Même dans ses rêves les plus fous, jamais le fantasque périgourdin Antoine de Tounens (1825-1878), roi d’Araucanie et de Patagonie, n’aurait imaginé qu’à moins de vingt bornes de son village natal de Chourgnac et de sa dernière demeure, le cimetière champêtre de Tourtoirac en Dordogne, la petite et la grande histoire se seraient données rendez-vous. Précisément dans un curieux ensemble urbain « issu de rien » planté en rase campagne périgourdine au début des années 1930.
La cité sanitaire de Clairvivre – puisqu’il s’agit d’elle – concrétise en fait une utopie conçue sous la mitraille et les gaz asphyxiant dans les tranchées de Verdun ou de l’Argonne, par un « poilu périgourdin de 14-18 », Albert Delsuc (1893-1962). Et c’est dans ce décor déjà passablement surprenant en soi, que se situe l’histoire de l’actinium d’Irène, que les divagations oniriques d’Antoine n’auraient sûrement pas pu envisager. Un vrai conte « radioactif » alliant suspense et étrangeté au milieu des vallons des environs du château de Hautefort dans le Périgord profond… Et dans un décor qui conjuguant nature et surréalisme, tel un indéfinissable écrin de béton et de verdure, donne un indiscutable piment à cette histoire d’atome !
Le créateur patron de Clairvivre ne ressemblait pourtant pas à un romantique éthéré et le lieu qu’il a conçu n’avait pas vocation à servir de cadre à un thriller de science-fiction. Sur les photos, Albert Delsuc apparaît plutôt comme un personnage sévère avec ses lunettes rondes cerclées de fer et sa chevelure abondante semi-longue en brosse. Fils d’une institutrice de Villefranche-en-Périgord, il avait le style « instit » de la 3ième République sans la blouse ! Mais on aurait pu dire aussi qu’il avait l’allure de ces délégués de la SFIO entrant au congrès de Tours en 1920. D’ailleurs, de cœur, il était un peu des leurs car, à mes yeux, Albert incarnait ces militants « radsoc » du sud-ouest, endurcis mais meurtris par la guerre. Ceux-là, qui, la paix revenue, s’étaient composé l’apparence de responsables ouvriers, députés communistes de banlieues rouges. Sans fantaisie, ils avaient troqué le bleu ou la blouse pour un tristounet « costard-cravate » sombre et gris d’apparatchik.
Mais, parce qu’il était un témoin du premier massacre « industriel » des temps modernes, Albert Delsuc n’était pas seulement une sorte de Mélenchon des années trente mâtiné d’un contestataire à la Thorez. C’était un bâtisseur qui aimait mettre les mains au fournil et les pieds dans la glaise. Etant lui-même une victime de la guerre, il adhéra dès 1923 à la « Fédération Nationale des Blessés du Poumon et Chirurgicaux », principale fédération d’anciens combattants gazés et tuberculeux, dont il devint le secrétaire général dès 1924. Profondément altruiste, Albert Delsuc était habité par un projet fou, une obsession qui donna sens à sa vie: celle de permettre à tous ses camarades de la guerre, traumatisés, blessés, gazés et handicapés de réapprendre à vivre. Son ambition était que les anciens combattants, à la santé et au moral écornés par la « Grande Guerre » puissent fonder une famille et vivre de leur travail. C’est dans ce contexte qu’entre 1931 et 1933, il fonda sur plus de quatre-vingt-dix hectares, la « Cité Sanitaire de Clairvivre », à une quinzaine de kilomètres d’Excideuil et de Salignac en Dordogne.
Il s’agissait tout bonnement de construire une ville équipée des fonctionnalités permettant à une population d’y résider, d’y travailler, de s’y restaurer, mais aussi de s’y distraire, de s’y éduquer et, bien sûr dans le cas d’espèce, de s’y soigner. Une initiative de ce type avait déjà été expérimentée en Angleterre à Papworth, et c’est elle qui, concrètement, avait inspiré Albert Delsuc. La Cité Sanitaire française témoignait en outre d’une conception urbanistique et d’une architecture avant-gardiste, proches des théories de Le Corbusier, qui, rappelons-le, assignait à l’habitat une mission de transformation des rapports sociaux. L’architecte de Clairvivre, Pierre Forestier était d’ailleurs un disciple de Le Corbusier. Evidemment, le temps a érodé l’enthousiasme ingénu des débuts et, force est de reconnaître qu’on a une furieuse tendance aujourd’hui à assimiler l’architecture de Clairvivre, à celle de nos cités de banlieue… mais à la campagne!
Du fait de sa vocation sanitaire, la Cité disposait de structures dévolues aux soins médicaux et à la rééducation fonctionnelle, mais elle était aussi dotée d’installations culturelles et éducatives ainsi que d’ateliers ou d’usines comme une petite centrale électrique, une imprimerie, une usine d’épuration, un système d’adduction d’eau, un garage, une ferme et des abattoirs. A l’endroit où, quelques années auparavant, paissaient des troupeaux de vaches ou de moutons, on vit s’ériger une petite ville avec des pavillons et même des commerces. En dépit des difficultés de tous ordres et des critiques dont il fut parfois l’objet, Albert Delsuc sut garder le cap qu’il s’était fixé tout en s’adaptant. A la fin des années trente, face à la baisse des effectifs de poilus gazés, la cité s’est ainsi transformée en un sanatorium accueillant des tuberculeux. Cette mutation qui inspirera la méfiance des populations des villages voisins en raison d’une possible contagion par la tuberculose incurable à l’époque, lui assurera une relative quiétude pendant la seconde guerre mondiale, les troupes allemandes craignant la contamination par le bacille.
Conformément à ses options progressistes et « humanistes » – à son utopie solidaire – Clairvivre accueillera à partir de 1937 de nombreux réfugiés républicains blessés de la Guerre d’Espagne. De même en 1939 et 1940, les hospices civils de Strasbourg fuyant les hostilités et la terreur nazie s’installèrent ici avec des réfugiés alsaciens et lorrains. La Dordogne en général, initialement en zone non occupée, fut d’ailleurs un refuge pour de nombreux émigrants de l’est en 1940. Le cimetière de la cité – comme d’autres, par exemple, celui de Sarlat – garde la trace de cette période, par les nombreuses tombes des malheureux venus mourir en Périgord.
