Je suis de ceux qui pensent que la signature d’une civilisation réside, entre autres, dans la manière dont elle aborde ce qui a trait à « l’instinct de vie ». Autrement dit, comment elle s’efforce de faire face aux situations extrêmes. Comment elle s’accommode de l’irrationalité et aborde la question de la transcendance pour conjurer l’absurdité apparente de l’existence. Dans ce contexte, les sacro-saintes « valeurs universelles » auxquelles nous aimons nous référer, de même que nos traditions culturelles – au sens le plus large – n’interviennent que de manière contingente et relative, au titre de commodités d’ordre public, imaginées au cours des siècles et des générations pour perpétrer l’espèce avec quelque chance de succès…
De même, la conception du plaisir et la vision de la mort, toutes deux abondamment codifiées, deviennent deux marqueurs incontournables qui « tracent » une civilisation. Ou plus exactement, une civilisation dans son époque ! Sur la mort et sur la manière d’approcher l’angoissante question du néant, j’aurai sûrement l’occasion un jour de poursuivre ma réflexion. Encore que depuis un an, je ne cesse de décrire des personnages familiers mais disparus, avec l’ambitieux et présomptueux projet de les soustraire aux ténèbres. Et peut-être aussi par ce biais de conjurer ma propre fin. Dans un livre consacré à sa mère, l’académicienne Jacqueline de Romilly (1913-2010) n’écrivait-elle pas qu’« on ne pense vraiment au passé que lorsqu’on n’a plus d’avenir » ! Passons !…
Mais en attendant la suite et pour ce qui concerne notre province angevine, on ne saurait cependant trop conseiller de lire ou relire les très belles pages sur « les hommes devant la mort » écrites par un historien contemporain François Lebrun dans son ouvrage édité dans les années 1970 « Les Hommes et la Mort en Anjou aux 17ème et 18ème siècle ». Cet ouvrage décrit avec précision la « foi de charbonnier » de nos ancêtres et recense avec minutie nombre de croyances et de superstitions, qui perdurent peu ou prou aujourd’hui et dont nos proches aïeux ont assuré le relai jusque dans nos propres « petites têtes », colonisant ainsi notre inconscient. Ce que François Lebrun appelle la « liturgie de la mort et le culte des morts » – dont les pratiques d’inhumation dans des cimetières clos situés « hors les murs » – a contribué, à éloigner les morts du monde des vivants pour probablement répondre aux nécessités sociologiques et économiques d’un 19ème siècle industriel. De telle sorte que les fantômes de nos chers disparus ne viennent pas nous importuner ou trop nous détourner de nos tâches quotidiennes. Le deuil est en effet d’autant plus aisé à surmonter que les sépulcres sont hors de vue. En outre, si la mort est perçue comme un passage vers un inconnu potentiellement favorable, elle n’a pas à entraver les projets des vivants et l’aspiration au bonheur ici-bas , sans d’ailleurs préjuger des conceptions parfois antagonistes de ce bonheur! Bref, avec nos morts tout s’est finalement bien passé, dès lors qu’on leur a appris à s’effacer, à rester à leur place en s’abstenant de nous dicter une conduite …Nous avons tous en mémoire l’ambiance plutôt sympathique et joyeuse des « pots » d’après enterrement, où la famille oublie le mort autour d’un bon verre de vin, d’un café et d’une brioche! Que de rires « incongrus » au nom de la tristesse! Ce « pacte implicite » est historiquement daté : il remonte à environ deux siècles, et tout concoure à penser qu’il fut efficace en termes de cohésion de la communauté, même s’il n’a pas éliminé les tensions parfois destructrices en son sein. Préservant les formes du deuil et fixant un délai raisonnable à la douleur de l’absence, il a en tout cas permis de collectivement la dépasser. En sera-t-il toujours ainsi, alors que d’autres philosophies venues d’un passé antérieur qui ne fut pas le nôtre, envahissent de plus en plus notre conscience collective, imposant d’autres visions du progrès, de la mort et du sens qu’on lui confère?
