Mon père rapporte que dans les années trente du siècle dernier, le vendredi aux alentours de midi, en fin de marché sur la place du Champs de Foire au Lion d’Angers, sa grand-mère Cailletreau, née Anne Joséphine Houdin (1861-1943) achetait ses œufs, parfois son beurre en motte et des volailles à déplumer et vider à des « coconniers » !
« Coconnier » terme aujourd’hui inusité pour un métier disparu, mais qui était couramment utilisé en Normandie, sur les Marches de Bretagne et dans le Haut-Anjou pour désigner ces commerçants ambulants ou colporteurs, qui parcouraient les fermes pour s’y procurer des œufs, des volailles et du beurre, qu’ils revendaient ensuite dans les bourgs. Dans le reste du Maine et Loire, on les appelait aussi « cocaillers » ou encore « coquetiers ».
En fin de marché, les paysans producteurs rétrocédaient, à un bon prix, l’ensemble de leurs invendus d’œufs, de beurre et de volailles, aux coconniers qui s’empressaient, avant de plier bagage vers un autre village, d’en écouler un maximum au détail et à un prix inférieur à celui du marché aux derniers acheteurs qui traînaient encore parmi les étals. En quête d’une bonne affaire, la grand-mère Anne entendait profiter de l’aubaine, tout en veillant à la qualité.
Ainsi, elle n’aurait jamais acheté de beurre sans l’avoir au préalable goûté, de même qu’elle n’aurait pas négocié un poulet sans l’avoir palpé ou senti en lui regardant le croupion. A ses yeux, goûter – lorsque c’était possible – n’engageait à rien, en tout cas n’impliquait pas nécessairement de conclure par un acte de vente. A sa manière, elle faisait jouer la concurrence entre les marchands ; d’ailleurs, elle le faisait autant par jeu -dit-on – ou par malice que par sens de l’économie ou des affaires… Les deux se conjuguaient harmonieusement car elle n’était pas riche.
Pour elle, qui ne savait ni lire, ni écrire, on peut néanmoins postuler que compter était dans sa nature… conformément aux plus récentes recherches scientifiques en ce sens, qui montrent que le nourrisson développe dès sa naissance, un sens inné du calcul ! En tout cas, son comportement venu du fond des âges apparaît étonnamment moderne, surtout par temps de crise! A méditer ! Encore, que s’agissant du beurre dans nos supermarchés, le déballage avant une dégustation-test peut déplaire … !
Eh oui ! C’est le lundi 1er octobre dernier, lors d’un repas familial, que j’ai prononcé ce mot inconnu de nos jours et auquel Maurice a fait écho. Mes parents sous-louaient jadis, avant 1940, à une personne exerçant le métier de coconnière. C’était au 12 promenade de la Baumette à Angers. Il s’agissait de Madame Leblanc. Elle eut, je crois, une fille atteinte de phtisie mais qu’on maria vers 15 ans (?) avec l’autorisation d’un médecin, et qui décéda bien sûr très jeune rapidement. Si mes souvenirs ne s’entrechoquent pas trop (car j’étais enfant à cette date) il me semble que la demeure de cette dame fut bombardée lors du 28 mai 1944. Ce serait son fidèle chien qui l’aida à se sortir des décombres (rue Albéric Dubois à Angers).