C’est également en vertu de cette tradition d’accueil que s’y installa de juin à septembre 1940, Irène Joliot-Curie dont le passage en ces lieux a laissé des souvenirs mais également des traces de radioactivité qui étaient encore perceptibles près de soixante ans plus tard. Une biographie de Frédéric Joliot-Curie écrite par Michel Pinault (Editions Odile Jacob, avril 2000) consacre un chapitre à cet aspect peu connu de la dernière guerre mondiale et à l’attitude des grands scientifiques français au moment de l’invasion allemande en juin 1940. En particulier le rôle joué par les Joliot-Curie et leurs équipes de l’institut du radium et du collège de France pour éviter que les résultats de leur recherche en vue d’une première expérience de réaction nucléaire en chaîne, ne tombent entre les mains de l’ennemi. Chacun a en mémoire le film « La bataille de l’eau lourde » qui, en 1948, relate un des épisodes de cette histoire.
Plus généralement, l’histoire de Clairvivre a fait l’objet d’un récit passionnant et fort bien documenté à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de son inauguration, sur l’initiative de Christian Arfeuille, directeur de la cité sanitaire devenue en 1980, établissement public de la Dordogne. Ce livre intitulé « Clairvivre…de l’utopie à la réalité » a été publié par les éditions de la Tuilière en 1999. A sa lecture, on peut présumer que notre téméraire « Antoine de Tounens » roi périgourdin déchu de Patagonie aurait peut-être renoncé à traverser les océans à la conquête de chimères s’il avait su qu’à quelques encablures de chez lui, une utopie à sa dimension allait prendre vie ! Mais il aurait fallu qu’il patiente un demi-siècle ! Et même plus, pour être contemporain de son chapitre « radioactif » ! Chapitre dont la survenue n’est pas contingente de l’activité sanitaire de Clairvivre, mais dont j’aime à penser qu’il n’aurait pas pu s’écrire ailleurs… Ça s’est passé à Clairvivre, parce que, précisément, c’était Clairvivre !
Les prémices de ce conte des temps modernes remontent au début de la seconde guerre mondiale et sa conclusion quasi-définitive ne fut apportée qu’à la fin ultime du 20ème siècle. C’est dire si j’ai eu de la chance d’être modestement associé à son épilogue! « Une sacrée veine » aurait dit ma grand-mère maternelle!
J’écris « conclusion quasi-définitive » non parce que je nourris le moindre doute sur l’absence de nocivité de l’infime champ de rayonnement qui subsiste sans doute encore aujourd’hui à Clairvivre, ni bien sûr que je m’interroge toujours sur les circonstances de la présence d’actinium dans ce lieu insolite et sur la pertinence de nos explications, mais parce que je ne méconnais pas l’insondable capacité de nuisance des ignorants qui se parent des habits de l’écologie militante et qui sont toujours prêts à clouer au pilori médiatique, ceux qu’ils accusent du crime d’avoir laisser « indûment » traîner dans la nature, un seul « becquerel » résilient d’un radioélément exotique. Fût-il d’origine naturelle! Et Dieu sait que l’actinium 227 est exotique ! Et même radiotoxique! Mais heureusement – ou malheureusement – il est du genre très discret, car pour pouvoir en disposer de quelques milligrammes, il faudrait l’extraire d’environ dix tonnes d’uranium. Son abondance pondérale dans l’écorce terrestre est de l’ordre du dix millionième de milliardième de pourcent! N’empêche qu’un becquerel est toujours de trop pour les adeptes de la perfection et de la stabilité absolue! Rappelons que le « becquerel » est l’unité avec laquelle on mesure la radioactivité et qu’elle correspond à une désintégration radioactive par seconde. Pour mémoire, nous sommes tous individuellement porteurs – et depuis la nuit des temps – d’une radioactivité naturelle évaluée à quelques milliers de becquerels !
Quoiqu’il en soit, l’affaire de l’actinium 227 de Clairvivre est une de ces aventures professionnelles qu’on se félicite d’avoir vécue, surtout en tant que protagoniste, même modeste. J’écris cela sans cynisme et sans méconnaître les dangers des rayonnements dits ionisants, mais en nourrissant le sentiment sans doute un peu présomptueux d’avoir été associé – certes, dans les coulisses – à la grande épopée de la conquête des savoirs du vingtième siècle. En tout cas, j’en fus, avec d’autres, un témoin… presque, à l’insu de notre volonté commune !
« Ces autres », ce sont mes amis et mes collègues d’alors, dont l’action fut déterminante dans cette équipée qui s’est déroulée entre le printemps 2000 et le printemps 2002, et d’abord mon regretté compère Gerno Linden (1945-2007): il était gentil comme un belge, astucieux comme Tintin et il confondait toujours « merci » et « s’il vous plaît « . Infatigable ingénieur, il était entêté jusqu’à la déraison lorsqu’il fallait résoudre une énigme scientifique ou technique liée à une expertise radiochimique : il m’a tout appris de son art y compris les bières d’abbaye, mais je n’ai jamais atteint ses sommets. Assurément, je n’oublie pas non plus, Alain Biau, « mon frère astral », mon ami, qui fut l’expert français incontesté de la dosimétrie pendant des décennies et qui préside aujourd’hui le club d’histoire de la Société française de radioprotection, ni Gérard Fouquet, l’amoureux des Nymphéas de Monet et « le » spécialiste « à l’ancienne » de la spectrométrie des rayonnements ionisants : il savait tout des raies d’émission des éléments radioactifs les plus rares,qu’il traçait encore manuellement sur du papier logarithmique. Viennent ensuite mes inséparables compagnons d’expéditions, Michel Paulat, génial improvisateur d’anecdotes, qui, sur le terrain, pouvait avec humour et talent, se jouer des obstacles techniques les plus improbables ainsi que Jean-Pierre Vidal, mon pote, un scientifique pragmatique et imaginatif, alliant sérieux et fantaisie, doté d’une culture scientifique encyclopédique – et pas seulement, car c’est aussi un exégète averti des horaires SNCF : il sait toujours d’avance mettre en place l’organisation la plus appropriée pour affronter une situation techniquement délicate. Je ne cite ici que les « incontournables » dans l’affaire de l’actinium de Clairvivre mais il y en eut bien d’autres, techniciens ou ingénieurs, en soutien de nos investigations, pour conduire « cette expertise en marge de la grande histoire » ! (titre de l’article dont nous sommes co-auteurs, publié en janvier 2003 dans la revue Environnement Risques et Santé).
