Au début des années soixante du siècle dernier, messieurs Brun et Dabin, deux de nos mythiques profs – en l’occurrence d’allemand – au Lycée David d’Angers d’Angers, n’usaient pas de circonvolutions ampoulées voire d’hypocrites circonlocutions à la manière de notre « moderne » ministre de l’éducation nationale pour évoquer Noël… Ils disaient tout simplement Noël pour parler de Noël, mais en allemand: » Weihnachten » ! Comme tout un chacun…
C’était une époque où l’on osait encore appeler « un chat », un chat, et prononcer le mot « Noël » sans encourir l’accusation suprême de xénophobie. La notion de laïcité n’était pas tiraillée dans tous les sens. Elle n’était pas encore à géométrie variable pour servir des intérêts partisans. On pouvait parler de coutumes ancestrales sans se demander si, par là, on ne « stigmatisait » pas ceux qui croient en un autre ciel que celui des chrétiens…On pouvait même se gausser sans complexe des superstitions en tous genres ou développer des phobies antireligieuses sans être immédiatement taxé de raciste et craindre les foudres de la bien-pensance…
Mais, on a beau être mécréant et laïc jusqu’au bout des orteils – et c’est mon cas – Noël n’est pas qu’une « belle fête » ordinaire pour reprendre la ridicule mais « prudente » expression euphémique de la ministre au sourire carnassier, c’est d’abord l’expression d’une tradition fortement ancrée dans l’histoire de notre pays et de l’Europe.
Y a pas de loup! C’est en fait la métaphore christianisée d’une promesse de renouveau de la nature après le solstice d’hiver alors que la lumière se fait naturellement rare. Noël au fond ce n’est peut-être rien d’autre qu’un élément de culture liée à notre environnement, dont l’importance ne se mesure vraiment que dans les zones climatiques où les saisons se différencient clairement. Mais c’est aussi l’incarnation d’un modèle de civilisation qui rend grâce à l’esprit de famille, et qui place l’homme et la femme, dotés de droits imprescriptibles au centre de l’Histoire. Autant de facteurs explicatifs qui d’ailleurs ne sont sûrement pas indépendants entre eux.
Il serait par conséquent dommage de devoir y renoncer au nom d’une sorte d’œcuménisme attrape-tout, faussement moralisant et souvent culpabilisant, dont on perçoit bien les limites et dont on sait qu’il peut parfois nous conduire à la barbarie. Peu importe que le mythe de Noël en tant que tel soit nié par naïveté, ingénuité incongrue ou myopie coupable de la ministre, voire par sectarisme provocateur ou bêtement par inculture, la promotion par effet de miroir d’une contre-culture moyenâgeuse par une responsable politique est dangereuse. Dans le cas d’espèce, c’est même carrément irresponsable pour qui veut « rassembler », car la banalisation/disparition de Noël dans des vocables génériques sans mémoire et sans contenu, porte atteinte de facto à notre roman national et européen ainsi qu’aux rites laïcs ou confessionnels qui le structurent depuis la nuit des temps! Roman constitutif d’une Nation, contre lequel, il est vrai, l’ambitieuse jeune femme s’insurge régulièrement! A tort, évidemment.
Pourtant, c’est précisément au nom de cette conception humaniste de l’Europe et de notre histoire, à laquelle l’ouverture d’esprit de nos profs d’allemand d’autrefois nous a permis d’accéder , que mon ultime billet d’avant réveillon 2016 est dédié aux Noëls de tradition allemande!
