Nous ne sommes pas des bêtes, et le renoncement solennel du Président de la République à solliciter un nouveau bail élyséen ne nous laisse pas totalement insensibles…Il s’agit de l’avenir de la France, tout de même! En outre, il y a toujours une part de tragédie humaine dans des « adieux de Fontainebleau » !
Même si on n’est pas fan du zozo, on ne peut que s’incliner respectueusement sur la dépouille politique de celui qui, publiquement, tel un bourgeois de Calais, fait amende honorable – ou presque – avant de se faire symboliquement harakiri.
Le sacrifice de quelqu’un qui préfère partir que de subir l’humiliation d’un congédiement sans appel par le peuple, inspire nécessairement une certaine compassion, même s’il faut comprendre de manière subliminale, à l’écoute de cette ultime homélie électorale que l’intéressé impute d’abord son échec à ceux de ses collaborateurs, des ambitieux sans états d’âme, qu’il a promus aux marches du pouvoir en croyant les neutraliser, et qui l’ont finalement poussé à la faute…Et même peut-être trahi ! Mais, c’est une faute grave pour un chef d’Etat de ne pas savoir qu’on n’est jamais si bien trahi que par les siens !
En revanche, on imagine aisément le désarroi des vieux grognards de la « Hollandie », lorsque, aux alentours de vingt heures quinze de ce « funeste » 1er décembre, ils apprirent la désertion programmée du chef. On imagine le trouble de ces compagnons de route, qui depuis quatre ans, furent à la peine, à la fois les chouchous du régime et des ministres choyés sinon écoutés. On peut penser qu’ils écrasèrent furtivement une larme sur leur destin brisé sous les ors des palais de la République.
Hier encore, ils ferraillaient avec une arrogance « folle », échevelée et blanchie par les ans, pour défendre sans concession le bilan pourtant discutable de leur homme public… Contre toute évidence, ils se fâchaient quand on s’avisait de douter de la pertinence de telle ou telle réforme élyséenne! De même, on imagine l’embarras et même la hargne des jeunes groupies du régime, porte-flingues attitrées du président, au sourire carnassier et enjôleur, qui, sous peu, devront, encore changer de mentor. Sous peu, c’est-à-dire demain, le plus vite possible, sans attendre que ne soient fanées les fleurs de convenance militante, adressées en hommage à la lucidité, à la dignité et au courage de l’infortuné partant, qu’on oubliera bien vite…
L’important, l’urgence même sont désormais de prêter allégeance au nouveau venu (ou à la nouvelle), le « rassembleur de la gauche responsable et moderne « , prochainement adoubé par les « primaires » et devenir des fidèles inconditionnel(le)s! C’est là qu’il faut s’appuyer sur son instinct prédateur, car l’erreur de casting peut être fatale… Et dans le même temps, il faut faire fissa pour vanter, avec emphase, les mérites de quelqu’un qu’on aurait vertement critiqué avant-hier et dont on ignorait, jusqu’à aujourd’hui, l’autorité, la force de conviction et les immenses talents… Faire vite, tel est le bréviaire du moment, parce que les soutiens les plus rapides seront les mieux servis et, bien sûr, parce que la défense des « valeurs qui nous sont chères, celles de la République » face à la horde menaçante des ennemis de la démocratie et des acquis de la Résistance, ne saurait souffrir d’aucun délai de carence! Pas plus d’ailleurs que « notre » reconversion dans des conditions honorables !
Bref, nous ne sommes pas des bêtes, sauf à prétendre que l’étrange plaidoyer du Président pour sa propre clairvoyance et la noblesse de ses décisions, se concluant, la gorge nouée, par son renoncement, ne nous a pas émus !
Émus, surtout surpris, car, comme aurait dit mon prof de français au lycée David d’Angers, il y a un demi-siècle: » Le développement du sujet était assez correct mais semblait en décalage avec la conclusion. » On s’attendait à fêter Austerlitz et on s’est retrouvé sur les bords de la Bérézina ou dans la « morne plaine » de Waterloo, à compter nos abattis !
Tout-à coup, le mécréant que je suis – et que, plus que jamais, je m’honore d’être – s’est mis à penser au Pape Benoît XVI qui, lui aussi, avait décidé en 2013 de « partir du ministère pétrinien » !