La question du plaisir est plus complexe encore, car, pour nos proches aïeux – notamment angevins, bretons ou poitevins – son existence même était niée, du moins officiellement. « Une femme honnête n’a pas de plaisir » chantait ironiquement Jean Ferrat dans les années 60 ! La question du plaisir ne pouvait donc être abordée que sous l’angle du fruit défendu et de la confession des péchés perpétrés dans les alcôves. Aussi, la référence au plaisir dans les écrits de nos pères, dans leurs propos ou dans leurs comportements ne pouvait qu’être allusive ou symbolique, car l’objet même était, par nature honteux et inavouable, surtout lorsqu’il s’agissait d’évoquer la sexualité. Dans les provinces de l’Ouest au 19ème et au 20ème siècle, conservatrices, toute dérive à cet égard, était sévèrement condamnée voire réprimée par une collectivité machiste qui s’accordait tout de même le droit d’évoquer la satisfaction masculine, au travers en particulier des « maisons de tolérance » ou de garçonnières dédiées, pour les plus riches !
En Anjou, les « élites » de la société – en l’espèce un clergé d’esprit « non concordataire » ainsi qu’une aristocratie légitimiste retranchée par intérêt sur des principes théocratiques d’un autre âge – exerçaient un puissant magistère moral dans de nombreuses strates populaires, hormis peut-être dans celles des carriers et des mineurs d’ardoise de Trélazé, de fer du Haut Anjou ou de charbon de la Basse Loire. Ce gratin moralisant venu de la nuit des temps contribuait au refoulement généralisé, n’hésitant pas à formuler des verdicts sans appel de mauvaise conduite du haut de ses chaires ou du fond de ses châteaux restaurés par Viollet-Le-Duc. Ainsi était jeté l’opprobre sur ceux qui étaient accusés par la rumeur de déroger aux principes des « enfants de Marie ». Ce puritanisme de façade était en fait un moyen commode d’asseoir une autorité, mais surtout de maintenir une certaine forme de sujétion psychologique et ancestrale et, donc d’exercer un réel pouvoir sur les « âmes ». Ou, si l’on préfère, sur les fidèles. L’avantage était insigne puisqu’il permettait de cantonner les ouailles dans une soumission craintive et de bon aloi, sous peine d’être rejetées par la communauté. Pour les dites élites, c’était probablement aussi le « cache-sexe » de leurs propres turpitudes. J’ai des noms !
Respectueux de cette tradition qui veut qu’on taise les amours de la grand-mère ou les incartades badines de l’arrière-grand-père, je n’en dirai pas plus sur ces sujets pour ne pas trop froisser post-mortem ceux de leurs proches aujourd’hui disparus. Serait-ce trahir leur mémoire que d’évoquer la vraie vie de leurs géniteurs ou génitrices, voués à demeurer indéfiniment les gardiens vigilants d’un temple aseptisé de bons sentiments normés ?
Et pourtant, ce serait si bien de leur redonner chair par cette voie-là aussi ! Et de constater qu’ils furent, comme nous, des êtres passionnés, en proie à leur pulsion et à leurs désirs, paillards parfois, complexés, amoureux, jouisseurs. Et plus même ! Je me verrais bien écrire un chapitre intitulé « Désirs du passé », en contrepoint d’une autre formule inventée par une opportuniste, qui, heureusement, a fait politiquement long feu et qui visait l’avenir. C’est surtout au 19ème siècle qu’on a fait croire que la grandeur humaine résidait dans le renoncement janséniste et dans la froideur des sentiments. C’est de cette époque, que la sexualité a été enfouie dans les matelas de paille de nos grands-mères et sous leurs édredons en plume d’oie, d’où n’émergeaient, l’hiver comme l’été, que le bout de leurs nez ! Comme si ça allait de soi ! Et ce faisant, on oubliait qu’à quelques lieues de chez eux, sévissaient joyeusement Rabelais et ses compères avec leurs pantalonnades rigolardes. Mais c’était au 15ème et 16ème siècle.