Je serais injuste si j’omettais de mentionner Jean-François Lacronique, professeur de son état , notre patron et complice, qui nous incita à poursuivre nos travaux au-delà même de l’expertise dont nous étions chargés et qui nous apporta par ses conseils et ses relations académiques une aide précieuse dans la résolution des questions historico-scientifiques que nous nous posions. Enfin, il serait inqualifiable d’oublier le support logistique et administratif, coordonné du Vésinet par Brigitte Lemoine. Il était en effet essentiel pour une telle opération, qu’il soit réglé comme du « papier à musique »!
Dix ans après, je sais que parmi les dossiers que j’ai eus à aborder à l’Office de Protection contre les Rayonnements ionisants, « l’affaire de l’Actinium de Clairvivre » est de ceux – au demeurant assez rares – dont on peut dire qu’il fut une authentique « pépite » ! Il le fut, d’une part parce qu’il a abouti au résultat escompté, à savoir protéger une population d’une contamination radioactive sans remettre en cause l’existence d’un établissement dont l’utilité sociale était incontestable, et d’autre part parce qu’en récompense, il permit de résoudre de manière définitive et convaincante un petit mystère historique. Conduite avec rigueur par une bande de copains, cette affaire qui intègre dans une même démarche, plusieurs dimensions, humaine scientifique et historique, s’est en outre passée dans une région où il est exceptionnel de trouver des traces d’anciennes activités nucléaires et dans un lieu hautement symbolique incarnant la plupart des rêves humanistes des progressistes de l’entre-deux guerres.
Découverte de la contamination radioactive à Clairvivre
Tout est parti d’une initiative en 1998 du directeur de Clairvivre de rédiger un ouvrage relatant l’histoire de la cité en s’appuyant sur les archives disponibles et sur les témoignages des résidents les plus anciens. C’est ainsi que des témoins évoquèrent la présence – sous le statut curieux de « malade hors effectif » d’Irène Joliot-Curie de juin à septembre 1940, précisant que plusieurs scientifiques de renom dont son mari Frédéric Joliot, venaient parfois l’y rejoindre.
Par ailleurs, certains croyaient se rappeler que lors du séjour d’Irène, les clichés des appareils de radiologie de l’hôpital-dispensaire, dont certains locaux avaient été mis à sa disposition, étaient voilés comme si un rayonnement parasite en entravait la netteté. L’affaire intrigua, mais elle aurait pu en rester là si, parallèlement, le médecin du travail n’avait constaté des anomalies sanguines chez un menuisier du Centre d’Aide par le Travail qui occupe les anciens locaux de l’hôpital-dispensaire, lieu confirmé de séjour d’Irène Joliot-Curie. Bien que la suite ait montré que ces altérations sanguines ne pouvaient pas être radioinduites, la conjonction de ces événements a suscité l’inquiétude du personnel, conduisant son directeur à demander à un laboratoire du CNRS du bordelais de procéder à une recherche de la radioactivité dans le bâtiment de l’ancien hôpital.
Cette première expertise en mai 2000, mit effectivement en évidence un champ de rayonnement gamma (γ) très significatif près d’un petit bâtiment semi-enterré situé à l’extérieur du corps principal de l’ancien hôpital à proximité de la menuiserie du Centre d’Aide par le Travail, et ce phénomène fut logiquement interprété comme provenant d’une contamination radioactive à l’intérieur. Pour mémoire, il faut savoir que le rayonnement γ généralement émis par le noyau d’un atome radioactif, est un rayonnement « photonique » de même nature que les ondes radio ou les ondes lumineuses mais de beaucoup plus grande énergie. Il pénètre par conséquent dans l’organisme où il peut provoquer des dégâts cellulaires ou tissulaires. Le champ de rayonnement mesuré ici était assez intense, puisqu’en fonction des endroits, il pouvait varier de quelques dizaines à quelques centaines de fois le bruit de fond du rayonnement naturel en Périgord! En outre, deux prélèvements de poussières par frottis au niveau du sol à proximité de ce local, révélèrent une assez forte radioactivité imputée initialement au protactinium 231, produit de filiation, émetteur α de l’uranium 235.
Ce qui d’emblée apparut étrange c’est que cet uranium 235 – qui, soit-dit en passant, est l’uranium fissile utilisé encore aujourd’hui dans les réacteurs de puissance des centrales électronucléaires – n’ait pas été détecté directement à partir de son propre rayonnement mais par l’intermédiaire de son « petit-fils », le protactinium 231. Etrange également que l’analyse n’ait pas mis parallèlement en évidence des traces de son compère naturel traditionnel, beaucoup plus abondant et systématique, l’uranium 238. Pourtant, dans tout minerai d’uranium, il y a un mélange des deux et même un mélange fortement inégalitaire puisque la proportion de l’uranium 235 n’est que de 0,72%. Perplexes, les auteurs concluaient dans leur rapport d’essai qu’en « raison des radioéléments observés », ces poussières proviendraient « d’un minerai riche en uranium naturel ayant subi des transformations chimiques » au cours desquelles « l’uranium et le radium ont été extraits ».