A cette Allemagne d’Hansel et Gretel, de l’intelligence, des lumières et de la sensibilité, qui, sans qu’on en prenne conscience, a influencé notre imaginaire enfantin et entretenu subtilement, la légende de nos propres veillées et réveillons familiaux…
Moins de vingt ans après les crimes du nazisme, nos profs d’allemands nous enseignaient les arcanes complexes de la langue allemande en nous faisant entonner dans la langue de Goethe ou de Heine, des chants traditionnels comme « Stille Nacht, Heilige Nacht » ou encore « Oh Tannebaum« ! Mais, dans le même temps, ils nous faisaient aussi découvrir les grands poètes et philosophes germaniques, au travers des textes commentés de la collection « Deutschland » de L. Bodevin et P. Isler « pour l’enseignement du second degré »
Voilà l’Allemagne que nous aimons, celle délivrée des démons nazis et du joug soviétique, réunifiée en 1990, celle des collines romantiques de la Rhénanie-Palatinat jusqu’aux landes et forêts du Brandebourg, celle du Danube bavarois au septentrional Schleswig-Holstein ou à la Poméranie…Celle enfin d’Emmanuel Kant (1724-1804) et de sa critique de la raison pure. C’est cette Allemagne de la culture et de la diversité, qui vient d’être frappée par la sauvagerie islamiste en plein cœur de Berlin, près de l’église du Souvenir !
Et, c’est avec cette Allemagne là, généreuse et meurtrie, que nous voulons fêter Noël! Et avec laquelle nous sommes solidaires.
Mieux qu’un long développement, on se contentera, quelques décennies après les avoir étudiées en classe, de citer, en hommage aux victimes berlinoises et à leurs familles qui, plus jamais, ne fêterons Noël joyeusement, quelques lignes d’ambiance de l’écrivain et poète allemand Hans Theodor Woldsen Storm (1817-1888) :
« Endlich ertönt der Klang der silbernen Glocke. Wir stürzen die Treppe hinunter, die Flügeltüren fliegen auf, wir treten ein, jung und alt. Ein starker Duft von Tannen, brennenden Lichtern und braunen Weihnachtskuchen schlägt uns entgegen – und da steht er, der brennende Baum, im vollen Lichterglanz…
Mein Bruder setzt sich ans Klavier und stimmt leise an: « Stille Nacht, heilige Nacht.Wir singen alle mit » stimmen ein. Das Weihnachtslied ist verklungen, wir stehen um den Baum und lassen die Wunder der Weihnacht still auf uns wirken. Vater führt, wie immer, unsere Mutter zuerst zu ihren Gaben, die geheimnisvoll umhüllt sind. »
« Enfin, le son de la cloche d’argent retentit. Nous nous précipitons dans les escaliers, les portes doubles volent, nous entrons, jeunes et vieux. Une forte odeur de pins, de bougies allumées et d’un brun gâteau de Noël nous frappe – et là, se tient l’arbre brûlant, en pleine flambée de lumière….
….Mon frère est assis au piano et entonne doucement: « Douce Nuit, Sainte Nuit ». Nous chantons avec lui. La chanson de Noël terminée, nous nous regroupons autour de l’arbre et laissons opérer la magie de la nuit de Noël. Notre père, les bras autour de notre mère, nous conduit vers leurs cadeaux pleins de mystère… »
Voilà ce qu’on entend généralement par Noël dans la tradition occidentale et qui demeure notre repère au cœur de l’hiver, en dépit du temps qui passe…Et j’ai fait l’impasse sur la crèche et la « messe de minuit ». Disons que je m’en suis dispensé! Faut pas exagérer, tout de même.
Joyeux Noël à tous, et notamment, à ceux qui, épisodiquement, m’honorent de leur intérêt pour mes modestes divagations oniriques!
Magnifique de tolérance , recyclage dans la diplomatie ?
Noël est en effet plus un marqueur d’une certaine civilisation qu’un attribut d’une version rigoriste du catholicisme. La plupart de ceux qui apprécient Noël ne sont pas des religieux militants prêts à exterminer ceux qui refusent de se convertir.