Bien sûr, mon respect scrupuleux de l’intimité familiale et de cette tradition castratrice imposée aux petites gens d’autrefois, n’est pas seulement motivé par la piété filiale dont je ne saurais néanmoins me départir, mais par le fait que je n’ai pas le loisir de procéder autrement. Aucun témoignage n’est réellement parvenu jusqu’à moi, autres que les images d’Epinal de bons pères et mères de famille, bons chrétiens, patriotes, talentueux, travailleurs et besogneux, ne concevant l’acte sexuel qu’au travers de la procréation dans le cadre d’un mariage chrétien. Laquelle procréation procèderait donc d’une volonté divine dont nos organes ne seraient que des ostensoirs ! Seuls quelques échos assourdis ont franchi le mur du silence…
Silence qui serait inconcevable aujourd’hui, car la « chose » a beaucoup perdu de son parfum de scandale ! Depuis 1968, l’ambiance a bien changé ! Il est probable que ces considérations pudibondes ou ces tabous d’un autre âge feraient rire les générations futures si d’aventure elles avaient dans l’idée de nous raconter ! Ce n’est d’ailleurs pas si sûr qu’elles le fassent ! On assiste en effet actuellement à une certaine remise en cause de cette liberté essentielle de disposer de soi-même, par petites touches répétées. N’admet-on pas de nouveau, ici ou là, dans notre pays, celui de l’émancipation intellectuelle, celui de Voltaire ou Diderot, au nom du principe de diversité et du « droit à la différence », que des femmes puissent, sur injonction phallique de leurs maris « protecteurs », taire toute expression de leur séduction, hors d’un cadre familial imposé ? Et ce, au nom d’un prétexte liturgique fallacieux et ridicule d’un dieu mesquin qui après avoir créé le ciel et la terre, le temps et l’espace, s’enticherait à exercer une vigilance renforcée sur les cheveux et le regard des femmes ! N’assiste-t-on pas de manière souterraine mais continue, sous l’empire d’idéologies rétrogrades, à une sorte de contamination des esprits qui finira sans doute par assimiler le marivaudage à un délit de harcèlement ?
Il y a quand même des plaisirs dont nos ancêtres se sont repus, à propos desquels il est possible – et même recommandé – de s’exprimer. Je veux parler d’une part, du plaisir de la table, de la bonne chère, comme substitut à celui de la chair, et d’autre part, du plaisir du jeu… Il n’y a pas de doute, ils aimaient bien manger et s’amuser !
Je ne traiterai des questions gastronomiques que quand mon cardiologue aura accentué sa pression sur mes restrictions alimentaires. Mais pour l’heure, c’est à leurs jeux que je souhaite m’intéresser en priorité, en m’appuyant sur deux types d’objets, témoins de ces activités ludiques et miraculeusement sauvegardés du sort réservé aux bibelots et ustensiles réputés sans valeur dans les héritages. Au mieux, ils se retrouvent sur les étagères d’avides et habiles brocanteurs, qui vous font mesurer la chance de vous en avoir débarrassé gratuitement !
En dépit des restrictions morales et de l’ardeur des pisse-froid à leur pourrir la vie, force est de constater que nos aïeux savaient, malgré tout se distraire et même s’amuser. Il leur manquait toutefois les modernes jeux vidéo ou la télévision pour s’abrutir comme nous et rêver par procuration, en observant de pauvres gens tenter de répondre à des questions ineptes pour des gains aussi inutiles qu’exorbitants. Disons que la distraction ou les jeux n’étaient pas perçus par nos ancêtres comme un moyen d’ascension sociale ou d’accession à la notoriété. Laquelle au demeurant n’avait pas la même importance que de nos jours. Hormis peut-être pour ceux qui achetaient des billets de la « Loterie Nationale » vendus dès la fin des années 1920 dans de petites guérites des « Gueules Cassées », tenues par des mutilés de la Guerre qui bénéficiaient, de la sorte, d’emplois réservés.