Ils ajoutaient que « le protactinium, qui présente des propriétés chimiques différentes de l’uranium et du radium n’a pas été extrait et se retrouve concentré dans ces poussières ». En raison de sa période radioactive très longue (32500 ans) par rapport à celles de ses produits de filiations directs, ils ajoutaient que « seul le protactinium 231 » pouvait être « présent. »
L’élément suspecté appartenant à la seule famille radioactive naturelle de l’uranium 235, ce premier résultat est donc apparu déroutant, surtout en replaçant cette contamination dans son contexte historique du début des années 1940 où la notion de séparation isotopique des uraniums n’en était, selon nous, qu’au stade de la recherche théorique. L’uranium 235 qui est bien un élément naturel, aurait du être associé à l’uranium 238, ici absent. C’est à ce moment, fin mai 2000, qu’à la demande de Clairvivre, l’OPRI entre en scène et confirme dès le début juin 2000 les premières investigations faites à l’extérieur du local, s’agissant de l’intensité de la pollution, et conseille à la direction de l’établissement de prendre des mesures conservatoires immédiates de restriction d’accès dans et à proximité du local en cause. Il lui fut demandé aussi d’établir la liste des salariés ayant pénétré depuis la fin de la dernière guerre dans ce local d’entreposage de bacs à plante.
Après avoir informé les autorités sanitaires – ou prétendues telles – nationales et locales des risques d’exposition que pouvait comporter une telle situation, nous sommes intervenus une seconde fois à Clairvivre fin juin 2000 en déployant des moyens très importants. En effet, compte tenu des incertitudes pesant encore sur la nature des radioéléments en cause mais aussi sur l’origine de cette contamination, sur son étendue et surtout sur le nombre de personnes éventuellement concernées, il était nécessaire d’engager une opération d’envergure pour compléter l’expertise radiologique en procédant à des mesures à l’intérieur du local mais aussi d’étendre le champ des investigations à tous les bâtiments et terrains susceptibles d’avoir été contaminés au début de la dernière guerre mondiale à l’occasion du séjour d’Irène Joliot-Curie.
Cette seconde intervention consistait aussi à recueillir le témoignage des personnes présentes à Clairvivre en 1940, en particulier une femme affectée en 1940 auprès de l’illustre patiente Irène Joliot-Curie, prix Nobel et ex-sous-secrétaire d’Etat du Front Populaire. Ainsi furent précisés les lieux fréquentés par l’intéressée ainsi que les noms de ceux qui l’accueillaient, permettant de mieux cibler les locaux et les espaces à expertiser parmi les quelques dizaines d’hectares de la Cité sanitaire. Au total, un contrôle radiamétrique (mesure du champ de rayonnement) a été réalisé dans tous les bâtiments fréquentés par Irène Joliot-Curie, y compris dans les résidences privées de ses hôtes.
Des mesures de radon – autre descendant radioactif, gazeux, de l’uranium – ont été réalisées dans des ateliers, une attention particulière étant portée sur ceux occupés actuellement par des travailleurs. Toutes les voies de circulation ont fait l’objet de mesures à l’aide de matériels embarqués sur véhicule. Au total, plusieurs milliers de mètres-carré ont ainsi été arpentés, y compris l’ancien cimetière « des alsaciens ». A l’issue de ces travaux, il est apparu que les seuls lieux contaminés étaient bien ceux initialement repérés, à savoir le petit local semi-enterré annexé au Centre d’Aide par le Travail et ses abords. Partout ailleurs, le débit de dose du champ de rayonnement γ était de l’ordre de grandeur du bruit de fond local naturel (entre 0,08 et 0,1 µSv/h).
La suite s’est donc concentrée sur ce petit local semi-enterré d’une surface de 6 m2 qui servait du temps de l’hôpital dispensaire, de filmothèque pour les clichés de radiologie réalisés dans un cabinet situé au premier étage d’une aile du bâtiment principal. Indépendant de cette aile, bien que tout proche, il lui était relié par un escalier extérieur en colimaçon qui subsiste mais qui aboutit aujourd’hui à une porte murée. Dans cet ex-cabinet de radiologie, utilisé en 1940 comme bureau par Irène Joliot-Curie, et devenu un local d’archives du service de médecine du travail, aucune singularité radiamétrique n’a été détectée.
A l’intérieur du local semi-enterré, le débit de dose gamma « moyen » fut évalué à environ 40 µSv/h, soit un peu plus de 400 fois la valeur « normale » mais pouvait atteindre ponctuellement plusieurs centaines de µSv/h au contact d’un sol cimenté, poussiéreux et effectivement contaminé par une substance radioactive émettrice de rayonnement alpha. Rappelons que la radioactivité « alpha » est un des modes de désintégration de nombreux radioéléments des chaines radioactives naturelles de l’uranium et du thorium mais que depuis l’apparition après guerre de la radioactivité artificielle produite dans des « piles » ou des réacteurs nucléaires, c’est aussi le processus de transformation d’autres radio-nucléides, comme le plutonium…
En vue de préciser la nature du contaminant du local, une analyse fut réalisée par spectrométrie gamma d’un prélèvement de poussières déposées sur le sol, à un endroit où le débit de dose était le plus important. A notre surprise, cette analyse mit en évidence la présence « avérée » de thorium 227 et non, de celle attendue, de protactinium 231, « son grand-père radioactif ». Pour parvenir à cette conclusion indiscutable, il fallait évidemment disposer d’appareils de spectrométrie de très haute définition, faute de quoi, le dosage ne distinguait pas les raies d’émission respectives et caractéristiques des deux parents! D’où la confusion faite dans un premier temps!
En outre, il est apparu que seul le sol du local était contaminé de façon assez intense et hétérogène par le thorium 227. Compte tenu de l’ancienneté présumée de la contamination et de la période de demi-vie de 18,7 jours du thorium 227, ce dernier radioélément ne pouvait être qu’en équilibre radioactif avec son précurseur (géniteur radioactif) l’actinium 227, émetteur « bêta » qui possède une période de 21,77 ans. La conclusion s’imposait: c’était donc bien l’actinium qui était à l’origine de l’affaire.
