Il y a tout juste cent ans, le 27 mars 1918 en fin d’après-midi, sous un ciel gris et pluvieux, dans lequel alternaient les averses et de timides éclaircies, l’adjudant Albert Venault, âgé de 25 ans, était grièvement blessé au ventre à proximité du village de Fignières à cinq kilomètres au nord de Montdidier…
Sous la mitraille ennemie, ininterrompue depuis midi, il dirigeait la retraite de sa section, ordonnée par l’état-major après l’épuisement des munitions. Tout indique que « méprisant le danger » (selon le journal de son unité), face aux incessantes attaques des fantassins allemands positionnés sur le moindre dénivelé de terrain, il a pris tous les risques, pour protéger le repli de ses hommes… Trop sans doute, car selon les citations à l’ordre de son régiment, il s’était, à de nombreuses reprises, distingué pour sa bravoure au combat. Il s’était constitué en dernier rempart face aux mitrailleuses.
Dès qu’il fut touché, un infirmier et des brancardiers se précipitèrent à son secours « sous un feu effroyable » mais, en dépit de trois tentatives successives, où ils parvinrent à le mettre à l’abri d’un talus, ils ne purent réaliser le pansement d’urgence qui aurait stoppé l’hémorragie…
Les premiers soins ne lui furent en fait prodigués qu’une heure plus tard après avoir regagné les lignes françaises dans un petit bois tout proche…
Dans la nuit, il fut transporté, agonisant, dans une ambulance, vers un hôpital de campagne à une quarantaine de kilomètres au Nord-Ouest de Fignières, dans le village de Namps-au-Val où il décédera dans la journée du 28 mars 1918…
Albert Venault était le frère aîné de ma grand-mère maternelle Adrienne Turbelier, née Venault (1894-1973). C’était son compagnon de jeux, son principal confident et son complice de toujours. Jamais elle ne se consolera de cette perte. Jamais elle ne l’oubliera, continuant de l’évoquer, la larme à l’œil, un demi-siècle plus tard. J’en fus témoin!
Albert fut une des multiples victimes de cette ultime et effroyable offensive allemande en Picardie du printemps 1918.
« L’opération Michel » – ainsi nommée par l’état- major allemand – débuta le 21 mars 1918. L’objectif de son stratège, le général Ludendorff, était de percer une brèche entre les troupes anglaises (canadiennes et australiennes) et l’armée française, et en s’y engouffrant, de s’ouvrir la voie vers Paris …
Et il y avait mit le paquet en mobilisant trois armées et une concentration impressionnante d’artillerie, chargée de pilonner sans relâche les lignes françaises et anglaises, et même Paris, préalablement à un déploiement monstrueux de troupes d’attaque sur le terrain!
La mort d’Albert intervint trois jours seulement après que les alliés prirent conscience, sous l’impulsion de Georges Clémenceau, du danger mortel de cette poussée allemande de la dernière chance. Et qu’ils décidèrent de mettre en place une unité de commandement, confiée au futur maréchal Foch, nommé généralissime.
Albert ne connaîtra pas la victoire qui commença à s’esquisser dans les semaines qui suivirent!
Lui, il était sous les drapeaux depuis janvier 1913, depuis son engagement pour trois ans à la mairie de Parthenay, dans les sapeurs du 6ième génie d’Angers…Il était terrassier de profession, il était patriote: ça lui convenait!
Depuis le début de la guerre en août 1914, il avait donc été sur tous les fronts de la Champagne à la Belgique, de Verdun au chemin des Dames, de l’Artois à l’Alsace, de la Somme à la frontière suisse …
Sous le feu ennemi, dans les pires conditions de danger, il avait, comme tous ses camarades du génie, construit, un peu partout sur la ligne de front, divers ouvrages de défense, participé au creusement des tranchées et érigé des ponts pour franchir des rivières…Maintes fois, il était revenu à l’ouvrage, maintes fois ce qu’il avait échafaudé avait été détruit par l’ennemi!
Quelques jours avant ce funeste 28 mars, son régiment était encore Lorraine, dont il avait gardé la carte, retrouvée dans sa capote après sa mort!
Albert repose désormais dans le petit cimetière militaire britannique de Namps-au-Val dans la Somme, au milieu des soldats de sa Majesté avec quelques poilus français tombés au cours de cette offensive. Je lui rendis visite, il y a quelques années, au nom de sa sœur qui ne s’est jamais recueilli sur sa tombe.
A titre posthume, il reçut la croix de guerre avec palme et la médaille militaire.
C’était un de mes grands-oncles.
PS: Le 26 novembre 2011, je lui ai déjà consacré un billet sur ce blog: « Albert Venault, un frère admiré et trop tôt disparu ».
Plus jamais ça!
Nous sommes tous frères!
Il appartient aux vivant d’aujourd’hui de lutter contre ces fous qui veulent rétablir des frontières et des murs que nous avons lutté pour abolir.
Notre mission, c’est de faire comprendre cela à ceux qui n’en sont pas encore informés!
Votre blog y contribue!
Merci
Jean Louis Hannebert
Merci pour votre commentaire…Ils croyaient que ce serait la der des der. Ils se sont trompés…
Que ceci est beau. Merci de nous l’avoir écrit. C’est un merveilleux cadeau. Venu à moi en ce mercredi.
Merci
Quel bel hommage à ton grand oncle mort à 25 ans comme tant d’autres dans les tranchées. On dit toujours plus jamais ça mais malheureusement….
Comme a dit Prévert « quelle connerie la guerre »
Eh oui! Tu as raison et Prévert aussi. Merci l’ami
C’est aussi à Namps-au-Val que repose G. Flowerdew, héros de la charge de cavalerie de Moreuil, où il fut gravement blessé – https://en.wikipedia.org/wiki/Gordon_Flowerdew
amitiés, martine
C’est bien de rappeler aussi le souvenir de ces héros venus du « bout du monde » en l’occurrence du Canada pour nous prêter main-forte et qui périrent à nos côtés. Il voisine pour l’éternité avec Albert Venault dans le prit cimetière britannique de Namps-au-Val. Merci