En réalité, les jeux de nos grands-pères et grands-mères procédaient, en gros, des mêmes catégories que les nôtres, se répartissant en jeux dits de société, pratiqués en famille, comme les « petits chevaux, « le jeu de l’oie », le jeu des sept familles, ou encore « le nain jaune », et les jeux d’extérieur, comme le jeu de croquet, les boules ou les palets.. Les enfants se voyaient en outre attribuer des jouets à l’occasion des fêtes, notamment de Noël, dont la cherté dépendait des moyens de la famille: des poupées en celluloïd pour les filles, ou en porcelaine dans les milieux fortunés, des soldats de plombs, des camions en bois pour les garçons, des jeux de cube. A partir des années 1920 apparurent les premiers jeux de Meccano…
Pour les adultes, les jeux collectifs étaient une occasion de tester leur sens tactique, leur ruse et leur habileté et d’en découdre pacifiquement autour d’une « fillette » de vin d’Anjou. Durant l’hiver, chez soi comme dans les cafés ou dans les cercles ou les sociétés d’entraide, les jeux de carte comme la manille, la populaire coinchée ou la simple belote permettaient de tromper la rigueur des temps et de s’affranchir de l’ennui suscité par de trop longues soirées. La période estivale est aujourd’hui propice à la pétanque sous les platanes. En Anjou, elle n’était pas d’usage à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Mais elle avait ses substituts locaux !
En l’occurrence, mes deux types d’objets de référence sont ici « la Boule de fort d’Alexis Turbelier » et le « Jeu de palets d’Alphonse Venault ». Tous les deux renvoient explicitement à une époque, même si ces jeux demeurent pratiqués. Je ne suis pas loin de penser qu’en dépit du temps écoulé et de l’éloignement, ils demeurent imprégnés des effluves d’autrefois et des scènes dont ils furent les témoins ! Tous les deux sont des jeux régionaux. Ce que j’ignore en revanche, s’agissant de la « boule de fort », c’est l’identité précise de son propriétaire : le nom « A. Turbelier » gravé sur le bois peut en effet renvoyer soit à Alexis, le clerc de notaire et acteur de théâtre (1864-1942), mon arrière-grand-père maternel, soit à son fils (1897-1918) tué sur le front de la Somme pendant la Grande Guerre.
Jeu traditionnel en Anjou ainsi qu’à ses confins, notamment en Touraine, « la boule de fort » présente la particularité que les boules utilisées, fabriquées dans du bois dur, de buis, de cormier ou de frêne, d’un diamètre de treize centimètres, sont légèrement aplaties et de façon asymétrique de chaque côté. De la sorte, leur centre de gravité situé du « côté fort » est légèrement décalé par rapport à un cercle de métal, qui constitue la bande de roulement.
Du fait de sa conception, la boule ne peut donc pas avoir une trajectoire rectiligne. Et en fonction de l’habileté du joueur, elle décrira des courbes plus ou moins alambiquées. C’est précisément cette caractéristique qui donne du piment à ce jeu dont les règles reposent globalement sur les mêmes principes que la pétanque. Une autre singularité importante tient au terrain de jeu : devant être extrêmement roulant, il est généralement construit en parquet ou en terre ou sable roulés, et ses bords sont relevés en forme de gouttière de section concave. Compte tenu de sa fragilité, le port de chaussons est obligatoire sur la piste, qui mesure vingt mètres de long sur sept de large avec une hauteur de bordures de trente à quarante centimètres.
Concrètement les boules, lancées avec précaution par les joueurs en fonction des trajectoires attendues pour parvenir au plus près du « petit » peuvent rouler pendant plus d’une minute pour atteindre leur destination. Les parties peuvent donc durer plusieurs heures avant d’atteindre les dix ou douze points de la victoire.
