Depuis juillet 2011, date laquelle j’ai fait valoir mes droits « légitimes » à la retraite, je me suis largement émancipé du système coercitif mis en place dans mon entreprise pour « manager » par la qualité ! Je me suis affranchi sans regret de l’enchevêtrement inextricable des processus et procédures « de qualité », censés pallier tous les risques d’erreur, mais qui, en dépit du culte qu’on leur voue, masquent difficilement, l’absence de créativité. Ce délestage de cette contrainte imbécile fut même une des rares satisfactions dont on puisse se délecter sans modération au moment où l’on est mis au rancart ! Mais en contrepartie, on devient téméraire et parfois péremptoire, notamment lorsqu’on présente des observations de circonstance comme des vérités démontrées – voire premières.
Ainsi, dans un billet du 28 mars 2014 rappelant le sacrifice des soldats républicains en juillet 1793 à la Roche de Mûrs-Erigné, avais-je imprudemment écrit qu’en Anjou, les monuments à la gloire de la République rappelant des épisodes des guerres de Vendée sont, non seulement « rarissimes », mais, qu’à ma connaissance, il n’en existait qu’un seul, celui de la Roche de Mûrs-Erigné ! ». Si ces hommage aux « patriotes » révolutionnaires de 1793-1794 ne courent effectivement pas les rues et les chemins creux de la « Vendée militaire », l’exemple de la colonne de la Roche de Mûrs-Erigné n’est pas unique. Et j’aurais dû m’en assurer en procédant aux vérifications qui s’imposaient, comme au bon vieux temps, où j’avais mission de promouvoir auprès de mes collègues, les normes et les pratiques panurgiennes de la qualité!
Au cœur du vignoble angevin des coteaux du Layon, une colonne de granit – un obélisque pour certains – a, en effet, été érigée en 1895 sur la place d’Armes du petit village de Nueil-sur-Layon pour rappeler le combat « héroïque » que livrèrent, le 27 avril 1794 (8 floréal an 2) « douze braves » acquis aux idéaux de la République – dont leur maire Nicolas Pilet (1752-1794). Assiégés dans le clocher de l’église Saint-Hilaire par « dix mille assaillants » vendéens des troupes du général Jean-Nicolas Stofflet (1753-1796), ancien soldat des armées de Louis XVI et ancien garde-chasse du comte de Colbert-Maulévrier, les douze patriotes résistèrent avec succès. Mais cette victoire coûta la vie à l’un d’entre eux, qui les commandait, Nicolas Pilet, leur premier édile depuis 1791.
En ce sinistre printemps 1794, les insurgés vendéens encore en armes avaient d’ailleurs de bonnes raisons de chercher à en découdre avec les républicains, dont les « colonnes infernales » semaient la terreur et la mort dans toute la « Vendée militaire », à la périphérie duquel se trouvait Nueil-sur-Layon, qui constituait de longue date un « centre de résistance » contre les insurgés royalistes à la limite du Saumurois favorable aux principes de la Révolution.
A la tête des troupes républicaines, le général Louis Marie Turreau (1756-1816), était un authentique criminel de guerre, au sens moderne du terme. En ce mois d’avril 1794, il n’avait pas encore été relevé de ses fonctions , et conduisait une répression sauvage et impitoyable contre les insurgés vendéens et angevins, allant jusqu’à préconiser l’extermination massive et systématique des villageois de l’Anjou, de la Vendée et du Haut-Poitou. Et même du bétail!
Cette tragédie que d’aucuns assimilent, non sans motif, à une action génocidaire, faisait suite à la déroute de l’armée vendéenne de décembre 1793 à Savenay en « Loire inférieure ». Elle endeuilla la rive gauche de la Loire en aval de Saumur, depuis les Mauges et une partie du pays nantais jusqu’à l’actuel département de la Vendée et le nord du Poitou. Ponctuée de nombreuses escarmouches aux frontières de la « Vendée militaire » entre les troupes survivantes de l’armée vendéenne d’Anjou et les colonnes ou garnisons républicaines, elle donna lieu alors à des déchaînements de haine et de violence dans les deux camps et installa durablement le chaos sur tout le territoire insurgé de 1793. Et des ressentiments qui persistent dans l’esprit des nostalgiques du passé!
Des atrocités furent commises de part et d’autre, de sorte qu’aujourd’hui, confronté à la fragilité des témoignages et, parfois à leur caractère excessif et partisan, il est malaisé de se faire une opinion définitive sur les responsabilités respectives des exécutants de terrain… A deux siècles de distance, le mieux est de prôner la « paix des braves » en cultivant le souvenir de toutes les victimes, quel que soit le clan auquel elles appartenaient, d’autant qu’en y regardant de plus près, on s’aperçoit souvent qu’elles relèvent, toutes, de notre parentèle.