Bien que comparaison ne soit jamais raison, je me suis demandé si les motifs de cette « renonciation » pour l’un, et de ce « renoncement » pour l’autre, n’étaient pas de même nature…Sans doute un peu, si l’on en juge par les explications accordées par le souverain pontife émérite au quotidien italien « La Républica » le 24 août 2016, qui font bizarrement écho aux propos du Président de la République Française : « En 2013, il y avait de nombreux engagements que je ne pensais plus être en mesure d’accomplir »…
Manifestement, la situation de François Hollande, dont la sortie médiatique un peu grandiloquente de la compétition politique, peut contribuer – classiquement – à nourrir sa notoriété et sa légende posthumes est assez comparable à celle du pape…Il n’a plus les moyens d’agir et de transformer la société. Sa parole n’est plus entendue comme une vérité, ni écoutée…Pour l’essentiel, il en porte la responsabilité, même si nombreux furent ceux qui lui savonnèrent la planche, en particulier tous ceux bien attentionnés, militants exemplaires de tous les combats du grand soir, qui n’eurent jamais l’audace de porter le regard critique qu’il fallait lorsque l’action gouvernementale dérapait vers plus de pauvreté, plus de précarité, plus d’inégalités et moins de protection pour les plus faibles !
Constats triviaux que tout à chacun peut dresser en sa baladant dans le métro et le RER!
Au fond, tout se passe comme si le chef de l’Etat avait été victime de ses propres godillots, flagorneurs impénitents, comme si les louanges dont ils l’accablaient lui avaient masqué le monde réel.
Cependant, l’heure n’est pas encore au réquisitoire du quinquennat, bien que les sujets ne manquent pas pour étayer la démonstration. Le bilan de son mandat – à charge et à décharge – relèvera sous peu de la compétence des historiens, et rien ne permet de dire qu’il n’en restera rien! Dans le feu de l’actualité et de l’urgence, il est, en tout cas, prématuré d’anticiper sur ce que l’avenir en retiendra en positif ou négatif. Aucune vérité de l’instant n’est absolue.
Je n’aborderai donc ici et pour conclure qu’un seul aspect, la question du chômage, qui incarne à la fois l’échec d’une politique et le double langage qui confine au déni de réalité.
Le discours officiel consiste à se répandre un peu partout en communiquant sur l’inversion – qui serait désormais confirmée et durable – de la courbe du chômage. Qu’en est-il au juste ? Pour le mensuel – numéro 363 de décembre 2016 – « Alternatives Economiques », réputé favorable à la « gauche réformiste » et qui consacre un dossier à l’analyse des résultats, la situation est loin d’être aussi idyllique, voire simplement prometteuse.
S’il est exact – mais à quel prix – que le nombre de chômeurs de catégorie A, c’est-à-dire de ceux qui n’ont pas du tout travaillé dans le mois précédent, a diminué depuis le début de l’année 2016 ( – 35000 entre juillet et septembre), le nombre d’emplois précaires (B,C) ainsi que les emplois aidés (D,E) sans contrepartie de création de richesse, ont continué de fortement augmenter, comme en atteste le graphique ci-dessous…
Au-delà de ces inquiétantes statistiques qui confèrent ses lettres de noblesse à la précarité tant décriée dans les sections socialistes, chacun « ayant un peu de bouteille » observe l’ampleur des dégradations du tissu social depuis quelques années et la crise morale, identitaire et intellectuelle que connaît notre société.
Le quinquennat Hollande n’est pas le seul en cause. Il n’a tout juste pas su ( ou pas pu) inverser les tendances, et souvent, il les a même accentuées en entretenant l’illusion sur une réalité qui ne correspondait pas à ce que vivait quotidiennement une majorité de nos concitoyens… François Hollande a décidé de jeter l’éponge. C’est bien. Reconnaissons-lui au moins cette objectivité tardive de reconnaître son échec sur de nombreux tableaux ! Pas tous d’ailleurs…Mais, sur la régression de la misère, c’est raté! Ce qui est triste en cette affaire, c’est que le coup de grâce fut porté par un livre à la rédaction duquel la victime elle-même a imprudemment contribué… Document suicidaire à décourager le lecteur le plus assidu …
Heureusement, persiste le souffle de la Commune! « Populisme » crient en cœur les thuriféraires déçus. Il va falloir qu’ils changent de partition.