L’entretien des terrains est assuré par des « cercles et sociétés » de jeux de boule de fort, exclusivement réservés aux hommes, et qui se financent par les recettes des buvettes attenantes aux pistes. Lorsque quelqu’un perdait sans marquer un seul point, il payait sa tournée mais il était tenu de aussi « biser le cul de la vieille » ou « de Fanny », c’est-à-dire de déposer un baiser de préférence sonore sur l’image d’un éminent postérieur féminin, présenté jupes relevées, affiché en bout de terrain…Freud, quand tu nous tiens !
Jusqu’à la guerre de 1914, Alexis, père et fils, fréquentèrent, assidument, le cercle paroissial Jeanne d‘Arc du quartier de la Madeleine, sis au 121, rue de la Madeleine à Angers, notamment les dimanches de relâche de la troupe de théâtre paroissial ou lorsque le père comédien n’était pas de représentation. C’est surtout le père qui pratiqua les boules car la carrière de bouliste du fils fut brutalement interrompue et définitivement par la guerre ! Freud, quand tu nous tiens !
Les palets d’Alphonse Venault
Tout récemment – août 2012 – ma mère Adrienne Turbelier m’a remis un petit sac en toile qui contenait un jeu de palets ayant appartenu – m’a-t-elle dit – à son oncle Alphonse Venault, le frère ainé de sa mère, Adrienne Venault (1894-1973). Le frère de cette grand-mère que j’ai eu l’occasion d’évoquer à maintes reprises ici. Le jeu de palets dont il est question ici est anciennement pratiqué dans les campagnes de l’Ouest; et ce depuis au moins deux siècles. Il présente d’ailleurs de nombreuses variétés régionales ou locales. Dans le cas précis des palets d’Alphonse , il s’agit plutôt de la « règle » du Nord des Deux-Sèvres d’où était originaire le vieil oncle né en 1888 à Viennay.
D’une manière générale, le jeu consiste à lancer des palets le plus près possible d’un autre palet plus petit, préalablement lancé sur une surface délimitée, comme une planche de bois ou une plaque de plomb ou directement sur la terre comme c’était probablement le cas dans la pratique d’Alphonse. En tout cas, telle que se rappelle l’avoir observée Adrienne Turbelier dans les années trente.
Elle était alors âgée d’une dizaine d’années et se souvient avec émotion des parties de palets auxquelles se livraient son oncle et son père Louis Turbelier. Au-delà du jeu lui-même, ces modestes palets de fonte lui rappellent les vacances de la famille Turbelier à Almenêches dans l’Orne chez l’oncle Alphonse et la tante Rachel. Alphonse employé de chemin de fer sur la ligne Paris Granville – invitait presque chaque année sa sœur Adrienne, son mari et ses trois enfants, à venir passer quelques jours chez eux en Normandie.
Alphonse et sa sœur Adrienne avaient quitté leur Poitou de naissance depuis de longues années et ces congés étaient l’occasion de se retrouver et d’évoquer leur enfance, surtout après l’accumulation d’épreuves vécues depuis une vingtaine d’années : décès du père cheminot broyé par un train en 1911, perte d’un frère Albert Venault tué à la guerre en 1918 et mort en 1931 de Clémence Fradin leur mère, victime d’une septicémie gangréneuse. C’était aussi une occasion de se changer les idées sous les paysages verdoyants de Normandie et de rencontrer les cousins. C’était aussi une aubaine pour la famille du gardien de la paix municipal de la ville d’Angers, ancien ferblantier de Bessonneau, Louis Turbelier, dont les revenus modestes n’auraient pas permis un tel déplacement en train – d’Angers à Allemenêches – sans l’oncle cheminot qui les faisait bénéficier de ses propres permis de transport.
