cadre de référence à notre vision de l’ordre public et de la vie dans un monde civilisé…

Heureusement, hors les murs du chef-lieu et de sa périphérie, l’oeuvre du temps est plus paisible, et demeure fidèle aux racines culturelles et morales des « bleus » et des « blancs » réunis sous la même bannière d’une République laïque, fidèle aussi à la tradition d’accueil d’une population qui n’est pas raciste mais qui croit en la force de son modèle de civilisation, et qui se déclare farouchement garante d’une identité que personne de sensé n’entend abandonner, et qu’elle n’entend voir contestée par personne…

Le Lion d'Angers en 1905

Le Lion d’Angers en 1905

P1130466

En août 2015

 

 

 

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