Déjà discret par sa très faible abondance, l’actinium l’est en outre par son type d’émission radioactive (bêta) dont l’évaluation résiste à tous les mesureurs verdâtres qui n’ont pour seul viatique que leur militantisme anti-nucléaire, à défaut d’une compétence et de moyens adéquats. L’actinium 227 est un vrai furtif qui ne se laisse approcher que par les pros! Vivant caché, il vit peinard! Lui et ses dix neuf isotopes. D’ailleurs, il ne fut découvert qu’en 1899 après le radium et le polonium, ses cousins, par André Louis Debierne (1874-1949), un chimiste proche collaborateur de Pierre et Marie Curie. Lequel en dépit de son savoir-faire ne réussit pas à l’isoler!
Et pourtant, à Clairvivre, tout suggérait qu’il l’avait été! Sans doute extrait d’une manière ou d’une autre de la pechblende, le classique minerai d’uranium de l’époque, importé de Bohême. En effet, aucune trace d’uranium 235 ne fut détectée dans les échantillons prélevés, pas plus d’ailleurs que celles de ses descendants directs, le thorium 231 et le protactinium 231 (émetteur γ) pourtant considéré au début comme la tête de chaîne de la contamination ( de gondole ou de cascade). Mais qui, en généalogie radioactive, sont pourtant bien les précurseurs de l’actinium 227.
Tout se passe ici comme si l’actinium avait été arraché à sa famille proche !
Mais aucune trace significative non plus, des représentants des cousinages radioactifs traditionnels, à savoir des familles radioactives de l’uranium 238 et du 232Th. La contribution principale – et probablement la seule – au rayonnement gamma important mesuré à l’intérieur du local et à ses abords ne pouvait donc être due qu’au thorium 227 en équilibre avec l’actinium 227 et leurs descendants. Et ce, alors même qu’on croyait savoir « dur comme fer » qu’il n’avait pas fait l’objet d’une extraction avant-guerre. Quand j’écris « dur comme fer », je ne fais pas tellement allusion à nous-même qui n’avions guère de croyance sur ce sujet, mais aux proches des savants d’avant-guerre, qui pouvaient disserter à l’infini sur le raffinage du radium 226, le radium de Marie Curie … mais pas sur l’actinium? Mystère, donc!
Et pourtant, toutes les investigations sur les poussières du local confirmaient la présence d’actinium 227, associé à ses seuls descendants, le thorium 227 et son fils « naturel » le radium 223 . Enfin, la cartographie du champ de rayonnement au contact du sol du local, réalisée par maille carrée d’environ 25 cm, livrait d’intéressantes indications sur la répartition de la contamination et sur les probables circonstances de son apparition. Elle évoquait irrésistiblement l’écoulement d’un liquide à partir d’un point situé au fond du local par rapport à la porte. Tout semblait s’être passé comme si une ampoule contenant de l’actinium 227 s’était brisée laissant son contenu s’écouler selon la faible pente du sol vers la sortie. Aux abords immédiats du local, deux types de situations, de nature et d’origine assez différentes furent observés: d’une part, un champ de rayonnement au contact extérieur des murs du local, imputable pour l’essentiel à la contamination présente à l’intérieur et d’autre part, quelques surfaces de terre contaminée par le transfert des poussières du sol du local à l’occasion des allers et venues depuis soixante-dix ans.
Pour le reste aucune contamination ne fut trouvée, fixée dans les végétaux, de même que sur la partie supérieure de l’escalier extérieur reliant le local semi-enterré et le premier étage de l’hôpital, permettant d’inférer que la pollution hors du local n’était probablement intervenue qu’après la condamnation de la porte du premier étage, qui rendait inutile l’usage de l’escalier.
A ce stade, il restait à confirmer, d’une part que la contamination de la dalle de ciment était due à l’écoulement du contenu d’une ampoule d’actinium et non à la présence sous la dalle d’une source radioactive, d’autre part à s’assurer que l’actinium apparemment fixé sur la couche superficielle du béton n’avait pas migré en profondeur, en particulier dans la terre et enfin à évaluer l’activité massique des poussières atmosphériques, indispensable pour apprécier l’exposition par inhalation des travailleurs dans le local.
Des échantillonnages par percement de la dalle furent donc pratiqués en veillant à récupérer toutes les poussières produites. Mais préalablement, un prélèvement de poussières atmosphériques fut réalisé. Compte tenu de la forte radiotoxicité de l’actinium 227, ces opérations étaient délicates car il s’agissait de procéder à des forages dans un milieu confiné contaminé, les intervenants ne pouvant opérer qu’en optimisant leur temps de présence et en utilisant des dispositifs de protection individuelle notamment respiratoire. La zone de travail devait en outre être isolée de l’extérieur, ventilée en légère surpression et équipée à la sortie de filtres absolus pour éviter toute dispersion de poussières vers l’extérieur. Pour ces raisons, un protocole opératoire strict fut élaboré et testé en laboratoire au cours d’un exercice en grandeur réelle. Cette ultime expertise permit effectivement de répondre aux questions en suspens.
La faible activité massique des poussières atmosphériques en actinium 227 montrait que la quasi-totalité de la contamination était fixée dans le béton et dans la couche poussiéreuse du sol. Autrement dit, que les poussières les plus fines, susceptibles de se maintenir en suspension dans l’air, étaient peu radioactives à l’inverse des plus lourdes. L’analyse des poussières et des éclats de béton ainsi que de la terre se trouvant sous la dalle confirmait que seul le béton avait été assez fortement contaminé.
Dans le local, l’absence « significative » de radon 222 – le « classique » qui fait stresser les autorités sanitaires à l’idée du risque encouru depuis des générations de poivrots dans nos caves à pinard – confirmait l’absence de produits de filiation de l’uranium 238. La contribution à l’exposition du radon 219, descendant de l’uranium 235, ne pouvait en revanche être écartée. En fait, il fut montré qu’elle était négligeable car le radon 219 potentiellement émis à partir de la dalle ou des poussières sédimentées au sol ne pouvait parvenir dans l’atmosphère en raison de sa très courte période radioactive (3,96 s) couplée à sa forte réactivité chimique lors de son éjection. La très faible activité massique des poussières atmosphériques apportait d’ailleurs un autre argument en ce sens.