Plus de soixante-dix ans se sont écoulés depuis ses parties de palets, mais Adrienne seule survivante de cette époque avec son frère Albert, revit avec intensité – comme la gamine qu’elle était – ses moments de bonheur simple et champêtre. L’accueil quasi-hôtelier des Venault et de la tante Rachel en particulier, qui se levait aux aurores pour battre leur linge au lavoir, si d’aventure leurs vêtements avaient été salis la veille lors d’escapades joyeuses dans la campagne avec les cousins. Et elle s’arrangeait pour qu’ils puissent les reprendre dès leur réveil dans l’unique chambre qui leur était allouée et qu’Adrienne partageait avec ses frères et ses parents…
Au-delà du plaisir du jeu, ces palets incarnent encore aujourd’hui ces instants de convivialité familiale, où les sentiments trop souvent retenus retrouvent leur spontanéité et la fraicheur d’une enfance retrouvée… Ces petites galettes de fonte sont donc beaucoup plus chargées en émotions que ne le laisserait augurer leur simple poids!
Bravo pour ce long texte. On en arrive aux « pots » après décès. Je me souviens de celui de mon cousin germain Jean B. Sa veuve décédée depuis, avait su dire ce qu’il fallait : « en souvenir de Jean ».
Pour ma mère, Germaine Turbelier veuve de M.-J. Gallard, nombreux étaient les présents après la sépulture. Sa convivialité notoire devait être célébrée, Tu avais pu te libérer de tes obligations, ainsi que ta famille. J’avais prévu un en-cas et le café-restaurant fut quelque peu « bousculé » car nos prévisions avaient été largement dépassées. Beaucoup avaient voulu honorer la défunte. L’épouse de mon frère aîné, tous deux disparus depuis, avait été absolument « époustouflée », elle qui ne connaissait quasiment pas la famille élargie… ceux de Loire-Atlantique… ceux d’Anjou… les descendants Turbelier cousins les plus lointains en généalogie … les amis des uns et des autres… avaient co-voituré.
Il y a deux ans, à la sépulture de Joseph Gallard, mon frère aîné, fin juillet 2010, dans le Poitou, mes nièces ont dû faire face à ce genre de surprise mais dans les deux cas les établissements contactés ont improvisé efficacement. Finalement, c’est dans ces occasions, comme on le sait, qu’on peut se retrouver, compte tenu des éloignements des uns et des autres. Alors que vive ton blog… on peut correspondre par les moyens modernes !
Quant au jeu de la boule de fort, on peut évoquer Marie Turbelier, qui tint le cercle de Montjean et râlait bien un peu quand les bonshommes réclamaient une autre « fillette ». Il y a longtemps, tu m’as fait cadeau d’une des deux boules de fort qui auraient appartenu à mon grand-père (ton arrière pour toi). Le bois n’a pas eu suffisamment d’eau et elle a tendance à mal vieillir. Lors d’un voyage en Angleterre, jadis, mon fils aîné Vianney T. a pu voir le même jeu de boules de fort. Héritage des Angevins, Rois d’Angleterre ? Quant aux palets de ton oncle, il y a quatre ou cinq ans, en Loire-Atlantique, lors d’une kermesse de mes petits-enfants, j’ai vu des gens qui utilisent ce jeu chez eux avec une planche et je n’ai pu retenir les calculs !
Merci pour ce commentaire. En écrivant mon petit paragraphe sur les « pots » d’après enterrement, je pensais effectivement – et notamment – à celui auquel j’ai participé en février 1990 lors des obsèques de « Tante Germaine » (Germaine Turbelier épouse Gallard 1896-1990), ta maman. Je me souviens de ce petit troquet que vous aviez réservé, en bordure de voie de chemin de fer près de la gare de la Maitre-Ecole à Angers et de l’ambiance très chaleureuse qui y régnait! La salle était noire – de deuil sans doute – mais surtout de monde, qui écoutait « à plus soif » les anecdotes racontées sur ta mère avec beaucoup d’humour et de tendresse, en particulier par tes frères. Sûrement que la défunte qui aimait les fêtes de famille aurait apprécié cet hommage.
Par ailleurs, je m’en veux d’avoir omis de parler de « Marie Turbelier » de Montjean, qui tenait un jeu de « boules de fort ». Tu as bien fait de réparer cet oubli!
Merci et bravo pour cette « leçon d’histoire »
Je vous souhaite de joyeuses fêtes !