Bonjour,
Votre analyse du quinquenat de Monsieur Hollande est remarquable;
malheureusement il manque la conclusion: Que fallait-il faire contre le chômage et la pauvreté?
Merci de nous donner le remède à appliquer.
Hannebert
Merci pour votre commentaire… Mais, comme vous l’aurez sans doute noté, je ne suis pas candidat à la présidentielle. Je ne suis qu’un modeste électeur qui constate que ce quinquennat qui s’achève n’est pas à la hauteur des enjeux et de ce qu’on attendait de lui. J’attends comme vous que l’on nous propose des solutions pour s’en sortir qui préservent nos principes républicains. J’ai quelques idées sur la question et sur les comportements que doit adopter la classe politique, mais il serait présomptueux de ma part d’infliger mes réflexions aux autres…Ce n’est ni ma vocation, ni mon souhait… Bien d’autres s’en chargent (trop?)… Néanmoins, je me risquerai à dire qu’il vaut mieux éviter de se faire élire sur un programme, et d’en développer cyniquement un autre. J’ajouterai que de mon point de vue, la question constitutionnelle se pose car la Constitution de la cinquième république me semblent avoir fait leur temps. Il faut probablement réduire le périmètre des attributions et des décisions du Président de la République, qui ne peut plus tout maîtriser, surtout à l’aune d’Internet et des réseaux sociaux, ainsi que de l’exigence de démocratie participative et de transparence de nos concitoyens dans un monde ouvert. J’ai quelques idées aussi sur ce qu’il ne faut pas faire et que ce quinquennat a commis: remettre en cause des clauses essentielles à l’ordre public, comme, par exemple, les fondements du code du travail.
Discours depuis l’Elysée : le palais fut construit pour le comte d’Evreux mais il reste célèbre que ce fut un don de notre roi de l’époque à la fameuse marquise de Pompadour.Cependant le petit studio duquel partit cette apparition imprévue de notre président portant costume et cravate sombres et arborant surtout une mine funèbre, se situe dans une annexe du palais paraît-il.
M’est revenu à la mémoire une chanson de Michel Delpech (inventaires 66) dont je n’avais retenu qu’un strophe : « et toujours le même président ».
Bravo pour ces précisions d’antichambres et ce rappel du regretté Michel Delpech. Finalement rien que pour retrouver le fantôme de la marquise, j’aimerais bien passer une nuit à l’Elysée… mais à la condition de faire sortir tous les petits marquis de conseillers, tous issus de l’ENA qui le monopolisent et l’encombrent depuis tant d’années.
Tes petits marquis vont fuir ou se faire nommer dans diverses administrations, augmentant encore avant mai 2017 les fonctionnaires compliquant les démarches, vu les lois multiples.
Avant-hier, j’ai dû faire face au problème posé par Pôle Emploi, eu égard à mon employé « aidant les personnes âgées » à temps très partiel pendant le printemps et l’été. Il avait par ailleurs un CDD dans une entreprise de réinsertion… mais tout ce que je lui ai fourni comme documents, attestations, bulletins de salaire provenant du CESU… ne suffisaient pas…
Après une numéro de téléphone qu’on a enfin consenti à lui indiquer… J’ai su que le document (attestation que je devais lui fournir) ne pouvait me parvenir par courriel et qu’il prendrait le chemin postal pas avant mardi chez moi, car en provenance de Montpellier! Les versements d’allocations chômage ayant lieu le 5 du mois, il… ne perdra rien – m’a-t-on promis – mais attendra…
Vive le CESU qui simplifie les démarches des employeurs à temps très partiel comme moi et je pense à tous ceux et celles qui ne savent pas faire… Il est vrai que beaucoup passent par des associations qui, au passage, prennent leurs bénéfices… à moins qu’ayant peur des formalités certains emploient au noir !
Je suis en colère et vais écrire à l’éventuel prochain président !
Colère justifiée qu’il nous arrive aussi d’avoir, car ceux que tu connais et que nous soutenons comme nous pouvons, rencontrent presque quotidiennement des difficultés du même ordre… kafkaïennes en d’autres termes! La vieillesse est maltraitée dans notre pays…