A l’issue de tous ces travaux, entrecoupés, car nous étions dans le Sud-Ouest, de dîners plantureux au foie gras et aux cèpes, il apparaissait que la contamination mise en évidence à Clairvivre était due exclusivement à l’actinium 227 et à ses produits de filiation, qu’elle était localisée pour l’essentiel dans les premiers millimètres de béton d’une dalle de béton d’un petit local, ancienne filmothèque du service de l’ancien hôpital et qu’elle n’avait pas traversé cette dalle. L’environnement proche du local présentait quelques taches de contamination mais aucun autre endroit de la cité de Clairvivre ne présentait d’anomalie radiologique.
Restait à conclure sur l’objectif principal de cette expertise, à savoir sur l’exposition des travailleurs et des résidents de Clairvivre, en particulier de ceux qui étaient amenés à fréquenter régulièrement les parages du local contaminé. Ce n’est pas le propos de ce billet que de décrire les scénarios d’exposition définis à l’époque pour évaluer le risque subi par les personnes. Ils ont été diffusés, publiés et commentés par ailleurs et ont montré que les irradiations et les contaminations humaines pouvaient raisonnablement être considérées comme négligeables compte tenu (par bonheur) de l’utilisation très épisodique des locaux. Pour la quinzaine de travailleurs identifiés comme les plus exposés – du fait notamment de l’entreposage des bacs à fleur dans le local contaminé – la dose totale reçue fut estimée entre 200 µSv et 450 µSv en cumulant l’exposition interne et externe. Ces doses ajoutées à l’irradiation naturelle sont significatives mais elles sont toutefois inférieures à la dose de 1000 µSv/an, tolérée pour le public par la réglementation. Pratiquement, la solution d’assainissement finalement adoptée – et la moins pénalisante – fut de couler sur le sol contaminé une chape de béton suffisamment épaisse pour fixer durablement la pollution, faire écran et éviter toute irradiation externe ultérieure. A noter que la contamination par l’actinium 227 a déjà décru naturellement de moité depuis la guerre.
Résolution d’une question historique pendante…
Indiscutablement, la contamination découverte à Clairvivre est à mettre en rapport avec le séjour d’Irène Joliot-Curie entre juin et septembre 1940. Bien que sa santé fût à l’époque dégradée et qu’Irène Joliot-Curie figurât sur les rôles de l’hôpital en tant que malade, sa présence en ces lieux était d’abord due aux circonstances dramatiques et en particulier à la débâcle française face à l’avancée de l’armée allemande. La motivation de sa présence n’était donc pas a priori d’ordre scientifique.
La Cité de Clairvivre était alors épargnée par le conflit. Eloignée des principaux axes de circulation et accueillant des patients tuberculeux, elle constituait un refuge idéal pour des scientifiques souhaitant soustraire à la curiosité de l’occupant des documents ou des matières, objets de leurs recherches. Ce fut le cas pour l’école française de physique nucléaire, dont les équipes étaient basées au Collège de France et à l’Institut du Radium et dont le couple Joliot-Curie était la figure de proue.
Cette résistance des scientifiques français et les épisodes de leur exode au cours de ce mois de juin 1940 au sud de la Loire sont connus aujourd’hui et ont fait l’objet de plusieurs récits. Irène et Frédéric Joliot-Curie quittèrent Paris et leur maison de Sceaux le 11 juin 1940 en compagnie de Henri Moureu, le collaborateur de Frédéric au Collège de France emportant avec eux en voiture des ampoules de radium provenant du don fait à Marie Curie par les femmes américaines et d’autres ampoules radioactives. On sait aujourd’hui que parmi ces autres ampoules radioactives figuraient deux ampoules contenant quelques milligrammes d’actinium 227 , qui lui avait été probablement confiées par Marguerite Pérey, l’élève d’Irène et de Marie Curie, qui travaillait alors sur ce produit et ses dérivés, dont le francium 223 qu’elle venait de découvrir.
Dans un premier temps, la voiture parvient à Clermont-Ferrand où se trouve depuis la mi-mai une partie de l’équipe de Frédéric Joliot-Curie. Elle repart le 17 juin pour Bordeaux où s’est installé le reste des collaborateurs de Joliot. Sur le trajet, une escale est faite à Clairvivre pour y déposer Irène. Le radium et les ampoules d’actinium y sont débarqués pour y être mis à l’abri, mais sans les instruments de laboratoire qui auraient pu permettre à Irène de conduire des recherches sur place. Irène Joliot-Curie est reçue par le médecin chef d’alors, le docteur Saïe qui met à sa disposition un bureau au sein du service radiologie de « l’hôpital dispensaire » ainsi qu’un petit bâtiment semi-enterré qui était à l’origine la filmothèque dudit service.
En réalité, ce petit local quasiment aveugle s’apparente à une cave dans laquelle Irène Joliot-Curie entrepose divers objets ramenés de Paris dont des ampoules radioactives et le radium, ainsi que ses albums de photos. Son bureau et ce local communiquaient directement par l’escalier de façade, dont il est fait mention plus haut et dont l’accès est aujourd’hui condamné. Irène Joliot-Curie n’ayant pas mené de travaux expérimentaux à Clairvivre, l’hypothèse la plus plausible pour expliquer l’origine de la contamination constatée serait le bris accidentel d’une ampoule d’actinium. Selon Hélène Langevin, fille d’Irène Joliot-Curie, cet incident aurait pu intervenir entre le moment où Irène a rejoint Paris en septembre 1940 et son second passage à Clairvivre pour récupérer ses affaires en 1941.
