Dans le bric-à-brac de la mémoire, il se produit parfois des phénomènes de congruence inattendus. Ainsi, par le biais d’une vieille photographie au grain incertain datant des années soixante et d’une visite en mai 2011 d’une ancienne ferme troglodyte en Anjou, dans laquelle était entreposée une machine agricole à vapeur, on redécouvre, presque à son corps défendant, le fameux régulateur à boules de James Watt. Régulateur qui témoigne du caractère conceptuellement fécond du couplage de la mécanique classique et de la thermodynamique. Parfois, il a aussi détourné des sciences et des techniques des générations de lycéens de classe de première, contraints d’aborder besogneusement et simultanément la question complexe des forces centrifuges, de la gravité et de la dilatation des gaz. Il a peut-être aussi éveillé des vocations de physiciens et d’ingénieurs.
Cet appareil qui équipait autrefois les machines à vapeur, notamment les locomotives, servait à réguler l’admission de la vapeur provenant de la chaudière vers le cylindre du piston. Cet ingénieux dispositif imaginé par Watt était en fait un système d’autorégulation de la vitesse de rotation du volant d’inertie actionné par la bielle transformatrice du mouvement de va-et-vient du piston. Composé de deux boules métalliques soutenues par deux tiges articulées autour d’un point fixe, le régulateur comprenait en outre deux autres tiges couplées à un collet qui pouvait s’élever ou s’abaisser le long de l’axe vertical. Quand la machine à vapeur fonctionnait au bon régime, l’écartement des boules était normal. Mais si la vitesse était trop élevée, les boules s’éloignaient de l’axe, entraînant le collet vers le haut et l’ouverture d’une valve d’admission, qui permettait à la vapeur provenant de la chaudière de s’échapper. A l’inverse si la vitesse de fonctionnement était trop réduite, les boules se rapprochaient de l’axe et le collet s’abaissant refermait la valve. Le régulateur à boules fut un des premiers mécanismes de rétroaction, utilisé dans le domaine industriel.
Les profs de physique des années soixante – ceux du Lycée David d’Angers comme les autres – en faisaient un sujet privilégié de cours et d’exercices, car au-delà de l’explication assez intuitive du fonctionnement du mécanisme, il fallait aussi le mettre en équation. La photo ci-dessus montre un de mes condisciples de l’époque s’efforçant, « sûrement avec succès », d’identifier le jeu des forces en action sur un graphique simplifié du dispositif à boules. Ce camarade – qu’en l’occurrence j’appellerai Norbert G. – a fait, m’a-t-on dit, une brillante et grande carrière dans le secteur cosmétique et dans la parfumerie. Il le méritait mais je doute qu’il ait eu l’occasion par la suite d’utiliser le régulateur à boules et de se pencher sur les calculs correspondants. Les alambics et les réacteurs chimiques n’en ont cure ! Mais je suis certain qu’il se souvient de ces séances mémorables de répétition réciproque, où, sur le tableau noir de la rue de Messine, nous préparions tant bien que mal nos devoirs surveillés…
Quelle joie de retrouver, un demi-siècle après, ce bon vieux régulateur à boules sur une machine agricole de jadis, remisée dans une grange d’une ferme troglodyte… Enfin un billet consensuel…même s’il donne des vapeurs !
tu l’as dis bouffi quelle découverte, « et quelle joie de retrouver, un demi-siècle après, ce bon vieux régulateur à boules sur une machine agricole de jadis, remisée dans une grange d’une ferme troglodyte »
Et pour ma part, je ne savais même pas qu’elle existait ,alors merci mon grand frére…
Ta petite soeur Marie-Brigitte