S’agissant de l’affaire de Nueil-sur-Layon, plusieurs récits en ont été faits. Ils reposent généralement sur les mêmes témoignages et s’inspirent probablement les uns des autres. Ils présentent néanmoins certaines contradictions, notamment sur les effectifs réellement engagés. Dans son dictionnaire historique de Maine-et-Loire, rédigé plus de trois-quart de siècle plus tard, l’historien républicain et archiviste angevin, Célestin Port (1828-1901) estime que l’effectif des vendéens qui assaillirent le village de Nueil-sur-Layon, le jour de la Quasimodo 1794 (8 floréal an 2) était d’environ huit-mille hommes, alors que la stèle qui se trouve sur la place d’Armes mentionne dix-mille, et que le site Internet officiel de la ville affiche plus modestement une troupe certes « importante » mais qui ne comprenait guère plus que six-cent « brigands » commandés par Stofflet.
Les visées de ces « débris » de la grande armée catholique et royale d’Anjou, réfugiés dans les forêts de Maulévrier et de Vézins, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Nueil-sur-Layon, n’étaient pas seulement de venger les malheureuses victimes des exactions commises par les « patriotes », elles étaient aussi de piller les lieux de garnison ou les postes républicains pour s’approvisionner en vivres.
Selon Célestin Port, qui décrit l’événement, la ville était « à peu près » désertée, lorsque les vendéens pénétrèrent dans le bourg par la route de Passavant, « poussant devant eux les bestiaux et les grains des pays circumvoisins ». Seuls « douze braves », dont le maire, les attendaient de pied ferme, enfermés armés dans le clocher pour les cueillir « à froid » par une fusillade nourrie, retarder ainsi leur progression, et si possible leur faire barrage dans l’attente de renforts.
Demeuraient cependant en ville à la merci des assaillants, quelques vieillards impotents, quelques femmes enceintes et des enfants, qui n’avaient pas su fuir avec les autres habitants dans les bois taillis du château de la Grise, lorsque l’alarme fut donnée. Sur ce point encore, les différentes versions divergent sensiblement!
Nous retiendrons, ici, celle très documentée, mais apocryphe, rapportée dans un journal, « Le Progrès Illustré » à la fin du dix-neuvième siècle, probablement au moment de l’érection de la stèle commémorative sur la place d’Armes.
« Le dimanche de la Quasimodo, un Nueillais qui travaillait derrière un mur dans un champ nommé « La Colinette » sur la route de Passavant aperçoit quatre éclaireurs vendéens qui s’avancent dans la direction du bourg. Les Vendéens étaient redoutés de la population républicaine de Nueil … Stofflet allait sûrement mettre à sac leur village et faire payer cher aux habitants leur dévouement à la nouvelle cause… Comment les avertir de l’approche de l’ennemi?
Notre homme a alors une idée géniale. Il laisse s’avancer les cavaliers et lorsqu’ils sont prêts de lui, avec un beau sang-froid, il commande à pleine voix: Garde à vous! Armez! Joue!
Surpris et craignant une embuscade, les éclaireurs tournent bride et s’enfuient à fond de train. L’homme courut alors alors dans le bourg et donna l’alarme. Affolés les habitants mirent en lieu sûr leur argent, cachèrent leurs provisions et en toute hâte traversèrent le Layon (…) Seuls douze hommes résolus se décidèrent à défendre le bourg »
Ces « douze braves » étaient Nicolas Pilet, menuisier, maire du village, son frère Pierre Pilet, régisseur du château de la Grise, André Gauthier, les frères Gallard, les frères Charruau, Pierre Hervé, Pierre Gannereau, Louis Desnoues, Nicolas Godineau, Jean Hétreau. Quelques enfants soutiennent leurs pères, dont ceux des frères Pilet.
Sous l’autorité de leur maire, les résistants du clocher n’espéraient pas venir à bout de l’unité vendéenne lourdement armée, qui investissait le village, mais la freiner suffisamment jusqu’à l’arrivée des renforts. Eux-mêmes bien équipés, ils possédaient des réserves de cartouches et de l’approvisionnement nécessaire pour soutenir un siège. Conscient du lourd défi qu’ils s’imposaient, ils se répartirent la besogne en s’organisant en trois groupes de quatre, pour respectivement déchirer les cartouches, charger les fusils et tirer.
Lorsque les « blancs » débouchèrent sur la place, ils firent feu!