Dans une lettre du 2 juin 2001, Hélène Langevin estime qu’Irène Joliot-Curie n’avait pas de motif de déplacer les sources car elle ne les utilisait pas. L’absence de contamination dans les autres locaux qu’elle a fréquentés conforte l’idée que cet incident ne lui serait pas imputable. On peut donc penser que la contamination se serait produite lors de l’intervention dans le local de personnes ne s’attendant pas à y trouver des sources radioactives. Ce qui est certain c’est que parmi la liste des produits partis en juin 1940 et comptabilisés à leur retour à l’institut du radium, une ampoule d’actinium semble manquer. Cette ampoule contenait très certainement une solution d’actinium suffisamment purifiée pour ne pas y retrouver ses précurseurs ou des éléments d’autres chaînes radioactives.
L’expertise de Clairvivre fut l’occasion de se rappeler qu’avant le procédé de formation d’actinium 227 par activation neutronique du radium 226 mis au point en 1947, il était possible de produire de l’actinium par des procédés de purification chimique dont les principes remontaient à Marie Curie. De fait Marie Curie et ses collaborateurs décrirent dès 1930 un mode de purification à partir de chlorures actinifères provenant d’un traitement de pechblende du Congo Belge, pour obtenir quelque grammes de lanthane contenant 1 ou 2 milligrammes d’actinium. Ce procédé exigeait d’immenses quantités de minerai mais force est de constater qu’il fut expérimenté… Et que ça a marché…
Mes copains et moi-même, fûmes très fiers de redécouvrir cette découverte au hasard d’une expertise…et de contribuer à dépoussiérer cette histoire.
Pour conclure, en ces périodes de « chocs divers » notamment de moralisation forcenée, de transparence et d’autocritiques généralisées, initiées par une certaine bourgeoisie « bobo » du 15 ième et ses supplétifs teutoniques des chemins creux vendéens, je dois reconnaître – au risque d’être insipide en étant trop transparent – que pour écrire ce billet, j’ai parfois un peu plagié certains passages d’un auteur. Bien sûr, je me repends de l’avoir caviardé. Mais je le fréquente depuis tant d’années et il m’insupporte si souvent que je me suis dit qu’en compensation, je pourrais peut-être lui « piquer » – comme dit mon petit-fils – certaines de ses assertions! Cet auteur, c’est moi-même mais déjà si différent de celui qui arpentait Clairvivre en l’an 2000 et si étranger à celui qui a publié un article sur ce sujet dans une revue scientifique en 2003.
Merci d’avoir rajouté ce point d’histoire à ce lieu unique appelé « l’utopie de clairvivre »
je ne savais pas qu’Irène Joliot-Curie était venue se soigner dans ce lieu
la famille Joliot-Curie est venue souvent sur l’ile d’oléron à Saint Trojan comme à Saint Pierre au début du xxeme siécle
j’ai pu en voir des photos.
je suis une passionnée de l’histoire de vie et de création qu’est Clairvivre ..hélas beaucoup a été transformé et détruit
je fais parvenir à MTG un article du journal sud ouest que vous pourrez peut être développer..
Eh oui! C’est une étrange aventure, celle de Clairvivre. J’ai eu la chance de pouvoir m’y intéresser et je suis content que mon petit récit ait attiré votre attention. C’était une sacrée chance de pouvoir concilier sa passion de la science et celle de l’histoire! S’agissant de l’article du journal Sud-Ouest, il concerne une fontaine à radon et J’ai eu l’occasion moi-même d’en récupérer dans le passé, comme beaucoup d’autres objets radifères. J’en ai même possédé une, décontaminée, car c’est un très bel objet mais je l’ai donné à quelqu’un qui collectionnait les théières, car le principe est le même.
Vous avez raison: un jour je devrais écrire un petit billet sur tous ces objets à base de sels de radium, utilisés dans le passé. Le radium était en effet considéré comme une substance miraculeuse dans le cadre d’usages divers, médical ou industriel (fontaines à radon, paratonnerres, aiguilles ou plaques pour cancérologie ou pour traitement des affections de la peau comme le lupus, montres, crèmes ou poudres de beauté, etc… Ils continuent de temps en temps de réapparaître dans des brocantes… Et dire qu’en tout et pour tout, on n’a raffiné en France, entre 1900 et 1950, guère plus de 200 grammes de radium! ( C’était une question piège – pour rire – que je posais parfois aux étudiants à l’issue d’un cours ou d’une conférence). Un peu plus de la moitié de cette quantité a été récupérée, le reste traîne sans doute toujours dans les greniers!! Mais 200 grammes, c’est non négligeable et potentiellement très dangereux, car ça correspond à plus de sept mille milliards de désintégrations radioactives par seconde: rien à voir avec la contamination de Clairvivre…
Beau souvenir que cette aventure de Clairvivre!
Sur les usages du radium qui était un produit miracle, il y a eu l’affaire de ce produit radioactif qui était vendu comme complément alimentaire vétérinaire qui devait permettre aux poules de pondre plus d’oeufs et aux vaches d’avoir plus de lait. Après analyse au Vésinet (SCPRI ou OPRI) il s’est avéré qu’il n’y avait aucune radioactivité!!
C’était bien avant l’affaire du cheval dans les raviolis!
Merci Monsieur le Président et cher vieux frère pour ce commentaire et ce complément.
Moi je garde un très bon souvenir de Clairvivre: en tant que stagiaire j’avais découvert une partie de l’histoire de cette cité quand j’y étais en 1982-83 mais je ne savais pas que Irene Joliot-Curie y était venue. Jele decouvre maintenant, merci de nous le faire partager.
Merci de votre commentaire qui justifie mon billet. Bien sincèrement
Merci pour ce texte. Je vous cite sur http://lefenetrou.blogspot.com
Votre commentaire est très sympa. Merci.
bravo pour l’ensemble de ton blog… je te suis depuis peu et je trouve tes articles de qualité! J’édite moi aussi un blog depuis peu, n’hésite pas à venir me lire, j’édite un blog de mode moi ! ++ SAM
Merci pour appréciation. Promis j’irai sur ton blog.
Bravo pour le sujet et le passage sur Albert Delsuc qui me permet de retracer petit à petit la vie de mon grand père, qu’hélas je n’ai pas connu.