La civilisation occidentale a en effet su digérer pas mal d’influences et les promoteurs du catholicisme ont préféré accompagner le mouvement en recyclant les traditions locales et superstitions diverses. Les traditions germaniques sont d’ailleurs assez présentes, notre civilisation étant en fait un hybride entre des influences romaines et des influences germaniques. Nos ancêtres avaient d’ailleurs un certain recul devant la religion (que n’ont pas des populations moins avancées). Les athées (comme toi et moi) préférant largement faire quelques simagrées de façade que d’aller au bucher. Dès que la pression sociale s’est réduite (vers le milieu du XXème siècle) les églises se sont vidées rapidement, ce qui est bien la preuve de l’indifférence profonde d’une bonne partie de la population.
Cela dit, Noël est une fête. Il faut en profiter et il n’y a aucune raison de vouloir l’effacer pour satisfaire de nouveaux arrivants opposés à ce qui fait notre civilisation.
Nous sommes vraiment trop souvent d’accord! Ça va finir par devenir suspect.
Merci pour ces bons moments de partage qui font du bien en ces moments difficiles
Vielen Danke für die Dichtung!
Un grand Bonheur de voir raviver les Noël de ma jeunesse de soldat de 2ième classe, quand les villageois de notre garnison nous invitaient à écouter le concert de Noël de toute leur famille !
Jean Louis Hannebert
Content que ma cure de jouvence ait fait son effet! Meilleurs vœux 2017 et à bientôt sur la Toile.
Si je ne partage pas vos non-croyances, il n’en reste pas moins que Noël – le 25 décembre fixée d’une façon aléatoire – reste l’occasion de faire ma crèche. Tradition familiale et ancienne car la plupart des personnages, comme les archives familiales, sont plus vieux que moi-même née pourtant avant la seconde guerre. Mon second frère, Michel G. , m’a jadis confectionné dans mon enfance, sans doute quand même après 1944, un téléférique qui, avec un sou troué, déclenchait l’objet qui s’allumait en rouge et au milieu du chemin devenait vert… Pour sa fille aînée, A.F., il recommença la même opération en y ajoutant une cascade d’eau. Dès qu’un visiteur s’annonçait avec la sonnette et, compte tenu des deux étages, il s’empressait de mettre de l’eau dans le réservoir et chacun s’extasiait en arrivant de la merveille inventée… En ce temps-là, on était presque tous réunis chez mes parents aussi pour déjeuner. Cela est de moins en moins le cas maintenant avec l’éloignement, les professions et aussi les gardes d’enfants dues aux familles recomposées… Bienheureuses les familles qui peuvent voir leurs petits-enfants régulièrement, d’autres se plaignent d’être débordées !
Bonne fête quand même à tous les lecteurs ou participants de ce blog.
la prof d’allemand du Santerre a bien apprécié ce billet ! MAIS les oranges semblent absentes du/de la Weihnachtsteller (je viens d’envoyer un mail à l’adresse en mémoire et il me revient, was ist los ? amitiés, martine v
Was ist los! Warum? Alles ist gut…Glückliches neues Jahr 2017.
bonne année ! le mail que je vous ai envoyé sur orange me revient toujours, je voulais envoyer une première mouture de mon hommage à quelques uns de 1918 ici ; Hilfe !
suite : nouvel essai, toujours infructueux ! même en 2017 ! Pouvez-vous m’envoyer un mail, svp ?
OK je m’exécute.
Je viens de découvrir ce billet et votre coup de gueule bien légitime. Vous avez raison, il ne faut pas s’aplatir devant le politiquement correct qui a la manie d’utiliser des définitions nouvelles à des brouettes pleines de mots dont le sens a été volontairement perverti pour servir de douteux interêts. Noël est une fête qui dépasse le marqueur identitaire, la récupération superstitieuse de tant de religions du passé, qu’il en donne le tournis. Il est devenu un symbole auquel tout le monde peut adhérer. Le désir d’une pause festive dans le tumulte de la vie pour se recentrer sur des valeurs liées à la famille, au partage et c’est magique!
Merci nous sommes d’accord. Bonne année 2017. Glückliches neues Jahr 2017.