Surpris, les vendéens s’arrêtèrent et cet instant d’indécision faillit leur être fatale. Elle leur fut préjudiciable, car les balles meurtrières « éclaircissaient » leurs rangs, au point qu’ils songèrent à battre en retraite! C’est alors que le général Stofflet furieux les poussa courageusement à resserrer les rangs, tandis que son propre cheval s’écroulait sous lui, mortellement atteint.
A sa manière rustre et autoritaire, il les motiva: « Marchez-donc, tas de jean-foutres » ! Dans le clocher, Nicolas Pilet cria à son tour « Feu de douze » et les tirs redoublèrent de plus belle, tuant plusieurs vendéens. D’autres répliquèrent par des salves fournies, atteignant l’infortuné maire au coude. Stofflet donna alors l’ordre d’incendier le village et son église. Puis prenant en otage les quelques habitants qui n’avaient pas pu abandonner les lieux, et les plaçant face à la mitraille, il entendit faire taire la résistance des « douze braves » en s’en servant comme boucliers!
Las! » Du courage et du sang-froid mes amis, visez lentement » clama alors Nicolas Pilet, sérieusement amoché … Et les tirs du clocher se poursuivirent jusqu’à la nuit, au grand dam de Stofflet qui constata que sa troupe avait été en partie décimée…
A la faveur de cette trêve, les troupes républicaines des environs, commandés par les généraux Jean-Pierre Boucret (1764-1820) et Louis Grignon (1748-1825 ) purent enfin déserrer le siège et délivrer Pilet et ses compagnons. A temps, en tout cas, pour leur éviter d’être carbonisés dans l’incendie qui continuait de ravager l’église…
Le maire, mortellement blessé, décéda quelques jours plus tard! S’il fut certainement le seul à être tué au cours de l’assaut de l’église par les soldats royalistes, les registres d’état civil de la ville de Nueil-sur-Layon – dont la tenue a été interrompue pendant une vingtaine de jours après le huit floréal de l’an II – font mention de décès par assassinat » à cause de la fureur des brigands ». Je n’ai pas retrouvé en revanche l’acte de décès de Nicolas Pilet…
Ainsi, doivent au moins figurer au titre des victimes nueillaises de cette attaque vendéenne, André Davy, cultivateur d’une soixantaine d’années et Jean Foudrin, tisserand, tués tous les deux, le 8 floréal an 2. Peut-être d’autres devraient être consignés dans cette macabre comptabilité, paysans des campagnes environnantes, que les troupes vendéennes affamées cherchaient à spolier et voler.
En 1830, lors de la révolution de juillet, la Garde nationale reprenant les armes, vint rendre hommage aux douze braves de Nueil-sur-Layon et incliner symboliquement le drapeau tricolore devant cinq des survivants de cet épisode dramatique des guerres de Vendée, à la gloire de la République.
L’obélisque de Nueil et la colonne de la Roche de Mûrs-Erigné sont-ils les seuls témoignages des faits d’armes à l’honneur des républicains durant les guerres de Vendée de 1793 à 1800? Sans doute pas... Il faudrait d’ores et déjà, ajouter à la liste, la stèle des « Fosses-Cady » à l’orée de la forêt de Beaulieu-sur-Layon, où reposent plus de mille républicains, tombés lors de la bataille du Pont-Barré le 19 septembre 1793… Mais c’est une autre histoire, moins valorisante, car la défaite, ici, fut cinglante…
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Extrait de Itinéraire de la Vendée Militaire -journal de la guerre des géants 1793-1801 – de P. Doré-Graslin –
« Dimanche 27 avril – La colonne de Dusirat se remet en marche depuis les environs de Saint-Florent-le-Vieil où elle était restée depuis le combat de Chaudron. Elle va camper entre Saint-Laurent-de-la-Plaine et La Jumellière où elle massacre les Vendéens surpris dans leurs postes car, pour une fois, la fumée de incendies n’annonce pas son avance ».
« Le 28 avril Chanzeaux voit passer la colonne de Dusirat qui y tue un grand nombre de personnages. Puis, elle va vamper à Gonnord, avant de s’arrêter le lendemain à Trémont, entre Doué-la-Fontaine et Vihiers. »
Merci pour cette indication sur une « colonne infernale » qui sévissait du côté de Vihiers. Cette précision confirme que l’engagement souvent barbare était évidemment le fait des deux camps…
J’ignore si les frère Gallard étaient originaires de Nueil et s’ils sont apparentés de mon côté paternel… Mon grand-père est né (oui mon grand-père je dis bien) est né le 2 décembre 1848 à Nueil-sous-Passavant… Affaire à suivre.
Effectivement… affaire à suivre!