Bien à vous
Merci pour votre message. Moi non plus je n’ai pas connu personnellement Albert Delsuc, mais j’ai beaucoup entendu parler de lui et j’admire son oeuvre humaniste. Il est toujours partout présent à Clairvivre, pour qui sait regarder. Je suis heureux et flatté que ce billet vous ait plu, mais le sujet le mérite.
Un commentaire s’étonne de la présence de madame Joliot Curie, mais cela me rappelle une tendre anecdote de mon défunt père qui relatait la présence de cet éminent personnage et notamment de sa sœur Eve (qui a écrit Madame Curie) qui l’aurait pris sur ses genoux. Eve Curie a offert un exemplaire de la première édition de son livre, pas dédicacé hélas …. il orne aujourd’hui ma bibliothèque.
A propos de livre, saviez vous qu’Albert Delsuc en avait écrit un vers 1930 ou 1933 ? : Ce Que Doivent Savoir Les Blessés Du Poumon Et Toutes Les Victimes De La Guerre.
Eh oui, c’est à la fois étonnant et logique. La présence d’Irène est non seulement confirmée par sa fiche d’entrée, mais surtout par la femme de service qui avait été mise à sa disposition et que j’ai rencontrée en 1999, et enfin par sa fille avec laquelle j’ai correspondu à l’époque de notre expertise radiologique. Les données radiologiques elles-mêmes sont une preuve car seule Irène et sa mère Marie Curie étaient en mesure antérieurement à l’activation neutronique du radium (après guerre) d’extraire l’actinium 227 par des procédés chimiques. Michel Pinault dans sa thèse consacrée à Frédéric Joliot et publiée aux éditions Odile Jacob en avril 2000, aborde cette histoire des scientifiques français à l’aube de la dernière guerre.
Quelle chance vous avez de posséder le livre d’Eve Curie dédicacé. Moi, je n’ai qu’une édition de poche! Mais j’y tiens aussi!
J’ai effectivement entendu parler du livre d’Albert Delsuc mais ne l’ai ni vu, ni lu.
Et non malheureusement, le livre d’Eve n’est pas dédicacé, mes grands parents n’ont pas pensé à lui demander ou n’ont pas osé…
Pour le livre d’Albert, j’en avais trouvé un sur internet, tout à fait par hasard il y à une dizaine d’année. Je l’avais offert à mon père, puis à sa mort je l’ai offert à son frère ainé qui est le dernier des enfants vivant d’Albert.
Il existe encore des exemplaires sur internet si vous souhaitiez vous en procurer un.
Merci pour toutes ces précisions. Et je vous prie de m’excuser d’avoir lu trop rapidement votre précédent message relatif à la dédicace… Parfois, il m’arrive de lire ce que je pense plutôt que ce qui est écrit…
Cela arrive à tout le monde.
Chère Madame, je cherche des membres de la famille d’Albert Delsuc pour un documentaire radio sur Clairvivre. Auriez-vous la gentillesse de m’écrire à l’adresse suivante ? sarah.masson@radiofrance.com. Merci beaucoup et merci M.Pasquier pour cet article passionnant!
Sympa votre commentaire!
Bonjour,
Clairvivre est un lieu unique pour moi, de part son passé,
mais parce que mon épouse (Irène) y est née le 22 Avril 1941
nous l’avons visité seulement vers 2010, lors d’une excursion en Périgord
(Clairvivre, Bergerac, Sarlat, Figeac, …)
le lieu était encore en bon état !
nous avons acheté 2 livres sur ce lieu à l’accueil
Belle Histoire qui se complete avec ces deux Irène présentes dans ce lieux exceptionnel
Merci
Tres bon
Merci pour ce témoignage.
Bonjour !
Je suis allée à Clairvivre en … 1957 ! J’avais 9 ans, et pendant ses deux semaines de congés payés, ma mère m’avait emmenée là-bas pour retrouver la trace de mon grand-père, qui y est mort en 1941, de la tuberculose…
Ma mère avait alors 16 ans, et ses parents étant séparés, elle ne l’avait pas revu depuis l’enfance et en a beaucoup souffert.
Nous avions retrouvé sa tombe, alors à l’abandon….
Je me demande ce qu’il savait de ce qui se passait à Clairvivre car il était communiste et avait participé en 36 à l’occupation de son usine (Hispano-Suiza, je crois) en région parisienne…
Merci pour ce souvenir de Clairvivre que vous avez bien voulu nous confier.
Merci pour cet article passionnant!
Je m’intéresse à la Cité de Clairvivre pour une raison familiale: mon père, décédé l’an dernier à 100 ans (!), était Alsacien. Comme il a fui l’Autriche où il avait été réquisitionné par l’armée allemande, il s’est retrouvé à Clairvivre vers 1940 comme instituteur d’une école où il y avait un grand nombre d’enfants juifs.
Est- il possible de retrouver des traces de cette période ? De cette école?
Pour l’instant, je n’ai rien trouvé… Mais je ne me suis pas rendue sur place…
Merci de me dire si j’ai des chances d’aboutir dans mes recherches!
F. Müller- Matboo
Merci pour votre commentaire émouvant. Effectivement, il y eut une école à Clairvivre. Sa construction n’était pas terminée au moment de l’inauguration de la Cité en 1933 ou 1934. Aussi au début, les enfants du personnel étaient scolarisés à Salagnac, une commune voisine, tandis que les enfants des résidents allaient à l’école dans un pavillon qui en faisait provisoirement office (pavillon 28).
La construction de l’école prévue initialement par l’architecte de la cité a été achevée pendant la guerre par les réfugiés alsaciens, dont de nombreux juifs pourchassés par les nazis…
Il y a une vingtaine d’années, le bâtiment de l’école existait et quelques témoins vivaient encore sur place. Ils ont, pour certains, livré leur témoignage dans le livre « Clairvivre … de l’utopie à la réalité » par Jacqueline Desthomas et Jean-Jacques Joudinaud en 1999 aux Editions de la Tuilière. Je ne suis pas retourné depuis plus d’une dizaine d’années à Clairvivre, et ne sais plus ce qu’il en est.
JlucP